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Anorexie mentale

Anorexie mentale en psychologie

Il faut réserver le nom d’anorexie Mentale à un syndrome très particulier rencontré chez certaines jeunes filles et caractérisée par quatre symptômes principaux : l’anorexie, l’amaigrissement, l’aménorrhée et un état mental particulier. Contrairement à une extension exagérée de certains auteurs (Crémieux, rapport au XLIIIe Congrès des Aliénistes, Montpellier, 1942), ce syndrome doit être nettement dégagé des autres refus d’alimentation, commandés par une psychose caractérisée : idées délirantes d’empoisonnement, mélancolie et autres négativismes (v. Refus d’alimentation).

1. Historique. C’est à Lasègue que l’on doit en 1873 la première description de ce syndrome. Il en fit un tableau complet au point de vue clinique; son étude magistrale s’appuyait sur 8 cas. En l’appelant « anorexie hystérique », il sacrifiait aux idées de son époque touchant la grande névrose. Sa description princeps avait surtout le mérite de bien éclairer la psychologie de ces malades et l’interaction psychique du milieu familial.

Presque en même temps, un clinicien anglais, W.Gull, relatait des observations de même nature auxquelles il donnait le nom d’apepsia hystérica.

C’est Huchard qui substitua en 1883 le terme d’anorexie mentale à celui d’anorexie hystérique et cette dénomination a prévalu jusqu’à nos jours.

L’ère endocrinologique d’une part, la psychologie en profondeur dérivée du freudisme d’autre part, sont venus ouvrir de nouvelles perspectives sur le problème pathogénique comme nous le verrons plus loin sans toutefois enlever à une disposition mentale anormale la primauté comme facteur étiologique.

II. Description clinique. – Peu après la puberté, entre 15 et 20 ans, ces jeunes filles se mettent à restreindre progressivement leur alimentation sans en donner de raisons valables ou allèguent de vagues douleurs d’estomac ou des malaises subjectifs. Les restrictions ont pu être, au début, électives pour une certaine catégorie d’aliments, elles deviennent bientôt massives, globales et progressives, entraînant rapidement une sous-alimentation et un amaigrissement de 2 à 3 kg par mois. La perte réelle de l’appétit d’apparaît généralement qu’au bout d’un certain temps.

L’entêtement de ces malades, qui se raidit en proportion de l’insistance de la famille, les amène non seulement à refuser l’alimentation, mais aussi à l’escamotage des aliments, aux vomissements provoqués en cachette, à l’abus de laxatifs ou de purgations, parfois à des exercices physiques excessifs (activité paradoxale), toutes manifestations dérivant avec une logique implacable et obstinée d’idées bien arrêtées de refuser, de rejeter les aliments ou d’en empêcher l’utilisation.

Un symptôme capital a fait précocement son apparition : l’aménorrhée qui est totale et ne manque jamais. En même temps, s’installent d’autres signes d’allure somatique : hypertension artérielle, ralentissement du pouls et de la respiration, refroidissement des extrémités. Les examens de laboratoire montrent souvent de l’hypoglycémie provoquée, une élévation du cholestérol et un fléchissement du métabolisme basal.

Les examens de divers spécialistes consultés (gastro-entérologues, phtisiologues, gynécologues), les explorations radiographiques et de laboratoire restent négatifs; toutes les thérapeutiques médicamenteuses et endocrinologiques échouent jusqu’au jour où le psychiatre, enfin consulté, réussit à imposer son verdict d’isolement.

Lasègue a très bien résumé, en trois phases, l’intrication psychosomatique qui se poursuit chez la malade. Dans la première phase, celle-ci, alléguant des malaises digestifs, déclare : « Je ne peux pas manger parce que je souffre »; puis, dans une seconde phase, l’entêtement s’est consolidé et elle objecte aux insistances de ses proches : « Je ne souffre pas, donc je suis bien portante ». L’appétit diminue en raison de l’accroissement de la sollicitude ou de la menace ; certaines maladresses médicales peuvent renfoncer encore cette attitude; la malade veut bien donner un gage de bonne volonté en goûtant à ce qu’on lui présente, mais refuse d’aller au-delà de la première bouchée. L’excès d’insistance appelle un excès de résistance; son amour-propre bloqué lui interdit désormais toute concession, car elle ne veut pas accepter le reproche que sa volonté pourrait surmonter sa résistance si elle le voulait. La malade « systématise alors son attitude à la façon de certains aliénés et ne se met plus quête d’arguments ».

Et la troisième phase, qui se réalise au bout d’un an ou deux de cette persévération morbide, se caractérise par un véritable état cachectique, la pâleur des téguments, la rétraction abdominale, l’aménorrhée et une véritable asthénie qui confine la malade au lit. Dans les cas graves, l’état cachectique peut faire tomber le poids du corps au-dessous de 35 kg. La mort peut en être parfois la conséquence (10% des cas) si on laisse passer le moment propice pour une intervention médicale orientée dans le sens d’une séparation nécessaire d’avec le milieu familial.

III. Pathogénie. – Pendant longtemps, on a expliqué l’anorexie mentale par le caprice, la coquetterie, l’idée fixe, l’hystérie et même la simulation. Dans ces dernières années, on doit à l’endocrinologie et à la psychanalyse des données moins superficielles et plus précises.

1. Données endocriniennes : certains ont voulu faire de l’anorexie mentale une cachexie hypophysaire, et Bickel, de Genève, a décrit des « maigreurs hypophysaires », dont la symptomatologie rappelle celle des anorexies mentales. Il ne faut pas cependant les assimiler, comme quelques-uns l’ont fait, à la véritable maladie de Simmonds, affection organique progressive et fatale, avec atrophie de l’hypophyse, ni au syndrome de Sheehan du post-partum.

Les maigreurs d’origine hypophysaire réagissent très bien au traitement hormonal intensif, ce qui n’est pas le cas dans l’anorexie mentale pure.

Beaucoup d’auteurs admettent cependant qu’il y a des cas mixtes et des cas intermédiaires dans lesquels la participation hypophysaire est indéniable, mais probablement secondaire, tardive, et purement fonctionnelle : précession de l’aménorrhée, hypercholestérolémie (Cossa). On a même signalé des renversements de formule clinique, l’hypororexie et un syndrome adiposo-génital pouvant succéder à l’anorexie mentale (Giraud, de Montpellier).

En réalité, il est probable qu’un même mécanisme physiopathologique, ayant son siège dans le diencéphale, véritable carrefour psychosomatique, perturbe à la fois le fonctionnement de l’hypophyse et la vie instinctivo-affective. J. Delay a créé le terme d’endocrino-névrose juvénile pour désigner l’affection en cause.

J. Decourt, qui a consacré d’intéressants travaux à ce problème, a proposé celui de cachexie psycho-endocrinienne de l’adolescence. Cet auteur, s’appuyant sur l’étude de 32 cas personnels estime que cette affection s’exprime à la fois « dans le domaine physique et endocrinien, le dérèglement de la vie psycho-affective se mêlant étroitement au déséquilibre endocrinien dans la mesure même où ces deux éléments s’unissent pour constituer la personnalité ». Il ajoute que « Le dérèglement hormonal se traduit précocement par l’aménorrhée, qui est souvent le premier signe clinique, et qui parait traduire un défaut de sécrétion de lutéo-stimuline hyphysaire secondaire à une perturbation hypothalamique, alors que la secrétion de folliculo-stimuline et de cortico-stimuline est conservée ». Toutefois, dans les formes graves prolongées et fortement cachectisantes, une insuffisance hypophysaire cortico-surrénale peut apparaître tardivement. Ces données lui ont été confirmées par des dosages des hormones dans les urines et des frottis vaginaux. Mais dans les rares cas d’anorexies masculines, le recours à des tests biologiques portant sur les sécrétions et les organes sexuels ne sauraient être employés (Alliez).

2. Données psycanalytiques : le fait le plus frappant, c’est que l’anorexie mentale est, dans la très grande majorité des cas, rencontrée dans le sexe féminin. Le désordre ne touche que les jeunes filles peu après leur puberté; quelques-unes vont refuser leur vocation féminine et développer une réaction d’opposition instinctivo-affective.

Toutefois, J. Alliez, J.L. Codaccioni et J. Gomila ont publié deux observations personnelles d’anorexie mentale masculine et ont pu en trouver dix autres dans la littérature médicale; à ce propos, ils ont étudié le problème de l’anorexie masculine, montré en quoi elle s’identifiait ou se différenciait de l’anorexie féminine et discuté ses conditions d’apparition, spécialement sur les plans biologiques et psychanalytiques (A. M. P., 1954, #5). Ils ont fait intervenir le sentiment de culpabilité lié à l’éveil sexuel entraînant une ligne de conduite autopunitive.

Plusieurs auteurs (P. Janet et les psychanalystes) ont souligné aussi le sentiment de honte qui, dans certains cas, peut éclore à ce moment; que des scrupules sexuels ou religieux germent dans son esprit, des idées de culpabilité vont s’installer, comportant comme corollaire l’autopunition sous la forme d’un châtiment corporel. D’autres psychiatres, (Donnadieu, Aubin) ont signalé, dans quelques cas, la présence de rêveries érotiques, rencontrées dans d’autres formes d’inanition et dans lesquelles se complairaient volontiers les malades.

L’adolescente doit être considérée aussi en fonction de son milieu familial. Au moment de la puberté, elle doit prendre ses initiatives et ses élans propres; c’est le moment où se précisent bien des arriérations ou des déviations affectives (agressivité et réactions d’opposition). Un « chantage » plus ou moins conscient s’exerce pour garder la sollicitude ancienne ou pour accuser par malignité la haine sournoise qui couve au fond du cœur (« bourreaux domestiques » de Heuyer).

Michaux et Mme Georges-Janet ont souligné la fréquence de l’anorexie mentale dans une catégorie sociale de jeunes filles d’origine modeste, qui par leur instruction, ont pu se faire une situation supérieure à leurs conditions originelles (institutrices, secrétaires, jeunes actrices). « Leur aspiration à l’intellectualisme les pousse à la répudiation des plaisirs matériels, en particulier ceux de la table ». Une de nos malades à laquelle une amie reprochait sa négligence à cet égard, fit cette réponse caractéristique : « Je me nourri de lectures ». Vis-à-vis de leur famille, elles ont le plus souvent deux sentiments contradictoires : la reconnaissance des sacrifices consentis pour leur ascension sociale et une certaine gêne, parfois un peu méprisante, vis-à-vis du manque de culture de leurs parents. Ces auteurs y ajoutent une considération de nature psychanalytique : agressivité contenue contre la mère avec répudiation du stade oral.

Il est d’importance capitale, en présence d’une anorexie mentale, de faire aussi la mise au point de l’entourage familial qui, souvent, par son incompréhension, sa faiblesse, ses maladresses ou un autoritarisme inopportun, renforce les tendances négativistes et hostiles de la jeune malade ; c’est souvent tout un drame de famille qu’il faut pénétrer et savoir dénouer.

En définitive, « l’anorexie mentale réalise une sorte de régression vers l’enfance qui s’exprime à la fois sur le plan physique et sur le plan psychique, ainsi que le montrent l’étude des morphogrammes, le bilan hormonal, et l’examen psychologique. Les deux ordres de processus doivent être considérés comme deux aspects simultanés d’un même dérèglement fondamental que les matières neurophysiologiques modernes permettent de centrer sur l’hypothalamus ou se rejoignent les stimuli venus, d’une part, de la vie organique profonde, et, d’autre part, du cortex cérébral, de la conscience » (Decourt). Elle représente, en somme, un des types les plus saisissants de la médicine psychosomatique.

IV. Variétés cliniques. – Chaque jeune malade apporte, en outre, ses dispositions caractérielles et constitutionnelles propres, qui pourront nuancer, suivant les cas, l’attitude de refus : débilité mentale, hyperémotivité, tendances schizoïdes ou paranoïaques, surcharges de pithiatisme avec sa vanité ou sa malignité, parfois constitution périodique, l’accès d’anorexie représentant un premier équivalent dépressif.

Ce sont ces structures personnelles qui règlent le pronostic et la thérapeutique et engagent l’avenir de la malade. Aussi y a-t-il intérêt à les détecter précocement et Maurice Porot a montré tout le parti qu’on pouvait tirer, à cet égard, du test de Rorschach (Algérie médicale, janvier 1947).

De son côté, Ch. Durand (de Prangins) divise, au point de vue psychogenèse, les anorexies mentales en formes : névrotiques, psychotiques et conflictuelles, chacune comportant un traitement particulier.

Les pédiatres ont décrit une anorexie mentale du nourrisson survenant à l’occasion du sevrage, d’un changement de régime, d’un changement de nourrice. On a signalé aussi l’anorexie mentale chez des enfants de 3 à 6 ans, apparaissant à l’occasion de la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur (crainte d’une frustration affective). Ces deux exemples sont une illustration particulièrement démonstrative de la réaction instinctivo-affective que représente l’anorexie (refuge dans la maladie).

Signalons que des travaux d’ensemble importants et intéressants ont paru en ces dernières années sur ce gros problème de l’anorexie mentale :

En 1954, J. Labourgarie et P. Barres ont repris dans un travail très complet basé sur 50 observations (47 femmes et 3 hommes), le problème de l’anorexie mentale sous tous ses aspects : cliniques, pathogéniques et thérapeutiques (Évol. Psych., janvier 1954, p. 119). Un tableau synoptique donne les particularités de chacun des cas. Au point de vue thérapeutique, ils confirment la nécessité d’un isolement rigoureux et soulignent l’opportunité d’un électrochoc initial pour débloquer la situation et augmenter la perméabilité à la psychothérapie.

En 1955, Cl. Wild, B. R. Scazziga et Cl. Reymond (de Lausanne) ont étudié, dans une réunion de la Société Suisse de Médecine interne (Genève, 14-15 mai 1955), les troubles du métabolisme dans l’anorexie mentale (mauvaise utilisation des acides aminés et du glucose, d’où baisse du métabolisme basal, avec intégrité des fonctions thyroïdiennes, prouvée par le test radio-iode.

En 1956, L. Michaux, H. M. Galloty et Ph. Benoit, à propos d’une observation gémellaire, ont finement analysé les processus psychiques « de la réduction alimentaire délibérée à l’anorexie intentionnelle ». (Rev. N. P. infantile, mai-juin 1956). Volontaire au début, elle est inspirée par des mobiles conscients; il y a des sujets qui ont et d’autres qui n’ont pas « la vocation anorexique ». Entre ceux-ci et ceux-là peuvent intervenir des aptitudes différentes à l’autosuggestion. Le facteur essentiel qui sépare les uns des autres réside dans les dispositions anorexiques constitutionnelles ou acquises. Les mobiles de la restriction alimentaire peuvent se modifier et l’anorexie survivre, par là, à sa raison primitive, mais les candidats malheureux peuvent tomber dans une véritable « névrose d’échec ».

Signalons enfin le travail de J. L. Arrou-Vignod (thèse de Bordeaux, 1956, anal. In A. M. P., avril 1957, p. 754), dans lequel le problème de l’anorexie mentale est spécialement analysé dans la perspective psychanalytique avec aussi quelques aperçus sur certaines réactions corticosurrénales qui se traduisent par la sécrétion des glucocorticoïdes contre les troubles métaboliques engendrés par l’anorexie.

V. Conduite à tenir. Une fois écartées toutes les causes organiques d’anorexie et de dépérissement et le point fait dans l’état mental de la jeune anorexique et de son milieu familial, une seule solution s’impose : l’isolement pour une rééducation alimentaire étroitement surveillée, et pour une psychothérapie centrée sur les mécanismes psycho-affectifs et les tendances caractérielles découvertes chez le sujet. Dans quelques cas où la participation hypophysaire semble établie, l’opothérapie à hautes doses pourra être retenue comme adjuvant.

Le verdict d’isolement est malheureusement très difficilement accepté de la malade comme de la famille ; il s’impose pourtant avec toute sa rigueur et sans marchandage; c’est à ce prix seulement que le psychiatre pourra tenir en mains une malade souvent rebelle ou camouflant son hostilité derrière une docilité apparente, destinée à endormir la surveillance et à faciliter les supercheries.

L’alitement est souvent nécessaire les premiers jours; la pesée périodique sera le meilleur garant de la reprise. La présence constante d’une infirmière à l’heure des repas est indispensable; en cas de refus obstiné, la sonde alimentaire sera parfois indiquée pour le démarrage. On se trouvera bien quelquefois de quelques électrochocs pour désagréger certaines cristallisations mentales, provoquer des abréactions et faciliter les premiers temps de la psychothérapie.

Dans certains cas, l’insulinothérapie sous forme d’une cure de Sakel complète sera nécessaire, autant pour faciliter une réalimentation substantielle au réveil que pour modifier les dispositions mentales difficiles à remanier. Les cortines de synthèse qui agissent sur la fixation des lipides pourront être utilement employées.

Le traitement terminé et la reprise de poids bien assurée, il faut songer à l’avenir. Nous avons dit toute l’importance du milieu familial. Il faudra très souvent changer les conditions de vie du sujet qui devra rompre, pour un temps assez long (deux ou trois ans dans certains cas), avec ses familiers.

Cette consolidation de la guérison est peut-être le temps le plus délicat de la curé et le plus difficile à faire accepter, mais c’est pourtant le plus nécessaire.

Ant. Porot.

Son corps avait atteint ce degré de maigreur au-delà duquel on entrevoit plus que la mort. Je rusais avec son obsession d’anorexique pour la voir manger un croissant ou croquer la moitié d’un bonbon (Tout l’amour du monde, Michel Déon, écrivain, dramaturge français). Image © Megan Jorgensen.


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