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Régie des eaux : Sources de pollution


Quelle est la plus dangereuse source de pollution : les usines de pâtes et papier ou bien les égouts ?

Une vive controverse secoue depuis quelques semaines les milieux gouvernementaux et industriels au sujet du rôle véritable que jouent dans la pollution des lacs et rivières du Québec les industries de pâtes et papier.

Directives de la Régie des eaux

La Régie Des Eaux du Québec vient de donner à l’industrie des pâtes et papiers du Québec des directives visant à réduire la pollution de l’eau dans les effluents déversés par cette industrie et en conséquence à améliorer la qualité des cours d’eau du Québec. Ces directives émises par la Régie des eaux, organisme sous la juridiction de M. Robert Lussier, ministre des Affaires municipales, stipulent qu’à compter du 31 décembre 1969, la quantité maximum de solides en suspension dans les effluents des usines utilisant du bois non écorcé ne devra pas dépasser 3 p. ton de leur production. Pour toutes les autres usines, le pourcentage est fixé à 2 p. 100.

Cette mesure réduira de 50 p.1oo la quantité des solides en suspension (fibre de bois, résidus de chaux, argile, écorces fines) déversés par les usines dans les cours d’eau. Ainsi donc, elle améliorera la qualité des cours d’eau, facilitera leur utilisation à différentes fins cl protégera également la faune aquatique.

À la fin de 1973. les pourcentages de 2 p. 100 et 3 p. 100 de solides en suspension devront être réduits à un taux encore plus bas, soit le minimum techniquement possible.

Ces directives sont le résultat d’un travail mené depuis deux ans en étroite collaboration par les représentants de l’industrie et de la Régie. Créer à cette collaboration, une équipe technique a effectué en 1966 un relevé de l’état des effluents de. 62 usines québécoises de pâtes et papiers.

(Communiqué de la Régie)

— À la suite d’un rapport gouvernemental voulant que les papeteries québécoises polluent la rivière Outaouais 17 FOIS PLUS que les municipalités riveraines, un représentant de la compagnie E.B. Eddy, de Hull, a contesté les affirmations contenues dans ce rapport.

— A la suite des récentes directives de la Régie des eaux à l’endroit des industries des pâtes et papier, des hauts fonctionnaires provinciaux ont mis en doute l‘efficacité de ces directives et ont blâmé la Régie de ne pas agir avec assez d’énergie.

Échange de correspondance, contestation inter-ministérielle, intervention des associations provinciales et régionales de conservation, débats télévises: telles ont été les principales étapes d’un débat qui n’a encore touché qu’un secteur spécialisé de l’opinion publique.

Mais les études entreprises sur la pollution de la rivière Outaouais par les industries de pâtes et papier ne sont qu’un épisode de la controverse. À la base, c’est le malaise grandissant au sein des différents ministères québécois chargés de conserver et de protéger la ressource en eau.

Charge organique 17 fois plus grande

En 1967, un rapport préparé pour le compte de la Régie des eaux établissait que « les eaux usées des papeteries québécoises imposent à la rivière Outaouais une charge organique 17 fois plus élevée que la charge imposée par les eaux usées ménagères des municipalités riveraines ».

Mais dans une autre étude, celle-là préparée par un ingénieur chimiste à l’emploi d’une papeterie, on déclarait : « Les égouts ménagers d’une ville, à cause de leur nature, constituent un danger beaucoup plus grand pour la santé publique que les effluents d’une usine de pâtes et papier ».

Tandis que le rapport gouvernemental insistait sur la contribution des industries papetières dans la de-oxygénation des rivières, le rapport de l’entreprise privée insistait sur la contamination par les bactéries effectuée par les municipalités riveraines.

Querelle de points de vue s’il en est une, car les doux parties semblent avoir absolument raison de part et d’autre. L’intérêt pratique de la polémique repose sur les solutions à prendre pour enrayer ces deux principales sources de pollution.

De part et d’autre, on conteste les moyens proposés. L’industrie papetière hésite à dépenser des millions lorsque la santé du public ne semble pas l’exiger, tandis que certains hauts fonctionnaires affirment que la Régie des eaux n’est pas assez radicale à l’endroit des papeteries. Pendant ce temps, les municipalités manquent, de fonds pour passer elles-mêmes à l’action.

La rivière Outaouais : un cas type

L’étude de 1967 sur la rivière Outaouais présente un cas type de l’action combinée des industries papetières et des municipalités dans la pollution des cours d’eau au Québec.

Le rapport a mis en relief le rôle spécifique de l’une et l’autre source de pollution et le partage des responsabilités s’établirait comme suit :

*Entre Deux-Rivières, en Ontario, et Saint-André-d’Argenteuil, au Québec, soit sur une distance de 264 milles, une population riveraine de 143,555 habitants déverse 82.5 pour cent de ses eaux usées ménagères dans la rivière sans aucun traitement préalable. *Par contre, les quatre principales papeteries installées sur les rives québécoises déversent 100 pour cent de leurs eaux usées industrielles dans la rivière sans les avoir traitées au préalable. La valeur correspondante en population de ces papeteries, en ne tenant compte que de la charge organique rapidement biodégradable, équivaut à 2.470.000 habitants.

En additionnant les deux chiffres de population, pour établir la population théorique totale, le rapport de la Régie des eaux conclut que seulement 0.5 pour cent des eaux ménagères et industrielles sont traitées.

(Ce pourcentage aurait diminué au cours des derniers mois puisque deux usines d’épuration, celles de Templeton et de Déchênes, enregistrent des difficultés de fonctionnement et que leur rendement a considérablement diminué.)

Dégradation depuis 1954

Le rapport de la Régie des eaux établit que de 1954 à 1965 la qualité des eaux de la rivière Outaouais entre Hull et le lac des Deux-Montagnes s’est considérablement dégradée.

Malgré la grande capacité d’autoépuration de la rivière (capacité sans laquelle la situation actuelle serait encore pire), l’augmentation du débit des eaux usées a sans cesse diminué la qualité de l’eaux.

Inversement, à cause de la relativité des activités humaines et industrielles en amont de Hull, le tronçon de la rivière entre Deux-Rivières et le pont Champlain présente tin aspect de stabilité de la qualité de l’eau : celle-ci a conservé un degré de pollution raisonnablement bas.

Le rapport note cependant que l’existence d’une papeterie à Kipawa, en amont de Deux-Rivières, a entraîné une certaine pollution et que le lit de la rivière est recouvert d’écorce à maints endroits.

En 1954, l’eau de la rivière était “de bonne qualité » et a situation s’est généralement maintenue depuis lors.

Dégradation subite à Hull

Mais à partir de Hull, cette qualité de l’eau se dégrade subitement.

Une partie des eaux usées ménagères et industrielles d’Ottawa de même que la totalité des eaux usées ménagères et industrielles de Hull se déversent dans la rivière.

La compagnie E. B. Eddy déverse à elle seule 27,000,000 de gallons d’eaux usées par jour, ce qui équivaut une population de 500.000 habitants. La ville de Hull compte environ 53,000 habitants.

À cause de cette industrie, les eaux québécoises sont plus polluées que les eaux ontariennes. Depuis 1954, on a constaté une très forte détérioration de la qualité de l’eau.

Entre Hull et Pointe-Gatineau, on note une légère amélioration à cause de la capacité d’autoépuration de la rivière. Mais la rive québécoise est plus polluée que la rive ontarienne. À cet endroit, les rivières Gatineau et Rideau se jettent dans l’Outaouais. Le flottage du bois sur la Gatineau contribue à la pollution de la rivière.

Coussins do fibres en décomposition

C’est à la hauteur de Gatineau et de Templeton que le rapport de la Régie des eaux se montre le plus descriptif. Du côté québécois, les eaux usées ménagères de la ville de Gatineau et de Templeton ainsi que les eaux usées industrielles de la Compagnie internationale de papier se jettent sans la rivière. « Ertre l’ile KotUe et la rive québécoise, dit le rapport, nous avons dragué pour constater que le lit de la rivière était entièrement couvert d’une épaisse couche de fibres… L’aspect de la rivière est des plus repoussant. Des coussins de fibres en décomposition flottent à la surface, les eaux sont noires, chargées de gaz sulfhydrique. C’est l’endroit le plus répugnant sur tout le parcours de !a rivière Outaouais ».

Le rapport ajoute qu’il y a eu une nette détérioration depuis 1961 et qu’évidemment le côté québécois de la rivière est le plus pollué. ‘Les rejets de la CIP sont l’équivalent d’une ville d’un million et demi d’habitants.)

À la hauteur de Templeton Est. le phénomène d’autoépuration de la rivière joue à plein du côté québécois (la pollution diminue légèrement), mais du côté outaouais la pollution augmente. La rive québécoise demeure cependant la plus affectée.

À l’embouchure de la rivière du Lièvre, nouvelle injection de matières organiques : les eaux usées de la papeterie James McLaren neuf millions de gallons par jour, soit l’équivalent d’une ville de 250,000 habitants) et celles de la municipalité de Masson se jettent dans la rivière.

Au détriment du public

C’est à la hauteur de la rivière au Lièvre, soit à 20 milles de Hull, que l’analyse de la Régie des eaux constate un fait important : la capacité autoépurante de la rivière s’exerce sur une distance de 20 milles avant que ne soit rétablie complètement la demande biologique en oxygène.

« La capacité autoépurante de l’Outaouais, affirme le rapport est donc suffisante pour « digérer » sur une distance de 20 milles la charge organique rapidement biodégradable des villes d’Ottawa, de Hull et de Gatineau ».

« Toutefois, précise le rapport, cette autoépuration se fait au dépens du taux de saturation de l’oxygène, de l’équilibre biologique et au dépens du grand public qui se voit ainsi prive, sur cette distance de 20 milles, d’une rivière qui si elle était aménagée, offrirait de nombreux débouchés aux amateurs de vie au grand air ».

Plus polluée du côté ontarien

En aval, une autre source de pollution en eau québécoise est la papeterie de Thurso, dont le débit quotidien est de 14,400,000 galions par jour, soit 1 équivalent de 220.000 habitants. La municipalité déverse également ses eaux usées ménagères.

Il existe un seul endroit, sur !e parcours de la rivière entre Hull et Deux-Montagnes ou côte ontarien soit plus pollué que le cote québécois, et c’est à Hawkesbury ou la ville et la Compagnie internationale de papier jettent leurs eaux usées.

Les études effectuées en 1961 par l’Ontario Water Ressources Commission confirment cet état de choses. D’autres travaux sur la rivière Outaouais ont été entrepris en 1962 et 1967.

On affirme, dans certains ministères québécois, que les industries papetières riveraines situées en aval de Hull augmentent de 20 pour cent la charge organique imposée a la rivière et qu’on retrouve celte marge au’si loin que dans le lac Saint-Louis.

Une mare à barbottes

Depuis la construction du nouveau barrage de Carillon, les rapides de Hawkosbury et de Carillon ne jouent plu’ leur rôle d’oxygénation des eaux polluées de la rivière.

C’est ce qui a fait dire à M Albert Courtemanche. biologiste, que l’Outaouais était devenue, entre Hull et le lac des Deux-Montagnes, une « vaste mare à barbottes » à cause do la déficience en oxygéné. La principale recommandation du rapport préparé pour la Régie des eaux est à l’effet d’entreprendre une action d’ensemble englobant les industries, les municipalités et ie gouvernement Cette action se situerait au niveau bassin et non pas à celui des initiatives individuelles et dispersées.

Dès 1954, le Dr Lucen Piché, de la facilité des Sciences de l’Université de Montréal, effectuait une recherche sur la rivière Outaouais sous la commandite de la Ligue Anti-Pollution du Québec.

En conclusion de son rapport, M. Piché écrivait : « Aucune des sources de pollution existantes n’est appelée à diminuer d’importance à moins d’y apporter les mesures correctives appropriées: bien au contraire, elles ne peuvent qu’augmenter et se multiplier avec l’agrandissement des villes et avec le développement rapide actuel des industries ».

Et M. Piché d’ajouter : « Il parait donc bien évident, si l’on veut empêcher l’état de la rivière Outaouais de s’aggraver considérablement et si au surplus on désire un remède à la situation actuelle, qu’il faut prendre immédiatement l’initiative des mesures correctives qui s’imposent ».

Quatorze ans plus tard, le débat semble encore s’être arrête là.

(Ces dispositions, directives et réflexions ont été publiées dans le journal La Presse le 26 octobre 1968).

Les eaux épurées. Photo de Megan Jorgensen.


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