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Colonisation et Électricité

Colonisation et Électricité, 1933 (extrait de l’Histoire de la province du Québec par Rumilly)

Ce sont les deux questions cruciales. Trois congrès presque simultanés se tiennent au début de juillet; celui de l’A.C.J.C. à Nicolet, celui de l’Association catholique des Voyageurs de commerce, puis celui de la Confédération Des Travailleurs Catholiques, aux Trois-Rivières. L’A.C.J.C. Consacre ses assises au problème de l’établissement des jeunes. Une séance se tient sous la présidence d’honneur de Paul Gouin. Parmi les orateurs du Congrès figurent Camillien Houde, maire de Montréal, Louis Philippe Roy, président du Comité régional de Québec, et André Laurendeau, des Jeunes Canada. Les trois congrès – A.C.J.C.; Voyageurs de commerce; Confédération des Travailleurs catholiques – préconisent la Colonisation intensive et la nationalisation de l’énergie électrique.

L’Union catholique des Cultivateurs est déjà en campagne. Son président Albert Rioux écrit dans « Le Devoir » : Rien ne bouge… les apôtres de la colonisation prêchent dans le désert… Il y a d’abord les gouvernants qui font de beaux discours sur le retour à la terre sans mettre en branle le mouvement colonisateur de grande envergure qui s’impose. Le gouvernement provincial a dépensé $160.000.000 pour développer notre système routier… La sauvegarde de notre capital humain n’est-elle pas autrement plus urgente? Il faudrait dépenser au Moins Dix Millions de dollars par année durant une période de dix ans… » Les chefs spirituels craignent une reprise violente de l’émigration – de l’hémorragie! – le jour où les États-Unis relèveraient leur barrière. À l’exemple du cardinal Villeneuve, Mgr Gagnon établit – rétablit – une société de colonisation dans le diocèse de Sherbrooke. Ernest Laforce gagne des députés, des échevins, des journalistes, inspire les motions des sociétés nationales.

Le vent qui souffle à la colonisation pourrait bien gronder en tempête, et Laferté représente à son chef, le premier ministre, la force de ce mouvement d’opinion.

Il serait injuste d’accuser l’administration provinciale de mauvaise volonté, ou même d’inertie. Le secrétariat provincial établit des écoles dans les nouvelles colonies. Le service d’hygiène envoie des infirmières, voire des médecins, qui ouvrent des cliniques gratuites. Mais il faudrait, sinon les dix millions par an réclamés par le président de l’U.C.C., au moins dix millions à dépenser, outre le budget régulier, sur une période de quelques années.

On n’entreprendra pas à moins les grands travaux de voirie, et dans certaines colonies les grands travaux de drainage, qui s’imposent. Rappelons que la colonisation de l’Abitibi ne s’est pas effectuée selon la méthode habituelle – instinctive – en remontant les vallées des cours d’eau. Elle s’est égrenée le long d’un chemin de fer, sur le plateau spongieux de la « hauteur des terres », ce qui exige de grands travaux d’égouttement. D’après un missionnaire colonisateur, l’abbé Henri Cloutier, c’est une faute, car ce n’est pas la meilleure partie agricole de l’Abitibi que l’on a peuplée. La colonisation aurait dû entourer le lac Matagami, centre d’un vaste bassin et d’un immense territoire encore vierge. (Le lac Matagami reçoit les eaux de la rivière Bell et de plusieurs autres rivières). L’abbé Cloutier dit : « Si l’on veut que l’Abitibi vive de sa vie propre, il faut l’atteindre au cœur et ne pas rester dans la queue. »

Des colonies établies sous le régime du plan Gordon sont en danger. À la Rivière-Solitaire, la colonie du Témiscamingue fondée à l’automne de 1932, les colons ont épuisé la subvention du plan Gordon, et la terre ne donne encore qu’un peu de légumes et de fourrage pour faire hiverner des vaches. À Sainte-Gertrude, colonie fondée dans le canton de Villemontel, en Abitibi, vers la même époque, les octrois du plan Gordon sont aussi épuisés et la terre ne donne encore presque rien. Les enfants poussent plus vite et plus dru que les épis. À Laferté, autre colonie abitibienne fondée à la fin de 1933, sous le nom de Loïs (d’après le nom du lac voisin, ainsi appelé en l’honneur de Loïs Booth, petite-fille du grand marchand de bois Booth, devenue l’épouse du prince Erik du Danemark), et bientôt débaptisé en l’honneur du ministre, les colons n’ont pas épuisé la subvention, mais ils pataugent dans la boue.

Et puis, le Mgr Boulet et l’abbé Jean ont recruté les colons de Sainte-Anne-de-Roquemaure parmi les fils de cultivateurs de l’Islet, de Témiscouata et de Kamouraska, la plupart des colons établis en vertu du plan Gordon sons des chômeurs, ouvriers et citadins d’hier. Ceux du Témiscamingue sont d’anciens hullois et d’anciens québécois, employés de l’usine Eddy ou de l’Anglo-Canadian Pulp. Ceux de l’Abitibi sont en majorité d’anciens montréalais, manœuvres, cantonniers, livreurs de charbon et surtout chômeurs du quartier Saint-Henri. Ces colons improvisés attendent, exigent la manne « du gouvernement ». Et toutes les femmes de colon n’ont pas la souriante abnégation de cette ancienne montréalaise, mère de plusieurs enfants, qui a connu la vie aisée, sinon tout à fait opulente, et qui répond à la question inquiète d’un visiteur : « Mais, monsieur, on ne s’ennuie jamais quand on est avec son mari et ses enfants. »

(Histoire de la province de Québec, par Robert Rumilly, de l’Académie canadienne-française. XXXIV).

LAbitibi. Photo libre de droits.


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