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Une religieuse règne sur une île

Depuis vingt-cinq ans, mère Marie-Suzanne, de nationalité française, est souveraine de Makogai, l’île de la lèpre dans l’océan Pacifique.

Paris, 21 août 1937. Une religieuse traverse l’immobile et provinciale rue Oudinot. Elle a bien regardé à droite et à gauche : pas une voiture. Elle poursuit son chemin, salue discrètement une autre religieuse qui la croise, puis un vieil abbé qui a soulevé son chapeau rond. Elle semble surprise par les affiches du cinéma qui n remplacé, il y à quelques années, la pagode au toit de faïence de la légation de Chine. C’est si étrange un changement dans ce quartier, toujours plongé dans une tranquillité ecclésiastique.

Encore quelques pas et la religieuse soulève le heurtoir d’un couvent, le laisse retomber. Le bruit se répercute sous une voûte puis s’éteint et une sœur vient ouvrir. Nouveau petit salut discret. La religieuse est entrée et la lourde porte se referme sur elle.

Il y à vingt-cinq ans cette même porte s’ouvrait pour pour la laisser sortir. Elle partait pour le bout du onde. Elle en revient à l’instant.

On l’appelle mère Marie-Suzanne, elle est missionnaire. Elle est aussi la souveraine d’un territoire aux Antipodes, elle est la reine de Makogai, l’ile de la lèpre.

Elle est venue à Paris chercher de nouvelles recrues

Makogai, où Mère Marie-Suzanne débarqua il y à vingt-cinq ans n’est pas un bagne. C’est un de ces paradis où jaillissent, dans une jungle épaisse, des buissons de lourdes orchidées. On y devrait vivre en chantant et cependant la mer chante, d’ailleurs, sur les longues plages, sur les rocs de corail. Elle déploie son ourlet d’écume en dentelles et tout semble alors si gai à l’homme, qui en plein soleil, y accoste.

Makogai est terre étrangère. Cela vaut de flatter la France que, pour y organiser une léproserie, les autorités coloniales britanniques aient appelée une Française.

C’est en 1811, raconte Mère Marie-Suzanne, que je partis pour Makogai fonder une léproserie. Deux sœurs françaises m’accompagnaient. Tout était à faire. Nous soignons aujourd’hui plus de six cents lépreux, hommes, femmes, enfants… appartenant à quatorze nationalités différentes.

Nous avons deux hôpitaux pour traiter les cas les plus graves. Les autres nous les logeons dans des cottages où ils vivent par cinq ou six formant, suivant leur race, leur origine, de vrais villages avec un maire.

L’aventure

Chaque matin, deux d’entre nous se font seller leur cheval, car nous avons des écuries et des lads. Chacune des sœurs s’en va commençant dans un sens, le tour de l’ile. Inspection… Ici, il faut écouter le maire qui se là plaint d’un de ses administrés, là diriger les travaux de réparations d’une canalisation d’eau qui s’est rompue… Parfois, on rentre à pied : un malade, dont le cas s’est aggravé, a pris notre place sur notre monture.

« Nous avons notre tribunal… Notre code.” Mère Marie-Suzanne sourit : – Et je suis banquier, ajoute-t-elle.

Un comptoir d’escompte des lépreux

« Un lépreux gagne de l’argent. L’administration lui achète sa récolte. Il vient nous confier son argent.

Un shilling, parfois deux… Trois même… Les femmes font du linge de la couture…

« Toute cette monnaie doit passer a l’autoclave avant d’être remise en circulation. Et il faut tenir des livres… »

– Qui sait, ma Mère, peut-être, un jour, devrez-vous délivrer des carnets de chèques… Sans sourire, elle répond: – Tiens? oui… Pourquoi pas? Puisque nous leur apprenons aussi à compter à lire, à écrire… À lire et à écrire, en français, dans cette île du malheur conjuré où quatorze nations on vient de nous le dire sont représentées.

Héroïsme constant

Comme on voudrait éviter tout ce qui est littérature. tout ce qui peut ressembler à la recherche de l’effet, quand on songe à l’héroïsme que dévoilent quotidiennement les Sœurs missionnaires, dans tous les lieux de la terre, ces ports d’escales où l’on ne fait que passer, mais où l’on s’est trouvé malade un four, et risquant d’être abandonné…

Quelque temps avant sa mort, le maréchal Lyautey parlait des sœurs des missions sur un paquebot où des religieuses, tout comme d’ordinaires voyageurs, criaient adieu à des gens restés sur le quai, mais, elles, elles ne devaient pas revenir et elles savaient que leur adieu était sans rémission.

Il leur faut plus de courage qu’à un soldat, dit le maréchal.

Pour poursuivre l’œuvre du salut

L’aventure, c’est fort joli. Tout le monde peut courir l’aventure. Mais ces femmes ont, elles, délibérément choisi son envers.

Au loin peuvent retentir les orchestres canaques, les rumbas créoles ou les molles guitares. Ici l’on vit dans l’expiation des péchés du monde et dans sa puanteur dans son charnier vivant.

– Ma Mère, demande-t-on à la sœur de l’ile de la Lèpre, qu’êtes-vous venue faire à Paris?

Pour la seconde fois elle sourit, et, d’un ton paisible, comme si c’était une chose toute naturelle: – Chercher des nouvelle recrues.

Les religieuses de l’île Makogai et ses patients. Photo des années 1930.


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