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La pensée molle.

Tags: nous

Je pourrais me révolter encore ici et maintenant contre toute cette haine, être en colère face à tant d'injustice, crier la révolte et l'incompréhensionn qui m'animent. Mais ce n'est pas l'objet des propos qui vont suivre (et ça ne veut pas dire que je ne suis pas touchée, bouleversée, révoltée, bien sur).

Ma question aujourd'hui est toute autre, bien que centrée aussi, indirectement sur les faits récents : quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi rumeurs en tout genre sont aujourd'hui relayées par tous, y compris les médias eux-mêmes et le rectorat de Strasbourg (qui diffuse par mails des hoax du type "nous sommes tous Paris") ? Pourquoi fleurissent sur nos profils des articles de plusieurs mois, voire années, sortis de leur contexte ? Pourquoi l'on utilise à tort et à travers les images et l'émotion comme des armes de désinformation massive ? Et pourquoi, au XXIeme siècle, alors qu'on n'a jamais eu accès à une telle masse d'information, s'entête-t-on, par paresse, par bêtise ou par perversion à baigner dans un tel obscurantisme ? Je ne condamne rien, je questionne, sérieusement...

Mon quotidien professionnel repose sur des objectifs concrets :  développer la curiosité des étudiants dans le sens d’une culture générale ouverte sur les problèmes du monde contemporain (questions de société, de politique, d’éthique, d’esthétique) & développer le sens de la réflexion (précision des informations et des arguments, respect de la pensée d’autrui, formation à l’expression d’un jugement personnel). Comme disait l'un de mes formateurs il y a plus de dix ans, notre rôle est de "fabriquer la tête" des élèves. Il entendait par là que nous avions la responsabilité de leur apprendre à réfléchir par eux-mêmes, à se servir de leur cerveau comme d'un outil et non d'une éponge. Pour moi, un étudiant qui a réussi est celui qui sait penser, qui sait se forger une opinion (même si elle n'est pas la mienne, justement et surtout si elle n'est pas la mienne, ce qui voudrait dire qu'il auara su s'opposer à moi et trouver son idée) et qui saura s'appuyer sur des faits concrets, qui saura se justifier, qui saura faire ses choix d'adulte dans une monde qu'il "comprend"...

Il me semble donc incroyable, effrayant de constater aujourd'hui une telle passivité face à une situation si grave. C'est en ce moment précisément que nous nous devons d'être vigilants. Mais l'information aujourd'hui se consomme comme n'importe quel produit de base. Elle se fond dans les mécanismes obscures du marketing, on nous la vend comme un paquet de cacahuètes ou une eau de toilette. Elle est à la fois objet de consommation, de divertissement, de culte. Elle est pourtant au coeur de nos sociétés, omniprésente, sans que l'on sache réellement la respecter et la comprendre. Et elle peut devenir, si l'on n'y prête pas attention, celle qui se retourne contre nous : manipulation, censure, propagande.

Notre sensibilité nous pousse aujourd'hui à panser nos plaies avec le partage. Des vagues d'émotions déferlent sur l'information (des présentateurs qui versent des larmes en rendant hommage à des collaborateurs tués, des images sur des bandes son de violons et de piano, des témoignages de rescapés), ce qui est normal et sain. Nous avons besoin de cette catharsis. Mais cela ne nous dispense pas de réfléchir. Or aujourd'hui, On se retrouve à "partager" en un clic lent, lâche, facile. On diffuse, sans le réaliser, on partage, sans l'avoir mesurer. On se retrouve maillon d'une chaîne informative fragile. On mélange, on dilue, on mixe tous ces bons sentiments avec la peur. On en fait un blougi boulga indigeste d'information populaire indigeste. Internet devient cette entité, qui réagit et qui "pense" d'une seule et même voix, d'un seul et même clic. Tout cela, ce mécanisme de la pensée molle est facilité voire renforcé par des idées préchiées par des partis extrémistes qui diffusent leur bouillie, par la simplification des faits, la manipulation des contextes, le vecteur "peur", idées tellement évidentes à relayer pour qui ne les "mastique" pas, ne les digère pas, ne les compare pas, ne les confronte pas , aux faits, à sa pensée, à celles des autres. On gobe, on picore des titres formatés, les yeux fermés, aveugles.

Comment accepter qu'aujourd'hui nous véhiculions ainsi l'erreur, la rumeur, la bêtise, tel que nous l'aurions il y a des siècles, incultes et illettrés sur des places de marché  ? Aujourd'hui, tous les outils sont à notre disposition, écrans démocratrisés, nouvelles accessibles en temps réel au point d'en devenir envahissantes parfois ?

Je veux cependant terminer cette réflexion avec de l'espoir. Parce que oui, au-delà de toute cette force bête qui semble surgir dans les commentaires des articles de presse, dans les lignes de nos statuts, dans le choix de nos images, il y a de la joie, du rire, de l'envie, de la lumière. J'ai du mal à croire que cette unité qu'on nous présente aujourd'hui comme une solution, une force, puisse ne pas s'éssouffler. Mais il y a bien sur, une force libre, réfléchie, multiple et active, celle qui ne se mettra pas à genoux, celle qui intelligement saura avancer, contrer et vivre (à tous les niveaux, de toutes les façons), celle qui sait penser face à tant de bêtise. Je rêve d'une société qui saurait réagir d'un même cri dissonant, dans lequel on entendrait l'idée réfléchie de chacun, lumineuse.

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