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Vivien Romain MANANGOU: Ce que je pense du Congo

Enseignant Chercheur à l’Université Marien NGOUABI, ancien porte parole du candidat Guy Brice Parfait Kolélas à la présidentielle du 20 mars 2016, candidat malheureux aux élections législatives du 16 juillet 2017, M. Vivien Romain Manangou.

Enseignant Chercheur à l’Université Marien NGOUABI, ancien porte parole du candidat Guy Brice Parfait Kolélas à la présidentielle du 20 mars 2016, candidat malheureux aux élections législatives du 16 juillet 2017, M. Vivien Romain MANANGOU a accordé une interview à Oeild’Afrique dans laquelle il a abordé les questions des législatives de juillet 2017, du statut du chef de file de l’opposition, de la situation économique que travers le Congo Brazzaville et de l’accession du Congo à l’indépendance.

Oeild’Afrique: Quelle lecture faites-vous des élections législatives de juillet 2017 dont vous avez pris part ?

Vivien Romain MANANGOU: Une élection est toujours un moment de communion avec le peuple, quoi que ce dernier ait massivement boudé les urnes. Ces élections ne resteront pas dans les annales comme un grand rendez-vous démocratique. Nous devons tirer les leçons des ratés pour ne pas refaire les mêmes erreurs la prochaine fois. Dans ma circonscription par exemple, j’ai dû faire face à un vote massif de la police militaire au centre 19 septembre au fond tie-tie. Jamais je n’ai baissé les bras au point de m’interposer entre l’urne et les PMK. Cette triste réalité n’est pas toujours le fruit d’une décision de la CNEI, mais des potentats locaux qui se prennent pour des cowboys dans leur circonscription. Que dire de la rétention des fiches jaunes par les présidents des bureaux de vote, ce qui fausse complètement le résultat final ?  Cependant, je reste convaincu qu’une opposition organisée peut faire face à la machine de tricherie la plus impitoyable qui soit.

Que répondez-vous à ceux qui vous traitent de traitre pour avoir pris part à ces législatives dont les résultats ont été déjà connus d’avance ?

Vous savez, la première vertu de la démocratie, c’est la tolérance, je comprends la position des « boycotteurs historiques ». Je leur demande simplement de comprendre la nôtre. Comment prétendre faire mieux que le régime en place si nous brillons nous-mêmes par une intolérance malsaine ? Pour ma part, j’ai fait ce qui me semblait juste pour le pays. Cette élection a été un moment de pédagogie, j’ai rappelé au peuple qu’il devait rester debout, qu’une campagne électorale ce n’est pas noël, que nous étions assis sur une dette colossale, que la responsabilité de cette dette incombait à l’actuelle majorité et aux précédentes, qu’il fallait donc envoyer des députés de l’opposition à l’Assemblée pour infléchir la politique gouvernementale.

Je note qu’en Birmanie en présence de la Junte militaire, Aung San Suu Kyi a toujours pris part aux élections ; de même, le regretté Étienne Tshisekedi jouait toujours le jeu électoral. 15 ans de boycott ont complétement détruit l’opposition au point où, les anciens ministres du président Sassou sont devenus les chefs de l’opposition. Le boycott est stratégiquement inefficace et politiquement suicidaire.

J’ai présenté des documents prouvant que ma campagne a été financé de deux manières : par un emprunt à la MUCODEC et par le soutien de nombreux compatriotes à l’intérieur, tout comme à l’extérieur.

Je profite de cette occasion, pour remercier mes amis de France, de l’Afrique du Sud, de la Norvège, de la RDC et bien sûr du Congo, pour leur soutien financier, moral et matériel. Le Combat pour la démocratie continue.

Quelle est votre position par rapport à la configuration politique actuelle ?

Pas simple de se retrouver dans le paysage actuel. D’un côté, il y a un bloc soutenant le pouvoir, assez homogène depuis des années. De l’autre, existe une opposition complétement disséminée : l’UPADS et le YUKI d’un côté, comme porte-étendards d’une opposition participative ; à côté, la fédération de la présidente Munari et le front du Président Dzon, dans une forme d’opposition intransigeante ; tout autour, et notamment à l’extérieur, une opposition plus radicale dont on aurait tort de ne pas entendre les revendications.

Je note simplement que la confrontation n’est pas idéologique, souvent, les personnes s’affrontent au détriment des véritables questions d’intérêt général. J’ai par exemple vu de près les dégâts du tribalisme lors de la présidentielle – il se disait : «seul un homme du nord peut remplacer le président Sassou», ou encore «les nordistes là veulent nous tromper». Dès lors, je crois qu’il est urgent que ceux qui sont pour le dépassement ethnique véritable, ceux qui veulent voir l’instauration du règne républicain de s’unir et faire face ensemble.

Sans aucun doute, la véritable confrontation est entre tribalistes et antitribalistes, entre coresponsables de la déroute financière du pays et partisans de l’orthodoxie financière. Cette double configuration dépasse largement la structuration politique actuelle, qui n’est en réalité qu’apparente. Il faut proposer autre chose au pays qu’un affrontement ethnique ou un turnover au pouvoir à peine voilé ! 

Les Etats majors de deux leaders politiques de l’opposition à savoir Pascal Tsaty Mabiala et Guy Brice Parfait Kolelas semblent se diviser sur le statut du chef de fil de l’opposition alors quelle est votre position à ce sujet ?

Je n’ai pas l’impression que les deux leaders que vous citez se divisent sur le sujet. Bien au contraire, j’ai apprécié la réaction du Président Kolélas et du premier secrétaire Tsaty Mabiala qui ont clairement exprimé le fait qu’ils ne se battaient pas pour ce poste. D’ailleurs, il est bien dommage d’observer depuis un moment que ce poste ait été utilisé par le régime comme un élément de soumission de l’opposition. Le pouvoir doit comprendre qu’il est de leur intérêt est de celui du pays qu’il existe une opposition forte, capable de proposer une alternative au pays, autrement, c’est dans la rue, ou dans les armes que l’opposition s’exprimera.

Pour le reste, l’alinéa 2 de l’article 63 de la Constitution de 2015 donne au législateur le pouvoir d’adopter un statut pour l’opposition. Le législateur a adopté la loi sur l’opposition politique, dans laquelle, le critère de désignation du chef de l’opposition est celui de la représentativité. En clair, le chef de l’opposition sera celui dont le groupe d’opposition sera le plus important au sein de l’Assemblée nationale. C’est le règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui déterminera les conditions de constitution des Groupes. Mais on peut d’ores et déjà dire qu’il serait incongru d’essayer de contourner la volonté populaire par des artifices juridiques avec pour objectif d’aboutir à une interprétation différente de la loi : le droit rien que le droit.

En prenant pour appui les exemples du Sénégal, de la Guinée Conakry, du Mali, du Togo, de la Côte d’ivoire, du Gabon, du Kenya, là où le chef de file de l’opposition est celui qui vient immédiatement après le vainqueur de la présidentielle, peut-on dire que la question du chef de file de l’opposition est une manière machiavélique pour le pouvoir de fragiliser davantage l’opposition

Non, chaque Etat a le droit de choisir ses critères de représentativité. Pour ma part, je considère qu’il est illogique que le chef de l’opposition soit issu d’une élection qui n’est pas la principale élection. En effet, dans notre système, l’élection présidentielle demeure le principal rendez-vous pour l’accession au pouvoir, il serait donc normal que le second soit le principal opposant.

Au demeurant, le choix du groupe majoritaire de l’opposition peut avoir des effets pervers, imaginons un instant qu’un parti gagne 15 sièges dans un département, et se place deuxième à l’Assemblée nationale. Son chef devient le chef de l’opposition, mais est-il réellement représentatif des Congolais qui sont opposés au pouvoir. Alors qu’avec le second d’une élection présidentielle, vous êtes sûr qu’il a recueilli des voix sur l’ensemble du pays. Retenons qu’il s’agit d’une avancée que le Gouvernement devrait se garder d’instrumentaliser à des fins politiciennes.

Quels regards portez-vous sur la situation économique difficile que traverse le Congo-Brazzaville, des licenciements abusifs dans le secteur pétrolier, des grèves à répétition à l’Université Marien Ngouabi et au CHUB ? 

Nous vivons une crise rude qui est en réalité celle de la raréfaction de l’argent public. On peut de prime abord penser que la crise résulte exclusivement de la baisse du prix de pétrole, En réalité les causes sont diverses, elles sont d’ordres endogènes et exogènes.

Sur le plan extérieur, il est incontestable qu’à partir du moment où le budget national résultait à plus de 75% de la vente du pétrole, qu’une chute du prix de baril devait causer des dégâts.  Notre pays n’est pas un cas isolé, il en est de même pour le Tchad, l’Angola, le Gabon et autres. Cependant, nous subissons avec force parce que nous n’avons pas assez anticipé cette chute. Au lieu de mettre nos excédents budgétaires dans la diversification de l’économie, nous l’avons dilapidé. Pourquoi avoir supprimé le fond des investissements ? Nous aurions dû porter la part de l’agriculture dans le PIB à plus de 10%, qu’avons-nous fait du tourisme ? Nous sommes toujours aussi dépendants sur le plan alimentaire… Nous avons été incapables de profiter des grands travaux pour les transformer en emploi pour les Congolais : rappelez-vous des paroles d’Adam Smith : «le travail a été le premier prix, l’achat original (…) à l’origine, on n’a pas acheté avec l’or et de l’argent, mais avec le travail ». Le travail est donc la base d’une économie prospère, or le chômage demeure endémique, malgré les grands travaux.

Sur le plan interne, Il faut d’abord pointer la mauvaise gouvernance, sinon comment justifier que sept ans après la restructuration de la dette par le club de Paris, le pays soit encore plus endetté aujourd’hui ?

Il me semble aussi que le pays n’aspire plus confiance ni aux Congolais, ni aux investisseurs étrangers. Cela s’explique par les événements des années 2015 -2016. Le sentiment d’instabilité politique pousse les investisseurs à freiner les investissements et les consommateurs congolais à épargner au lieu de consommer. Dès lors, la machine économique est rouillée. Il faut recréer la confiance, ce qui passe, d’après nous, par des signaux forts de stabilité. De ce point de vue, la libération pour des raisons humanitaires de M. Modeste Boukadia est une bonne chose. Allons plus loin, avec l’adoption d’une loi d’amnistie pour l’ensemble des hommes politiques emprisonnés.

Il faut aussi un plan d’urgence pour assainir les finances, réduisant les dépenses militaires et policières, Les parlementaires et le Gouvernement doivent contribuer à l’effort. Arrêtons de créer des taxes inutilement, car nous envoyons un signal négatif aux investisseurs. Et pourquoi ne pas envisager un gouvernement de combat avec vingt ministres technocrates, susceptibles de gérer cette période sensible ?

La question de la privatisation des entreprises comme ECAIR, SNE, SNDE se pose avec force, car l’Etat y consent des efforts importants sans que les Congolais ne jouissent véritablement du fruit de ce qui était censé être des fleurons de l’industrie congolaise.

La crise peut être un moment exceptionnel de prise de conscience collective, à condition que chacun dépasse ses propres intérêts égoïstes et surtout que nous dépassons nos peurs. Dans ce sens, Léon Blum rappelait en 1948 que « pendant les grandes crises publiques, il n’y a pas de mobile plus redoutable et plus pernicieux que la peur (…) ».

Dans quelques jours, le Congo va fêter ses 57 ans d’indépendance alors quels bilans politique, social, économique et sanitaire faites-vous de l’indépendance à ce jour ?

Je me suis toujours posé la question de la pertinence de la fête de l’indépendance, car incontestablement, nous sommes passés d’une dépendance à une autre. 57 ans après l’indépendance, sur les plans économique, social et politique, le bilan est plus que déplorable.

Politiquement, le pays demeure englué dans l’autoritarisme. Ceux qui ont échoué hier aux affaires, prétendent faire mieux s’ils revenaient au pouvoir. Tel un balancier depuis les années 1960, les mêmes sont aux affaires, la véritable alternance, celle des idées, des hommes, n’est véritablement jamais arrivée. Aujourd’hui, coexiste le vote ethnique et le vote clientéliste. Tout le monde se contente des formalités électorales sans se soucier de la qualité du vote. Les partis politiques pour l’essentiel demeurent ethniques, on veut du pouvoir, pour le pouvoir, sans trop savoir ce qu’on y fera. Le ôte toi de là, afin que je m’y mette, prend tout son sens au Congo.

En réalité, les congolais sont dépendants de leur classe politique, une classe politique élitiste, coupée des réalités du peuple. Une classe politique qui construit des forages individuels au lieu de régler la question de l’accès à l’eau potable ; elle achète des groupes électrogènes au lieu de régler la question de l’électricité ; elle va se soigner à l’étranger au lieu d’améliorer les hôpitaux publics ; elle envoie ses enfants étudiés à l’étranger, au lieu de régler les nombreux problèmes de l’école publique.

Economiquement, l’actualité suffit pour nous convaincre que le pays n’est pas indépendant des institutions de bretton woods. Les fourches caudines vont arriver, tout est question de temps.

Sur le plan social, outre le chômage endémique, il n’existe véritablement aucune politique sociale pour assister les plus vulnérables et plus démunis d’entre nous. Hier, comme aujourd’hui, il est possible de mourir de paludisme au Congo en l’absence de moyens financiers pour se soigner. Les orphelins sont abandonnés à eux-mêmes, les personnes âgées sont sans assistance… Au Congo, le social n’existe pas.

L’indépendance n’est donc que factuelle, même si comme Acheikh IBN-OUMAR, je considère qu’elle « nous a donné une chose essentielle, mais qui nous paraît banale aujourd’hui : un pays que nous appelons le nôtre, une nationalité propre ».

Propos recueillis pour Oeild’Afrique Celmond KOUMBA



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