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Rencontre entre Napoléon et les Russes

Rencontres entre les Français et les Russes

Témoignage du général Thiébault sur le rencontre entre Napoléon et le prince Dolgorouki

De son côté, le général Thiébault raconte :

L’arrogance de ce Russe (le prince Dologorouki), l’extravagance des ptétentions qu’il était chargé de soutenir, parurent telles que le renvoi de ce Dolgorouki fut asses brusque.

Deux choses frappèrent, au reste, dans ces entrevues : l’une, le mépris que les officiers russes du quartier impérial affichaient très injustement pour les Autrichiens, auxquels ils imputaient tous les revers de la campagne. L’autre, l’ignorance dans laquelle ces mêmes officiers se trouvaient relativement à ce qui s’était passé. Ils croyaient n’avoir été défaits nulle part, étaient convaincus que Nous avions plus que partagé leurs pertes, et se trouvaient cent fois certains, non de nous battre, mais de nous anéantir; erreur et confiance qu’Alexandre poussait lui-même au dernier degré, qui certes ne furent pas sans influence sur le désastre au-devant duquel lui et son armée marchaient.

J’ai toujours été convaincu que Napoléon avait voulu juger par lui-même de ce fait, en se déterminant à voir ce Dolgorouki, et que non seulement il acheva ainsi de se convaincre, d’après leur jactance, de l’insuffisance des chefs de cette armée russe, mais qu’il réussit encore à ajouter à leur funeste confiance.

Le compte d’Haugwitz l’avait à peine quitté, vers neuf heures du soir, que Napoléon monta à cheval et se rendit à la maison de poste, en arrière de Welspitz, où Murat avait son quartier général. Soult s’y trouvait avvec Murat dans la principale chambre chauffée d’un grand poêle et tous deux s’entretenaient de notre position, sous le rapport de la disproportion des forces. Comme Lannes venait d’arriver, ils lui dépeignirent cette position avec tant d’énergie que non seulement ils le persuadèrent de l’urgence de battre en retraite, mais obtinrent de lui, par suite du franc-parler qu’il avait conservé avec Napoléon, qu’il écrivît à celui-ci quelle était l’opinion de tous trois.

Le courage ne pouvait manquer à la conviction du maréchal Lannes; si personne au monde n’était plus brave, personne non plus n’était plus franc, comme personne ne fut plus loyal. Il prit donc à l’instant la plume, et il achevait sa lettre lorsque l’Empereur entra. « Eh bien, messieurs, sommes-nous bien ici ? Furent ses premiers mots. – Ce n’est pas ce que nous pensons, répondit Lannes, et j’écrivis à Votre Majesté pour le lui dire. »

Et, sans répliquer, l’Empereur s’empara de la lettre et la lut. Cette lecture achevée : « Comment, s’écria-t-il, Lannes conseille la retraite! C’est la première fois que cela lui arrive. Et vous, maréchal Soult? » Soult répondit par ce faux-fuyant : « De quelque manière que Votre ‘Majesté emploie le quatrième corps, il lui fera raison de deux fois son nombre. » Alors, indigné d’un procédé qu’il taxait de cafarderie, Lannes reprist avec colère : « Il n’y a pas un quart d’heure que je suis ici; je ne sais sur notre position que ce que ces messiers m’en ont dit; c’est sur leur affirmation que s’est formée et qu’est fondée mon opinion, comme c’est d’après leurs instances que je vous écrivis; la réponse du maréchal Soult est donc une jeanfoutrerie, à laquelle j’étais loin de m’attendre, que je tiens à offense et dont j’aurais raison. »

Le maréchal Soult chercha de donner le change sur un motif et un moyen trop dignes de lui pour qu’on pût s’y méprendre. Abuser le maréchal Lannes en ce qui tenait aux procédés, à l’honneur, n’était pas d’ailleurs chose facile, et Lannes continua à le traiter de la manière la plus insultante.

Quant à l’Empereur, sans s’occuper de cette querelle, sans paraître même s’en apercevoir, il se promena pendant quelques instants, s’arrêta tout à coup après avoir dit : « Et moi aussi, je juge une retraite nécessaire… ». Il ouvrit brusquement la porte de cette chambre, porte à travers laquelle, et par une curiousité bien justifiée dans de telles circonstances et envers de tels personnages, le chef d’escadron Subervie, premier aide de champ du maréchal Lannes, avait entendu tout ce que je viens de rapporter. Il donna à cet officier supérieur l’ordre d’aller chercher le maréchal Berthier, qui’ arrivant de Brünn et mettant pied à terre, entra à l’instant. Aussitôt, Murat, Lannes et Soult se retirèrent. L’Empereur dicta des ordres de manœuvre plutôt que de retraite.

(Thiébault, Mémoires).

Deuxième entrevue de Savary et l’empereur de Russie

Savary revient rendre compte à Napoléon de sa mission. Ce dernier lui demande de retourner auprès de l’empereur de Russie, porteur de nouvelles instructions (26 novembre 1805) :

Napoléon me prit à part, et me dit : « Prenez un trompette, et faites en sorte de retourner chez l’empereur de Russie; vous lui direz que je lui propose une entrevue demain, à l’heure qui lui conviendra, entre les deux armées, et que, bien entendu, il y aura, pendant ce temps-là, une suspension d’armes de vingt-quatre heures. ». L’Empereur venait de recevoir de M. Delaforest, son ministre à Berlin, l’avis que la cour de Prusse avait pris parti pour les coalisés, et qu’elle envoyait M. de Haugwitz à son quartier général pour le lui signifier. Le ministre arriva effectivement à Brünn peu de jours après moi; comme l’Empereur avait déjà bien assez d’ennemis sur les bras, il ne voulut pas donner à la Prusse l’occasion de se compromettre encore. Il renvoya M. de Haugwitz à son ministre des Relations extérieures, qui était à Vienne et auquel il écrivit en conséquence, bien persuadé que, si la bataille qu’il se disposait à livrer était heureuse, les affaires de la Prusse s’arrangeraient facilement, et que, si au contraire il la perdait, sa position ne serait pas plus mauvaise. Cette position se trouvait dans l’intérêt de la Prusse.

Je partis, après avoir donné quelques autres détails à l’Empereur, à la suite desquels il fit commencer le mouvement rétrograde qu’il avait préparé, pour aller prendre la position qu’il avait reconnue et adoptée comme définitive quelques jours auparavant.

Depuis mon premier départ pour quartier général de l’empereur de Russie, il avait ordonné la réunion de l’armée, et il attendait dans la journée du lendemain tout ce qu’il avait de troupes sur la rive gauche du Danube, même le corps de Bernadotte, qu’il avait rappelé d’Iglau, où il n’avait laissé que le général bavarois Wrede avec les troupes de cette nation.

Savary raconte cette nouvelle entrevue avec Alexandre.

L’empereur de Russie vint lui-même. Il se portait en avant, et pendant que j’était chez le général Wittgenstein, on vint lui rendre compte que nous nous retirions. Tous les jeunes gens qui étaient là croyaient réellement que nous avions peur, et que nous cherchions à leur échapper.

L’Empereur entra, et me demanda de quelle mission j’étais chargé.

« Sire, répondis-je, j’ai rapporté fidèlement à l’Empereur tout ce que Votre Majesté m’a fait l’honneur de me dire hier. Il m’a chargé de venir près de Votre Majesté et de lui faire connaître le désir qu’il a de la voir. En conséquence, il lui propose une entrevue aujourd’hui, entre les deux armées.

L’Empereur se conformera aux désirs de Votre Majesté pour l’heure, le lieu et le nombre de personnes dont chacun des souverains devra être accompagné. Seulement il y met une condition préalable : c’est qu’il sera tacitement convenu d’un armistice de vingt-quatre heures à cette occasion.

« Votre Majesté jugera elle-même de la sincérité des intentions de l’Empereur, et elle pourra se persuader qu’il n’a aucune raison de craindre un événement que peut-être des hommes irréfléchis voudraient hâter, sans s’inquiéter des conséquences qui pourraient en résulter. »

L’Empereur : « J’accepterais avec plaisir cette occasion de le voir, si j’étais persuadé que ses intentions fussent telles que vous me les annoncez. D’ailleurs, le temps est trop court pour se voir aujourd’hui. Je voudrais, avant de me rendre à cette entrevue, voir le roi des Romains, qui se trouve assez loin d’ici, et, en deuxième lieu, il est inutile que je me mette en rapport avec lui, si je ne dois pas en revenir satisfait.

Réponse : « Mais en quelles mains plus sûres Votre Majesté peut-elle mettre ses intérêts que dans les siennes propres? Il me semble qu’elle réglera mieux tout ce qui la concerne que ne feraient des tiers; au moins il ne lui restera aucune arrière-pensée. »

L’Empereur : « J’ai particulirièment un grand désir de le voir et de terminer tous les différends qui nous séparent. »

Puis changeant de conversation, il me dit : « Je vais vous faire accompagner par un homme qui possède ma confiance entière. Je lui donnerai une mission pour votre maître; faites en sorte qu’il la voie : la réponse qu’il rapportera me décidera, et vous vous ferez particulièrement beaucoup d’honneur en contribuant à arranger tout ceci. »

Réponse : « Puisque Votre Majesté l’ordonne, j’emmènerai qui elle voudra; mais le succès de ce qu’elle désire dépendra beaucoup du caractère particulier de la personne qu’elle enverra. »

L’Empereur : « C’est le prince Dolgorouki, mon premier aide de camp. C’est celui dans lequel j’ai le plus confiance, le seul auquel je puisse donner cette mission. »

Il le fit appeler : je me retirai pendant qu’il lui donna ses ordres.

(Général Savary, duc de Rovigo, Mémoires.)

L’écrivain russe Léon Tolstoï sur la campagne

Tolstoï, extrêmement bien documenté sur cette campagne, nous donne un écho semblable dans « La Guerre et la Paix » :

Vous l’avez vu? Et bien! Comment est-il, Bonaparte? Quelle impression vous a-t-il produite? Demanda le prince André?

Oui, je l’ai vu, et me sens convaincu qu’il craint plus que tout au monde la bataille générale, répéta Dolgorouki, donnant évidemment une grande importance à cette conclusion tirée par lui de son entrevue avec Napoléon. – S’il n’avait pas peur de la bataille, pourquoi demanderait-il cette entrevue, engagerait-il des pourparlers, et surtout pourquoi reculerait-il tandis que la retraite est si contraire à toute tactique guerrière? Croyez-moi, il craint, il redoute la bataille générale. Son heure est sonnée. C’est moi qui vous le dis.

Mais racontez-moi comment il est, demanda de nouveau le prince André.

Lui! C’est un homme en rédigote grise qui désirait beaucoup que je l’appelasse Votre Magesté, et qui, à son regret, n’a reçu de moi aucun titre. Voilà l’homme qu’il est, pas plus, répondit Dolgorouki en regardant Bilibine avec un sourire.

Malgré mon profond respect pour le vieux Koutouzoff, continua—t-il, nous serions bien bons d’attendre pour lui donner l’occasion de s’en aller et de nous tromper, tandis que maintenant, il est sûrement entre nos mains.Mais il ne faut pas oublier Souvoroff et sa règle : ne pas se placer dans la situation de l’attaque, mais attaquer soi-même. Croyez-moi, à la guerre, l’énergie des jeunes gens est souvent un meilleur guide que toute l’expérience des vieux tacticiens.

Mais dans quelle position l’attaquerons-nous ? Je suis allé aujourd’hui aux avant-postes, et personne ne peut dire au juste où se trouvent ses forces principales! Dit le prince André.

Il avait envie de raconter à Dolgorouki le plan d’attaque qu’il avait imaginé.

Hiver, décembre. Photographie d’Elena.

Bah! Ça m’est tout à fait égal ! Se mit à dire Dolgorouki, très vite, en se levant et dépliant une carte sur la table ; tous les cas sont prévus : s’il est près de Brünn…

Et le prince Dolgorouki, vite mais peu clairement, expliquait le mouvement de flanc de Weyrother.

A ses intimes, Koutouzoff avoue qu’il pense perdre la bataille.

En revenant, le prince André ne put se retenir de demander à Koutouzoff, assis près de lui en silence, ce qu’il pensait de la bataille de demain.

Koutouzoff regarda sévèrement son aide de camp et, après un silence, répondit :

Je pense que nous perdrons la bataille, je l’ai dit au comte Tolstoï, et lui ai demandé de le faire savoir à l’Empereur. Sais-tu ce qu’il m’a répondu ? Eh, mon cher général, je me même de riz et de côtelettes, mêlez-vous des affaires de la guerre.

Oui, c’est ce qu’on m’a répondu.

Le prince Dolgorouki présente son rapport à son empereur

Le rapport du prince Dolgorouki à l’empereur Alexandre sur cette entrevue nous est transmis par Danilewski. Au début du récit, Napoléon a la parole :

« Qu’est-ce qu’on veut de moi? Pourquoi l’empereur Alexandre me fait-il la guerre? Qu’exige-t-il? Eh bien, qu’il étende les frontières de son empire aux dépens de ses voisins et particulièrement du côté de la Turquie, et toutes les querelles avec la France seront terminées. »

Le prince Dolgorouki répondit que l’empereur Alexandre ne se souciait pas d’agrandir ses États, qu’il n’avait pas de haine contre la France, que, dans sa haute estime pour elle, il lui souhaitât, au contraire, tout le bonheur possible; mais qu’ayant pris les armes pour défendre l’indépendance de l’Europe, il ne pouvait voir d’un œil indifférent l’occupation de la Hollande, et les malheurs de la cour de Sardaigne, privée de la majeure partie de ses provinces sans avoir reçu les indemnités qui cependant lui avaient été promises par les traités conclus entre la Russie et la France.

« La Russie doit suivre une autre politique, repartit Napoléon; elle doit penser à ses avantages. »

Dolgorouki se borna à répliquer que l’empereur Alexandre ne voulait qu’une paix durable, et pour toutes les puissances.

Cette conversation se prolongea ainsi pendant une heure.

Napoléon, ne prévoyant pas la possibilité de s’entendre, s’écria : « Ainsi, nous nous battrons! »

Le prince Dolgorouki ne répondit pas un seul mot; il s’élança sur son cheval et partit, sans qu’il eût une seule fois pendant son entretien donné à Napoléon le titre de Majesté Impériale.

Les écrivains français prétendent que Napoléon, en revenant de l’avant-garde à son quartier général, dit, en parlant des Alliés : « Ce sont des gens bizarres; ils veulent que, sans brûler une amorce, je leur rende toutes nos conquêtes et que je repasse le Rhin, tandis qu’ils ne peuvent même pas me reprendre Vienne. »

(Mikhaïlovski-Danilewski. Campagne de 1805).

Savary reconduit Dolgorouki :

Napoléon congédia le prince Dolgorouki; je restai en arrière pour dire adieu à celui-ci, et lui demander s’il avait besoin de quelque chose pour regagner les avant-postes russes; je le fis accompagner par un officier de notre grand-garde jusqu’à la communication avec les vedettes russes.

Il me dit en nous séparant : « On veut la guerre chez vous, nous la ferons en braves gens. » Je lui répondis que je craignais qu’il n’eût à se reprocher d’avoir changé des dispositions que je savais excellentes; que cela serait malheureux, parce que non seulement l’armée russe serait battue, mais détruite, et qu’il aurait dû faire attention que c’était son maître que la commandait en personne. Il répliqua : « Je n’ai dit que ce qu’il m’a ordonné de dire…; après celui, il faut bien parler. – Alors, lui dis-je, nous ne tarderons pas à avoir de la tablature »; et je le quittai.

(Savary, duc de Rovigo, Mémoires).

Alexandre, l’empereur de la Russie. Portrait de l’époque.

L’entrevue entre Napoléon et le prince Dolgorouki

Le comte de Ségur, futur général des armées napoléoniennes, qui prit part à la bataille d’Austerlitz, se trouve présent lors de l’entrevue de Napoléon et du prince russe Dolgorouki. Il en donne un compte rendu vivant :

Mais Alexandre, entouré et mal inspiré par une jeunesse présomptueuse, jugea l’entrevue inutile : il n’y envoya que son favori. De son côte, Napoléon, de plus en plus impatient, s’était avance au galop par-delà nos dernières vedettes. La rencontre de Dolgorouki et de notre empereur eut lieu sur la grande route d’Olmütz, en avant de Posorsitz, et, à notre étonnement, à plus d’une portée de canon de nos avant-postes.

Nous ne savions si l’Empereur s’aventurait ainsi par une impatience réelle ou par curiosité, ou plutôt pour augmenter par un feint empressement l’orgueil ennemi, pour en accroître la présomption, en affectant de ne vouloir laisser pénétrer dans nos rangs aucun regard russe. Tous deux, en s’apercevant, mirent pied à terre. Pendant leur entretien, dont nous n’entendîmes pas toutes les paroles, l’attitude de l’Empereur fut d’abord calme et contenue; celle de Dolgorouki, au contraire, était si jactante et si hautaine, qu’elle nous irritait quand elle ne nous frappait pas de pitié tant elle était déplacée et ridicule.

Au milieu de ce colloque, dont la durée fut à peine d’un quart d’heure, l’Empereur remarqua que les cosaques de l’escorte russe gagnaient nos flancs; Dolgorouki souriat et répondait d’eux; mais, son inquiétude réelle ou simulée, Napoléon n’en ordonna pas moins à plusieurs de nous de les contenir à distance respectueuse, ce que fut fait aussitôt par Exelmans, le sabre nu pendant à la dragonne et le pistolet au poing. Cependant, l’arrogance du favori d’Alexandre devenant intolérable, la voix de l’Empereur s’anima.

Le jeune Russe ne mettait pas la paix à de moindres conditions que l’abandon de l’Italie, de la rive gauche du Rhin et de la Belgique! « Quoi! Bruxelles aussi, répondit Napoléon; mais nous sommes en Moravie, et vous seriez sur les flancs de Montmartre, que vous n’obtendriez pas Bruxelles! » Enfin il perdit patience. Dolgorouki venait de lui offrir de le laisser se retirer sain et sauf derrière le Danube, s’il promettait d’évacuer sur le champ Vienne et les États héréditaires. A cette insolence, Napoléon, ne pouvant plus se contenir, s’écria : « Retirez-vous! Allez, Monsieur, allez dire à votre maître que je n’ai point l’habitude de me laisser insulter ainsi; retirez-vous à l’instant même! » Revenu à notre avant-garde, l’Empereur, encore irrité, remit pied à terre et s’entretint avec Savary.

Pendant la double mission de cet aide de camp, les jeunes seigneurs russes l’avaient insulté de paroles arrogantes; il en rendit compte, et Napoléon, fouettant la terre de sa cravache, geste qui dans ses vives préoccupations lui était habituel, s’écria : « L’Italie! Qu’eussent-ils donc fait de la France si j’eusse été battu? Mais puisqu’ils le veulent, je m’en lave les mains, et, s’il plaît à Dieu, dans quarante-huit heures, je leur donnerai une leçon sévère. » Il prononça ces derniers mots près d’un carabinier du 17e régiment léger, et, apercevant que ce factionnaire l’écoutait : « Sais-tu, lui dit-il, que ces gens-là croient qu’ils vont nous avaler! » Sur quoi le grenadier ayant répliqué : « Oh, que non! Qu’ils essayent, nous nous mettrons en travers! », l’Empereur se prit à rire, et son humeur se dissipa. Alors, soit qu’il se trouvait trop en l’air, soit pour augmenter la présomption de l’ennemi, il commença la retraite que lui-même suivit à pied.

On marcha avec une précipitation apparente qui dut enhardir les Russes. Chez nous-mêmes, un des vétérans de la République, s’y trompant, me dit : « Ceci commence mal! Jeune homme, il ne suffit pas de marcher toujours en avant; vous allez apprendre ce que c’est qu’une reculade, et peut-être même une déroute! » Cette liberté de jugement sur Napoléon m’étonna, elle commençait à devenir rare. La plupart de nous, convaincu de son infaillibilité, s’y abandonnaient; nous exécutions l’ordre du jour sans regarder au-delà, sans douter du lendemain, sûrs de vaincre en obéissant! Soumission qui donne d’utiles instruments à un homme extraordinaire, mais qui trop souvent fait qu’il laisse après lui peu de chefs dignes de le remplacer.

(Général comte de Ségur, Histoire et Mémoires).

Portrait d’Anne Jean Marie René Savary, duc de Rovigo, par l’artiste peintre Robert Lefèvre (1755–1830).

Napoléon escamote Haugwitz

Mikhaïlovski-Danilewski explique comment Napoléon « escamote » Haugwitz en l’envoyant à Vienne :

Dans la soirée du 16 novembre, Napoléon, à son retour de l’avant-garde à Brünn, trouva le comte de Haugwitz, qui avait reçu l’ordre secret de sa cour de ralentir autant que possible son voyage, afin de donner le temps à l’armée prussienne de se rassembler (d’après le rapport du comte de Stakelberg, de Berlin).

Le traité de Potsdam fut signé le 22 octobre. Le comte de Haugwitz quitta Berlin le 3 novembre, s’arrêta quelques jours à Dresde pour le soi-disant pourparlers avec l’électeur de Saxe. Il séjourna encore à Prague, sous le prétexte d’une indisposition; enfin il arriva à Brünn le 16 novembre. Il fut immédiatement reçu par Napoléon.

Le comte de Haugwitz, craignant la violence du caractère de Napoléon, ne se décida pas à lui annoncer de prime abord toutes les exigences de son maître; il se borna, dans cette première audience, à parler de la nécessité d’assurer le repos à l’Europe, et proposa, pour parvenir à une paix générale, l’intervention de la Prusse. Napoléon, qui connaissait déjà le véritable but de la mission de Haugwitz, par la lecture des dépêches d’un courrier qui avait été pris, ne refusa pas l’intervention de la Prusse; mais il répondit que, l’armée russe étant prête à l »attaquer, il n’avait pas le temps de s’occuper de diplomatie. Il engagea Haugwitz à se rendre à Vienne, et d’y entrer en conférences avec le prince de Talleyrand.

Napoléon savait très bien que le résultat de la lutte qui s’apprêtait serait la meilleure des réponses, car le vaincu n’aurait rien à attendre de la condescendance de la Prusse, tandis que le vainqueur aurait toute facilité de se remettre en bonne intelligence avec elle.

Haugwitz partit pour Vienne, mais Napoléon avait la conviction qu’il éloignait momentanément une rupture avec la Prusse, sans détourner le danger d’une guerre inévitable avec cette puissance; aussi se détermina-t-il de nouveau à s’adresser à l’empereur Alexandre. Dans la nuit du 16, il envoya Savary à Wischau, pour proposer une entrevue entre les deux avant-gardes, et une suspension des hostilités pendant vingt-quatre heures.

(Mikhaïlovski-Danilewski. Campagne de 1805).



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