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Combat de Hollabrünn

Combat de Hollabrünn

C’est le récit du combat de Hollabrünn, ce fait d’armes peu connu que raconte le lieutenant-général Mikhaïkovski-Danilewski, membre du Conseil de guerre et historien russe de la campagne de 1805 dont il fut l’un des participants :

Koutouzoff, animé du désir de déjouer les projets de Napoléon, se hâta d’occuper la route de Vienne à Znaïm. A peine arrivé à Ebersbrünn, il envoya le prince Bagration à Hollabrünn, en lui donnant l’ordre de s’y tenir jusqu’à ce que l’armée eût passé derrière lui, sur la route de Znaïm à Enzelsdorf.

Le détachement du prince Bagration venait d’arriver, pendant la nuit, de Krems à Ebersbrünn; les soldats n’avaient pas eu le temps de préparer leur manger qu’ils reçurent l’ordre de marcher, malgré leur extrême fatigue; et le lendemain, 3 novembre (15 novembre du calendrier grégorien qui, au début du XIXe siècle,, a une avance de 12 jours sur le calendrier orthodoxe russe), à neuf heures du matin, le prince Bagration état déjà à Hollabrünn. Quoique cette ville ne fût qu’à vingt kilomètres d’Ebersbrünn, cette marche de nuit fut pénible, car l’obscurité était profonde, et l’on devait s’avancer par des sentiers, par des ravins et des vignobles. Cependant la troupe marchait avec fermeté, surmontant les obstacles de tous les genres; Bagration avait appris à l’école de Souvoroff l’art difficile, que peu de généraux connaissaient, de faire exécuter des marches forcées, tout en évitant d’épuiser les forces de ses soldats.

Koutouzoff, après avoir expédié Bagration, et après avoir donné quelque peu de repos à son armée, se remit en marche le 2 novembre, dans la soirée, après avoir adressé à son souverain le rapport suivant : « Je ne puis me dissimuler que, dans cette marche, je puis perdre un millier d’hommes; mais, il faut sauver le tout, s’il est possible. »

Pendant la marche, au milieu d’un orage violent, Koutouzoff reçut de Miloradowitch la nouvelle rassurante que les corps de Bernadotte et de Mortier, envoyés par Napoléon pour nous poursuivre, étaient retenus par le mauvais temps au passage du Danube, près de Krems; ils ne pouvaient, par conséquent, nous atteindre de sitôt; les soldats de notre arrière-garde ne signalaient que des patrouilles de cavalerie ennemie.

Pendant la marche de Koutouzoff, le prince Bagration était arrivé à Hollabrünn, et après lui Miloradowitch, s’enfonçant tous les deux dans la boue jusqu’aux genoux; il trouva la position désavantageuse, se retira à peu près à deux kilomètres en arrière de Schoengraben et du ruisseau qui l’avoisine.

Décédé à se battre à outrance et jusqu’à la dernière goutte de son sang, le prince Bagration rassembla chez lui, ainsi qu’il avait toujours l’habitude de le faire avant le combat, les généraux et les chefs de régiments; il s’entretint amicalement avec eux sur les diverses chances qui pouvaient se présenter jusqu’à ce que Koutouzoff eût le temps de mettre son armée à couvert des entreprises des Français. Pendant cette conversation, qui était toute militaire, et que la sagacité du prince rendait remarquable, car c’était là le point saillant de son caractère, on le prévint que l’ennemi approchait; comme on s’y attendait d’un moment à l’autre, cette nouvelle n’étonna personne; mais, immédiatement après, un second avis vint surprendre tout le monde : on annonçait que le comte du Nostiz, après avoir parlementé avec les Français, se retirait d’Hollabrünn.

Quoique Murat fût avec son corps très près de celui de Bagration, il ne se décida point à l’attaque; il avait appris que Koutouzoff se trouvait à quelques kilomètres ; d’ailleurs, une partie de son infanterie était seulement arrivée, l’autre cheminait encore à une demi-journée de lui. Il voulut user de ruse pour arrêter le mouvement de Koutouzoff jusqu’à ce que ses troupes l’eussent rejoint, et que Bernadotte et Mortier pussent nous attaquer par derrière. A peine la fusillade était-elle engagée sur la ligne de tirailleurs que Murat envoyé à Bagration un parlementaire chargé de faire la proposition d’un armistice, à la condition que les deux armées resteraient dans les positions respectives qu’elles occupaient. Il cherchait à faire valoir l’inutilité de verser le sang, maintenant que l’Autriche avait signé la paix.

Murat se trompa dans son espoir ; Koutouzoff n’était pas homme à se laisser prendre au piège aussi facilement que le prince Auersberg et que le comte de Nostiz ; il voulut payer Murat de la même monnaie, et opposer la ruse à la ruse. A cet effet, le baron de Winzengerode fut envoyé avec l’ordre d’entamer des pourparlers et de conclure un armistice. « Mon intention, écrivait-il à l’empereur Alexandre, était avant tout de gagner du temps, afin de trouver un moyen de sauver l’armée et de m’éloigner de l’ennemi. » (Deuxième rapport de Koutouzoff à l’empereur Alexandre, le 3 novembre 1805).

Winzengerode fut reçu aux avant-postes français par le général Belliard, chef d’état-major général de Murat, et signa, de concert avec lui, un armistice aux conditions suivantes :

Que l’armée russe quitterait l’Autriche et retournerait en Russie, en prenant la route par laquelle elle était venue; que Murat ne pénétrerait pas plus avant en Moravie : jusqu’à ce que ces conditions fussent présentées à la ratification de Koutouzoff et de Napoléon, pour être confirmées ou rejetées, les armées belligérantes devaient rester dans les positions qu’elles occupaient; dans le cas où cet arrangement ne serait point approuvé, les hostilités ne seraient pas reprises sans s’être mutuellement prévenu quatre heures à l’avance.

Ce fut ainsi que se passa la journée du 3 novembre.

Les conditions de cet armistice furent envoyées, d’un côté à Koutouzoff, et de l’autre à Vienne, où se trouvait Napoléon.

Murat, ne doutant pas de l’approbation de son maître, se flattait d’avoir remporté une sorte de triomphe; il lui semblait qu’en forçant, par un trait de plume, l’armée russe à s’arrêter d’abord, puis à rentrer en Russie, il venait d’accomplir un acte de haute politique; il pouvait même porter ses illusions jusqu’à penser que l’espèce d’arrangement qu’il venait de conclure séparait l’empereur Alexandre de l’alliance autrichienne, et laissait cette dernière puissance abandonnée à ses propres forces, forces déjà si épuisées. Ce doux rêve fut de courte durée. Murat, au lieu des expressions de reconnaissance sur lesquelles il comptait, ne tarda pas à recevoir une sévère réprimande. Napoléon, après avoir lu le texte de l’armistice, non seulement ne le confirma pas, mais reprocha au négociateur, et dans des termes très vifs, très peu ménagés, la suspension des hostilités; il lui faisait comprendre comment il s’était laissé tromper par Koutouzoff, et ordonnait d’attaquer immédiatement. Bientôt même, dans la crainte de quelque nouvelle bévue de ses généraux, dans une affaire si importante qu’elle devait décider du sort de l’armée russe, Napoléon, ne pouvant plus modérer son anxiété, accourut près de Murat, en se faisant suivre de la Garde impériale et de la division Caffarelli: son impatience de réparer le temps qu’on venait de perdre était si vive qu’après avoir fait quelques lieues avec sa Garde il se jeta dans sa voiture, et partit au grand galop pour Hollabrünn.

Murat ne fut pas le seul que le mécontentement de Napoléon atteignit; il se mit en fureur contre Bernadotte, qui, de concert avec Mortier, devait, de Krems, poursuivre Koutouzoff sans relâche.

En quittant Vienne pour Hollabrünn, Napoléon avait appris que Bernadotte n’avait point encore opéré son passage du Danube. Il ordonna au maréchal Berthier de lui écrire ces lignes : « L’Empereur se fâche contre vous; le prince Murat, Lannes et Soult sont aux prises avec les Russes, à deux journées de Vienne, et vous n’avez point encore passé le Danube. Vos troupes sont certainement très peinées d’être privées de leur part de gloire dans la campagne qui s’effectue maintenant. L’Empereur espère recevoir de vous l’avis, par le retour de l’officier qui vous est expédié, que vous poursuivez Koutouzoff et que vous le serrez la baïonnette dans les reins.

Pendant ce temps, Koutouzoff, de son côté, recevait l’acte d’armistice, et ne voulait pas en accepter les conditions, ainsi qu’il l’écrivait à son souverain : « J’ai retardé ma réponse de vingt heures, ajoutait-t-il, dans le but de continuer à me retirer; maintenant j’ai réussi à mettre entre moi et les Français l’espace de deux marches. »

En partant de Znaïm, Koutouzoff devait absolument devancer l’ennemi à Pohorlitz, qui se trouvait sur la route la plus courte de Vienne à Brünn; voulant cacher son mouvement d’Etzeldorff à Pohorlitz, il dut se décider à sacrifier le détachement de Bagration en le laissant en vue de l’ennemi. Koutouzoff, en vouant le prince à un si noble exploit, en lui confiant la mission de sauver l’armée au prix d’une perte presque certaine, fit sur le front du guerrier le signe de la croix. Koutouzoff, à la tête de ses troupes, bénissant Bagration, ce moment solennel offre un tableau digne du pinceau d’un peintre russe.

Le lendemain, 4 novembre, à cinq heures après midi, Murat, après avoir reçu la missive de Napoléon, voulut attaquer sans délai. Il fit prévenir Bagration qu’il regardait le retard apporté par Koutouzoff à la ratification convenue comme un refus, et que, lui-même ne consentant plus à l’armistice, il allait recommencer les hostilités sans avoir égard aux quatre heures stipulées dans le projet de traité. L’envoyé de Murat avait à peine eu le temps de signifier à Bagration cette décision que déjà les boulets et les grenades pleuvaient sur notre position. Toutes les troupes françaises retenues dans l’inaction derrière Schoengraben se mirent en mouvement.

Les Français et les Russes faisaient des prodiges de valeur pour remplir le devoir de l’honneur. L’ennemi s’efforçait de nous envelopper en nous tournant, et plus d’une fois, nos soldats se firent jour à travers leurs rangs avec leur capitaine; plus d’un officier trouve, par la ruse, le moyen de sauver quelques-unes de nos bandes qui se trouvaient séparées, en criant en français: – Que faites-vous? Vous empêchez les vôtre de se retirer. La poursuite, transformée en une confusion complète, durait encore à la moitié de la nuit, quand Napoléon, arrivé près de Murat, et voyant l’impossibilité de prolonger ce désordre, fit cesser le feu.

Le prince Bagration s’empressa de se retirer; il marcha pendant deux jours et n’accorda à ses troupes que des haltes très courtes.

Lorsqu’on annonça à Koutouzoff l’approche de Bagration, il alla à sa rencontre, et, le pressant dans ses bras, il lui dit : « Je ne vous demande pas ce que vous avez perdu; vous vivez, cela me suffit. » Cependant notre perte s’élevait à plus de 2000 hommes. Les félicitations les plus vives accueillirent le prince Bagration; les soldats noircis par le feu et la fumée du combat étaient l’objet de l’admiration générale. Le nom de Bagration, déjà si populaire depuis la campagne d’Italie, allait briller glorieusement dans toute l’étendue de l’Empire.

Les Autrichiens, peu prodigues de louanges, appellent encore jusqu’à présent, dans leurs ouvrages militaires, le détachement de Bagration une phalange de héros (Heldenschaar).

(Mikhaïkovski-Danilewski. Campagne de 1805).

Bataille de Shengraben (ou d’Hollabrunn). Par K. Bujnitsky (1898).


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