Language: French


...Une seconde notion, directement liée à celle de formes de vie contraintes et prétendant à la même universalité, la complète : c’est celle d’expression libératrice, entendue comme le fait, pour un individu, d’apercevoir une raison de s’autocontraindre et néanmoins de passer outre et de ne pas s’auto-contraindre. Si toutes les expressions libératrices ne sont pas des explosions de violence physique et n’engagent pas nécessairement des émotions comme la colère ou l’indignation, toutes ont en revanche partie liée avec le refus, ou l’impossibilité, de l’auto-contrainte. En ce sens, elles guident l’analyse vers une interrogation sur les fondements pratiques de la domination et sur les mécanismes concrets de sa remise en cause.

À la question que pose J.-L. Fabiani : « La grammaire est-elle uniquement adaptée aux situations pacifiques ? », je répondrai donc sans hésitation par la négative. Non seulement l’approche grammaticale de l’action se révèle parfaitement équipée pour étudier les moments de la vie sociale où s’exercent des rapports d’assujettissement et/ou un usage de la violence physique, mais encore, elle tend à faire ressortir une caractéristique centrale de ce type de situations, à savoir leur lien constitutif avec une grammaire bien particulière : celle du réalisme. C’est seulement, en effet, lorsque domine ce type de grammaire que violence physique et techniques de pouvoir tendent à se manifester, soit que leur survenue concourt à instaurer ou à maintenir le réalisme comme dominante de l’action collective (c’est particulièrement le cas des techniques de pouvoir), soit qu’elle contribue, au contraire, à le remettre en cause par le biais d’expressions libératrices (comme, par exemple, dans le cas d’un geste de rébellion violente)...


Texte intégral: file:///C:/Users/USUARIO/Downloads/ANNA_656_1457.pdf
"Le pari de l'universel".