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Narcomanie et sevrage

Narcomanie, amphétamines, sevrage

Les exigences de la vie moderne ont amené chez certains sujets obsédés du sommeil une nouvelle toxicomanie, celle des hypnotiques : la narcomanie.

Il faut reconnaître que les découvertes pharmaceutiques récentes (dérivés des uréides et de la manloylurée) et la publicité habile et séduisante faite par certaines fabriques de produits chimiques, ont grandement favorisé cette propension. L’arsenal des hypnotiques est particulièrement bien achalandé aujourd’hui et la vente de ces substances, restée libre jusqu’à ces dernières années, a beaucoup aidé à la propagation de la narcomanie.

Plus récemment encore on a vu se diffuser d’une façon inquiétante, aux U.S.A. principalement, l’usage de ce que l’on appelle les Tranquillisants, qualifiés par certains propagandistes de « pilules du bonheur », s’adressant surtout aux petits anxieux qui cherchent la quiétude et la détente de leurs soucis ; nous en traitons ailleurs.

À côté des insomniaques passagers accidentels qui n’usent des hypnotiques qu’à doses modérées pendant le temps juste nécessaire, se trouve la nombreuse catégorie des déprimés, des anxieux, des psychasthéniques qui se réfugient dans le sommeil pour oublier les soucis et les obligations qu’ils ne peuvent supporter. L’usage habituel de ces produits n’est pourtant pas sans inconvénient, dont le plus sérieux est de renfoncer les tendances psychasthéniques des sujets et de créer la servitude toxique. Mais on peut y observer aussi de véritables désordres mentaux étudiés par ailleurs (v. Toxicomanies, Barbiturisme, Choralisme).

A.P.

Amphétamines

Attention : L’abus de ces médicaments par doses excessives ou prolongées entraîne obligatoirement des désordres psychiques très graves et crée des toxicomanies. On constate de nombreux désordres mentaux survenant à la suite de l’usage, ainsi que la dégradation morale et la délinquance chez un sujet faisant abus du même produit.

Depuis des années on utilise en thérapeutique des produits synthétiques dont le pouvoir énergétique sur le tonus nerveux est remarquable : ce Sont les amphétamines appelés aussi amines psychotoniques ou psychamines.

L’amphétamine ou benzédrine (phényl-1-amino-2-propane) est spécialisée en France sous les noms d’ « ortédrine » (sulfate d’amphétamine), de « maxiton » (tartrate d’amphétamine dextrogyre), en pays de langue allemande sous le nom de « pervitine » (N-méthyl-amphétamine), en Angleterre sous le nom de « métédrine » et aux États-Unis sous celui de « déxédrine ». On utilise surtout la formule extrogyre plus active et moins dangereuse que la formule levogyre.

Son action qui porte électivement sur les centres diencéphaliques (J. Delay) se traduit au point de vue physique par un accroissement de l’activité neuromusculaire avec relèvement de la pression artérielle et de l’amplitude expiratoire, par une suspension du sommeil; et au point de vue psychique par une exaltation nette de l’activité intellectuelle; l’esprit plus alerte et plus vif recule les limites de la fatigue. Le sujet a l’impression d’une énergie renforcée, d’une attention et d’une puissance de travail accrues.

Aussi les médicaments de cette série sont-ils utilisés de plus en plus fréquemment : armées en campagne (véritable « réserve stratégique »), surmenés des affaires et de la politique, étudiants à la veille des examens et des concours sportifs, etc.

Leur emploi en thérapeutique psychiatrique rend de très grands services dans les états dépressifs, les asthénies de toute nature. Dans tous les cas, ils se prescrivent en comprimés dosés de 1 à 5 mg et doivent être pris le matin au réveil pour éviter les insomnies.

On les utilise, mais à dose plus forte, dans certains comas (alcoolique, barbiturique). Delmas-Marsalet les recommande comme traitement de l’épilepsie dite « morphéïque »(v.ce mot); ils sont utilisables aussi dans les états de narcolepsie.

Enfin, signalons que J. Delay a préconisé le « choc amphétaminique » produit par l’injection intraveineuse de 20 à 30 mg dans un but diagnostique, pour provoquer l’extériorisation de certaines réticences schizophréniques ou briser certains blocages pithiatiques.

L’abus de ces médicaments par doses excessives ou prolongées peut entraîner des désordres psychiques et créer de véritables toxicomanies.

Déjà, à l’étranger, en 1941, Speer et surtout Staehelin, avaient souligné certains désordres mentaux survenant à la suite de l’usage de la pervitine et une observation de Binder, en 1945, soulignait la dégradation morale et la délinquance chez un sujet faisant abus du même produit.

En France, Derobert (1948) a signalé l’emploi abusif de l’ortédrine chez des toxicomanes privés de leur drogue habituelle (couramment un tube, Soit 10 cg; un de ces sujets allait jusqu’à 40 cg par jour). On observe alors un sentiment d’intensification des forces physiques et intellectuelles et aussi des crampes musculaires pouvant aller jusqu’aux myoclonies. Quand la dose arrive à 10 cg on observe de l’anorexie, de l’amaigrissement, de l’insomnie, de l’excitation psychomotrice, avec confusion et délire hallucinatoire.

Peu de temps après, de nouveaux cas de toxicomanie étaient signalés en France par Heuyer et Leboici, Baruk, Cremeixu et Cain, Alliez.

Heuyer a dénoncé à l’Académie de Médecine le péril mental que fait courir au monde des étudiants l’abus des amphétamines dans la préparation des examens et concours.

La Commission des Stupéfiants de l’O.M.S. a été saisie par le Dr Tokeo Masaky des ravages que faisait cette toxicomanie au Japon après la fin de la dernière guerre. D’après l’Association des Pharmaciens japonais on pouvait compter 1.500.000 victimes de cette servitude, sujets de 13 à 30 ans. Un certain nombre de cas de psychoses ont été relevés, ainsi que des faits de criminalité : sur 60 assassinats en mai et juin 54, on relevait 31 toxicomanes pour cette drogue (P.M., 21 avril 1956).

J. Delay et ses collaborateurs, à propos de trois observations, ont attiré l’attention sur ce qu’ils appellent des pseudopsychoses amphétaminiques qui se démaquent et se poursuivent après le sevrage; il s’agit le plus souvent de schizophrènes conscients de leur baisse de rendement qui se « dopent » au maxition pour lutter contre ce déficit; la vraie psychose amphétaminique, quand il n’y a pas un terrait psychotique sous-jacent, est aisément et rapidement curable par le sevrage.

On voit donc que ces médicaments exigent une surveillance. Ils sont à éviter dans les états anxieux, à cause de leur action sympathomimétique.

Dans une étude récente, E. Martimor, P. Nocolas-Chalres et J. Debeux (A. M. P., mars 1955) ont fait une remarquable étude analytique des circonstances qui favorisent cette toxicomanie, des troubles variés qu’elle peut engendrer et souligné l’insuffisance de l’inscription au tableau C qui avait pu être obtenue pour cette drogue, et la nécessité de mesures plus sévères pouvant aller au tableau B ou, à défaut, la mention sur l’ordonnance délivrée de mesures de limitation.

Ant. Porot

(Texte paru dans les années 1950).

Sevrage

Expérience appliquée aux toxicomanies et désignant soit la suspension forcée et accidentelle de la substance toxique, soit la suppression volontairement et délibérément recherchée d’une servitude tyrannique.

1. Le sevrage forcé. – Il est réalisé soit par une panne dans le ravitaillement en drogue nocive (morphine, héroïne, cocaïne, etc.), soit à l’occasion d’un accident ou d’une maladie qui prive le sujet de ses moyens d’action habituels (alcooliques hospitalisés, par exemple).

Chez l’alcoolique fortement imbibé, le sevrage forcé peut s’accompagner de désordres physiologiques (agitation, insomnie, anxiété onirique) et peut même provoquer l’explosion d’un accès de délirium tremens. On les combattra par une strychnothérapie intensive (10 à 20 mg par jour); on a aussi préconise les injections intraveineuses d’alcool dilué à 30%.

Chez les intoxiqués de l’opium ou de ses dérivés (morphine, héroïne), les accidents du sevrage brusque et forcé peuvent être alarmants. En quelques heures, le sujet développe une anxiété croissante, terrible, qui lui dictera les réactions les plus diverses : grande agitation, attaques hystériformes, parfois réactions impulsives et violentes. Très vite s’ajoutent des désordres neurovégétatifs sérieux : vomissements, diarrhée, sueurs, troubles respiratoires, douleurs ostéocopes ou algies violentes et, surtout, collapsus circulatoire pouvant aller jusqu’à la syncope mortelle. Si la vie est vraiment en danger, on pourra faire une piqûre de morphine que le malade réclame du reste à cor et à cri, mais on évitera de donner l’ordonnance qu’il sollicite. On le dirigera sur un service ou un établissement spécialisé dans les cures de désintoxication.

2. La cure de sevrage. – Elle est parfois sollicitée par le toxicomane lui-même; mais c’est dans un moment de détresse, alors qu’il est en panne de ravitaillement ou en difficultés avec les siens ou la société. Il faut alors se méfier de sa sincérité; ce qu’il veut le plus souvent, c’est un secours immédiat, une piqûre ou une ordonnance en échange d’une promesse de cure. Le résultat obtenu, on ne le revoit plus; il manque au rendez-vous.

En certains pays, les toxicomanes tombent sous le coup de lois spéciales qui permettent leur séquestration et leur traitement prolongé. En France, de telles dispositions n’existent. Par la loi de 1838 et le placement d’office ne peuvent être appliqués qu’en cas de manifestations délirantes ou de crises d’agitation. Une hospitalisation simple peut aussi être tentée à cette occasion, mais dès que le sujet recouvre son calme et sa lucidité, il réclame et exige une sortie qu’on ne peut légalement lui refuser.

D’une façon générale, il n’y a pas de sevrage possible en cure libre, pour les grands intoxiqués de la morphine, de l’héroïne, de la cocaïne, du chanvre et de ses dérivés. Le médecin qui s’y prêterait en serait pour ses frais et pour sa confusion. Il faut un isolement rigoureux et prolongé dans un service ou un établissement vraiment spécialisé, avec un médecin très entraîné, un personnel sûr et bien en mains. Le sevrage se fait soit brusquement avec surveillance sérieuse du collapsus circulatoire possible, soit par la méthode lente à doses progressivement décroissantes, soit par la méthode dite rapide, qui diminue la dose initiale de moitié chaque jour et dure de cinq à dix jours.

Les accidents que nous avons signalés à l’occasion du sevrage forcé se voient dans la méthode brusque et rapide. Des méthodes adjuvantes aident à franchir ce cap très douloureux. La psychothérapie a un rôle déterminant pendant la convalescence qui doit être prolongée plusieurs mois. Sevrer n’est rien, consolider est tout. Le toxicomane sevré garde longtemps une grande fragilité soit du fait d’une constitution psychonévrotique ancienne, soit de la faiblesse morale et de l’anxiété qui le handicapent longtemps. C’est ce qui explique la très grande fréquence des récidives, même après une cure de sevrage bien conduite. Il faut se préoccuper des conditions du milieu que le sevré va retrouver à sa sortie.

Magnan voulait une cure d’un an pour tous les grands toxicomanes.

En Italie, on a préconisé récemment sous le nom de cure d’annihilation les électrochocs en séries rapprochées, – 2 à 3 séances par jour pendant trois à quatre jours. Avec la mémoire, le sujet perd l’idée de sa drogue : mais cette cure qui réussit parfaitement dans les intoxications mineures peut être dangereuse dans les grandes intoxications par la morphine et l’héroïne (accidents bulbaires).

On a préconisé l’emploi des neuroplégiques pour calmer l’agitation anxieuse qui se manifeste si souvent au moment du sevrage (Cossa).

Rappelons qu’une cure de sevrage peut être légalement imposée par le juge d’instruction aux grands toxicomanes qui se sont mis en état de délinquance.

En ce qui concerne l’alcoolisme chronique, on utilise actuellement les « cures de dégoût » et de « déconditionnement » par l’apomorphine ou l’antabuse.

Il existe une loi concernant les alcooliques dangereux. Cette loi a prévu pour eux l’obligation de subir une cure de sevrage dans des centres thérapeutiques spéciaux et prévoit même des sanctions pénales s’ils s’y refusent.

Ant. Porot

Toxicomanies

On appelle toxicomanie l’appétence anormale et prolongée manifestée par certains sujets pour des substances toxiques ou des « drogues » dont ils ont connu accidentellement ou recherché volontairement l’effet sédatif, euphoristique ou dynamique, – appétence qui devient rapidement une habitude tyrannique et qui entraîne presque inévitablement l’augmentation progressive des doses.

Ces substances sont toxiques, soit du fait d’une grande nocivité propre (alcaloïdes de l’opium ou de la coca), soit par leur usage excessif et prolongé (alcool, tabac, etc.) ; elles provoquent dans l’organisme des réactions d’adaptation qui se traduisent parfois par une tolérance paradoxale, tel le phénomène de l’accoutumance et son corollaire l’état de besoin et par des dégradations organiques amenant, à plus ou moins long terme, la déchéance physique et mentale du sujet.

L’industrie chimique, en outre, a créé de nombreux hypnotiques de la série barbiturique qui provoquent les mêmes phénomènes d’accoutumance et de besoin. Aujourd’hui, elle fabrique des « stupéfiants synthétiques » (dérivés de la péthidine et de la méthadone) dont on vante l’innocuité, mais qui, en fait, sont parfaitement capables de créer la toxicomanie.

La toxicomanie pose plusieurs problèmes :

L’un, d’ordre psychologique (causes prédisposantes et circonstances de cette appétence morbide, répercussions mentales) ;

Un problème d’ordre biologique (réactions physio et anatomopathologiques de l’organisme, en particulier phénomène de l’accoutumance) ;

Un problème d’ordre social ; ces toxicomanies peuvent atteindre parfois l’importance de véritables fléaux sociaux. Il en a d’avérées, publiques, généralisées (opium en Extrême-Orient, chanvre et haschich aux Indes, en Afrique du Nord, alcool dans de nombreux pays). Elles ont imposé des mesures de réglementation nationales ou internationales. D’autres sont clandestines, ne touchent que des individus isolés ou de petits groupes qui dissimulent le vice secret auquel ils demandent des satisfactions et des joies équivoques. C’est pour elles qu’on a parlé de « paradis artificiels », d’« intoxications de luxe ».

Il faut se méfier, en pareil cas, des mirages d’une certaine littérature due à quelques esthètes ou quelques intellectuels ; le gros des toxicomanes obéit à des instincts plus misérables et plus frustes et leur faiblesse morale est loin d’être compensée par les affinements de leur intelligence. S’ils subissent une exaltation passagère de leurs facultés et pour un temps assez court, ils mangent – pourrait-on dire – leur blé en herbe et tombent vite dans l’improductivité et la stérilité intellectuelle et sociale.

Comment on devient toxicomane. – On entre dans la toxicomanie, disait Ball « par la porte de la douleur, par celle de la volupté et par celle du chagrin ». Cette formule déjà ancienne résume assez bien les principales causes des toxicomanies. Nous grouperons ces dernières sous trois chefs : a) les toxicomanies justifiées ; b) les toxicomanies par persévération ; c) les toxicomanies primitives ou de perversion.

a) Toxicomanies justifiées : Ce sont tous les cas où une affection grave, particulièrement douloureuse, nécessite l’emploi continu d’un analgésique avec, fatalement, augmentation progressive des doses du fait d’une accoutumance inévitable (cancéreux, tabétiques atteints de douleurs fulgurantes, certains sujets atteints de névralgies faciales, quelques grands asthmatiques, etc.).

À tous ces malheureux on ne peut refuser le secours des analgésiques, malgré les inconvénients qu’ils comportent au point de vue de l’accoutumance.

b) Toxicomanies par persévération : Là encore, l’usage d’un analgésique ou d’un hypnotique a pu être parfaitement justifié à un moment donné (crises néphrétiques ou hépatiques, accès de gastralgie ou d’asthme, angine de poitrine, insomnies secondaires à un état pathologique) ; l’injection calmante, à l’occasion de la crise douloureuse, a laissé dans la mémoire du sujet la trace de son passage bienfaisant et, par pusillanimité, faiblesse morale, dans la hantise d’un retour offensif de la douleur, il cherche à se couvrir par avance contre la réapparition des symptômes douloureux; au bout d’un certain nombre de jours, il devient très difficile de faire, dans les doléances du malade, la part qui revient à un vestige douloureux réel et à l’état anxieux que commence à développer l’amorce d’une toxicomanie.

Dans le cas de l’insomnie, la crainte obsédante de nouvelles nuits sans sommeil avec leur cortège de malaises et d’énervements, s’opposant au souvenir agréable d’une détente artificielle, va sceller pour longtemps l’adhésion aux hypnotiques.

c) Toxicomanies primitives ou de perversion : Dans un certain nombre de cas, le sujet se drogue, soit pour oublier un chagrin, soit pour se doper, soit pour rechercher des sensations nouvelles, etc., la toxicomanie peut alors être dite primitive.

Dans l’ordre moral, ce sont, à côté des chagrins, des deuils, des épreuves insurmontables, la morne tristesse des déprimés, l’angoisse des mélancoliques ou des scrupuleux, la suggestibilité des faibles, le trac des timides et des émotifs, qui, ayant connu l’apaisement salutaire d’une injection ou l’invigoration heureuse d’un tonique, l’associeront désormais à toutes les épreuves de leur situation ou de leur fonction.

Trop souvent, la toxicomanie peut être dite d’origine passionnelle. Une curiosité malsaine de sensations anormales, un érotisme en quête d’aphrodisiaques, une imagination déréglée, un snobisme mal placé sont souvent à l’origine du premier contact avec la drogue.

L’entrainement, le désoeuvrement ouvrent l’abîme où tombent tant d’oisifs, de rêveurs, de noceurs, de gens de milieux spéciaux ou de prostituées. La cupidité des trafiquants attise ces foyers de contamination. On ne soulignera jamais assez le prosélytisme qui règne dans les milieux des toxicomanes. Ils se recherchent entre eux ou essaient de faire des adeptes. Ils ont un flair spécial pour se dépister, se rapprocher, se recruter. C’est ce qui explique qu’il y ait tant de ménages de toxicomanes (14,5% dans une statistique récente de Vaille et Stern), que tant de coloniaux dans le désoeuvrement ou le cafard cèdent aux suggestions de camarades… Il fut une époque où ces intoxiqués avaient leurs clubs (« Club des Haschichins » au temps de Th. Gautier). Rodet cite un homme de lettres connu comme chef d’école, morphinomane, cherchant à morphiniser ses élèves pour assister à leur déchéance. La perversion prend l’aspect du sadisme.

C’est le prosélytisme, joint à l’armée occulte, organisée et térébrante des trafiquants qui avait maintenu ce fléau social à un niveau encore relativement élevé avant la guerre ; aujourd’hui, grâce à une réglementation très efficace, ce groupe des toxicomanes a bien diminué.

Vaille et Stern, sur un ensemble de cent quarante-deux toxicomanies dont l’origine a pu être bien établie, recueillis de 1946 à 1949, ont noté 38% de toxicomanies justifiées (cinquante-quatre malades), 48% de toxicomanies de persévération (soixante-dix anciens malades) et 15% de toxicomanies primitives (vingt-deux contaminations par prosélytisme). C’est assez souligner que les toxicomanies qui survivent aujourd’hui en notre pays sont surtout d’origine thérapeutique. Toutefois, il ne s’agit là que de toxicomanies par les stupéfiants.

Ces considérations soulignent le rôle important d’une personnalité fragile et parfois même anormale. C’est ce qui a permis, dans certains cas, de parler de tempérament toxicomaniaque.

Il y a des sujets pour lesquels la prédisposition est presque tout et l’occasion presque rien. Les toxicomanes seraient, pour certains auteurs, des psychopathes ; pour Polish : 70% chez les hommes, 89% chez les femmes, 26% chez les enfants de deux sexes; pour Mme Buvat Cottin : 80 à 90%. Mais il convient de remarquer que ces statistiques portent sur des sujets déjà très engagés dans la toxicomanie qui n’a pu qu’aggraver de petits troubles de la personnalité, lesquels seraient sans doute restés secrets et latents sans leur rencontre avec les toxiques. Il n’y a pas de forme mentale spéciale appelant la toxicomanie; les états dépressif (psychasthénie) y conduiraient plus volontiers, mais l’« état de besoin » qui caractérise essentiellement la toxicomanie ne se voit que dans les « états névrotiques » et non dans les états « psychotiques » (Gelma).

Poussant dans le sens psychanalytique, certains auteurs ont trouvé, à la base de la toxicomanie, une situation conflictuelle affective (Forel, Meyer, Lagache). Ces sujets, dit Kronfeld, portent en eux un conflit intérieur et durable qu’ils ne parviennent pas à résoudre; ce sont des malheureux, des insatisfaits qui trouvent dans l’ivresse toxique ou le sommeil une annulation affective de ce conflit. Ce sont bien souvent des sujets dont l’adaptation sociale se fait mal.

Enfin, il semble que l’on puisse parler, en certains cas de sensibilisation héréditaire. Le fait n’est pas douteux pour l’alcoolisme dans certaines familles, où des tendances dipsomaniaques se transmettent par hérédité, la susceptibilité réactionnelle vis-à-vis du poison devenant plus grande chez les descendants (Fère, Legrain).

Il nous a été donné de connaître une famille de morphinomanes où la toxicomanie se manifeste sur trois générations.

Y a-t-il un rapport entre le choix du toxique et la constitution du sujet? La drogue est le plus souvent celle que procurent le milieu et les circonstances. Par contre, sur le plan racial, il n’est pas douteux que chaque peuple ou groupe de peuples, va, comme l’ont fait remarquer Polisch, J. Bouquert, vers les moyens d’ivresse correspondant à la mentalité et au tempérament qui commande sa biologique. En Extrême-Orient, l’opium qui favorise les tendances à l’isolement contemplatif; en Proche-Orient, le haschich qui procure les rêves et visions à l’imagination, et en Occident, l’alcool et les toniques synthétiques, plus en rapport avec les tendances dynamiques et les besoins d’activité sociale.

L’accoutumance, l’état de besoin et de privation

La vie du toxicomane. – Le toxicomane ne connaît que pour un temps limité l’illusion de la paix, du calme ou de la force.

L’obsession et l’angoisse s’installent presque à demeure. Esclave sans dignité, il va subir plus ou moins lentement, suivant l’intoxication en cause, une dégradation morale inévitable.

C’est par là qu’il fléchira d’abord, bien avant la dégradation intellectuelle – vie de dissimulation, de capitulation qui, tôt ou tard, l’amènera à la déchéance sociale. Dans certains cas, s’il se trouve bien encadré (fonctionnaire civil ou militaire) ou si les nécessités constantes de la vie quotidienne le tiennent en stimulation (commerce, carrière libérale), un certain automatisme professionnel entretiendra une activité apparente. On a même vu des toxicomanes parvenir et se maintenir à de hautes situations. La vie est plus vite et plus profondément perturbée chez les oisifs ou les sujets dont le travail est livré à leur propre inspiration (artistes, compositeurs, etc.); quand le ravitaillement vient à manquer, c’est l’affolement, le désarroi, la recherche coûte que coûte de la drogue ou de l’alcool. Les compromissions louches, les indélicatesses, parfois les abus de confiance apparaissent alors. L’alcoolique ou le toxicomane entraîne souvent sa famille à la dérive. Quand un incident judiciaire ou un épisode aigu (crise délirante ou hallucinatoire) ne vient pas brusquer les événements, la déchéance ou la ruine arrivent plus ou moins vite. Le toxicomane n’est plus alors qu’une épave sociale.

Classification des toxicomanies. Polytoxicomanies

De nombreuses classifications ont été proposées pour les toxicomanies (Lewin, Bonvicini). Il convient, à notre avis, de se placer surtout sur le terrain pratique, celui de la gravité et de la servitude.

Toutes les substances toxiques ne sont pas égales devant le danger créé pour la santé et surtout devant la tyrannie de l’accoutumance. Quelques-unes restent, malgré leur durée, assez superficielles en leurs actions physiologiques ou bien ont un plafond qu’on ne peut guère dépasser. D’autres, plus profondes déjà, ne créent qu’une habitude qu’on peut encore briser sans trop de souffrances, ni trop de danger. Mais il en est, au contraire, qui exercent une servitude rapidement tyrannique et dont l’affranchissement ne s’acquiert qu’au prix de grands efforts et d’un désarrois physique et psychique qui se prolonge longtemps, comme une plaie qui se cicatrise mal.

Nous avons proposé dans notre ouvrage Les Toxicomanies (Alger, 1945, et collection « Que sais-je? », / 586, P. U. F.), la division en toxicomanies majeures et toxicomanies mineures :

A) dans les toxicomanies majeures se rangeraient :

  • L’opiomanie (opium et ses dérivés; morphine, héroïne, sédol), etc. ;
    Le cannabisme (chanvre et ses diverses préparations : haschich, kif, marihuana…) ;
  • La cocaïnomanie ;
  • L’alcoolisme.

B) Dans les groupes des toxicomanies mineures, nous mettons :

  • Le théisme et le caféisme ;
  • Le tabagisme ;
  • L’éthéromanie ;
  • Certaines toxicomanies médicamenteuses (barbiturique, chloral, dolosal…).
  • Dans quelques cas, il y a cumul des intoxications.

Les polyintoxications se rencontrent fréquemment ; les unes sont banales et, à une intoxication majeure (opium, par exemple), s’ajoutent quelques toxicomanies mineures.

Ce cumul des toxiques indique une profonde altération mentale et morale ou une grossière impulsivité et comporte un pronostic assez sombre, quant à la précocité des échéances morbides.

Signalons aussi les phénomènes de substitution, rendus assez fréquents, soit par la recherche de toxiques plus actifs, soit par carence de la drogue première.

Conduite à tenir

Le traitement des toxicomanies pose des problèmes qui varient avec chaque individu, mais surtout avec le toxique en cause. Facile dans certains cas, les toxicomanies mineures, il est particulièrement difficile et délicat pour certaines toxicomanies tyranniques comme celles des opiacées.

On trouvera tous ces aspects particuliers, cliniques et thérapeutiques, aux mots Opium et ses dérivés, Cannabisme, Alcoolisme, Cocaïne, Éthéromanie, Caféisme, Théisme, Tabagisme, etc.

Pour les grandes toxicomanies sur le plan social, on possède tout un arsenal de règlements et décrets, ainsi que de mesures administratives qui cherchent à opposer une barrière à l’extension du danger. Mais, en fait, ainsi qu’on l’a fait remarquer récemment à la Commission d’Hygiène mentale du ministère de la Santé publique (mai 1951), les sujets sont considérés beaucoup plus comme des délinquants que comme des malades, soumis à des actions répressives beaucoup plus qu’à des mesures thérapeutiques efficaces.

Cette même Commission a conclu qu’il était souhaitable « que la désintoxication obligatoire se fasse sous le régime de l’internement, qu’une consultation écrite de trois médecins dont un expert fixe les modalités de l’internement et soit communiquée au Conseil de l’Ordre des Médecins ; que la régie des sept jours soit assouplie pour les toxicomanes invétérés et pour les malades incurables de médecine générale; que le carnet à souche soit modifié » (Heuyer, Minkowski et P. Abély).

Médecine légale

Au criminel, outre les infractions aux règlements en vigueur, il n’est pas rare que le toxicomane se livre à des délits pour assouvir sa passion : vol, escroquerie, ou autres indélicatesses. On ne saurait lui assurer l’impunité pour ces délits et rares doivent être les cas, en pratique, où l’on peut envisager une responsabilité atténuée.

Rappelons que des dispositions légales nouvelles ont prescrit des mesures pour la cure obligatoire des alcooliques dangereux (loi du 15 avril 1954) et le sevrage des toxicomanes qui se sont mis en état de délinquance (décret du 11 mai 1955).

Au civil : la question de capacité peut se poser plus fréquemment; en fait les lois en vigueur en la matière permettent, si besoin en est, de lui appliquer les mesures de protection prévues par le Code (interdiction ou plus fréquemment conseil judiciaire).

Ant. Porot.

« Dans la vie, j’ai eu le choix entre l’amour, la drogue et la mort. J’ai choisi les deux premières et c’est la troisième qui m’a choisi… ». (Jim Morrison chanteur et poète, né en 1943 et décédé en 1971).


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