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GUSTAVE WHITEHEAD A-T-IL VOLÉ? Conférence à l’Aéro-Club de France

Same article in English – Click here, please.

Paris, Lundi 2 décembre 2019 à 18h20

C’est la première fois que je me rends à l’Aéro-Club de France. La nuit vient de tomber et Paris brille de tous ses feux. Je peux voir, juste avant d’arriver, l’Arc de triomphe et la Tour Eiffel toute illuminée. L’Aéro-Club de France a de quoi impressionner aussi avec son immense hélice ornant sa façade. Je découvre cet hôtel particulier dont l’intérieur ressemble à un château. On sent tout de suite que ce site a en quelque sorte une âme. Ses cadres magnifiques témoignent d’un riche passé aéronautique. L’Aéro-Club de France est le temple de l’aviation, du moins en France, et son histoire a vu passer les plus grands noms. Ader, Santos-Dumont, Deutsch et Archdeacon, Blériot, Garros, Bréguet, Lindbergh, Mermoz, Dassault, Maunoury, pour ne citer qu’eux. Car il faudrait ajouter les spationautes et astronautes et tant d’autres grandes figures de l’aéronautique et de l’espace. C’est un lieu mythique pour les aviateurs et passionnés d’aéronautique et d’espace. Je teste le projecteur et les courts extraits que je vais passer notamment du film Who flew first et des archives du FFGW. Je tiens à remercier chaleureusement le réalisateur Tilman Remme et la productrice Karen Williams en Australie de Artemis International qui m’ont autorisé, par l’intervention de Karl Heigold, à projeter ces extraits. Un grand merci également au FFGW pour leur aide (bande annonce ci-dessous).

Extraits du film Who flew first de Tilman Remme et Karen Williams – Artemis International

Conférence Gustave Whitehead – 19h30

– Le hall de l’Aéro-Club de France paré de ses décorations de Noël

51 visiteurs sont dans la salle pour tenter de comprendre cette histoire surprenante de Gustave Whitehead, cet inventeur génial qui aurait volé avant les frères Wright. Soudain tout s’accélère et Jean-Claude Bourdeaud’hui me fait un briefing. Les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Tout est prêt. La salle est pleine à craquer car il a fallu rajouter des chaises et je me fraye un chemin dans l’allée centrale bien étroite tant il y a de monde. Jean-Claude me rejoint pour annoncer le début de la conférence. Il me demande pourquoi je suis autant passionné d’aviation. Je réponds que depuis tout petit je m’émerveille à regarder des avions évoluer dans l’air. C’est le cœur qui parle et je crois que c’est toujours ce que je ressens aujourd’hui. La conférence peut commencer.

Deux pionniers de l’aviation épatants mais peu connus

Nous commençons par un prélude un peu hors sujet mais ô combien important. Il s’agit de sensibiliser l’assistance à des découvertes récentes que deux de mes amis ont faites. Le but de ce prélude est qu’on puisse les contacter plus facilement pour approfondir les recherches. Le Docteur Raymond Piccoli, qui dirige le Laboratoire de la foudre, a découvert dans les archives familiales des plans de toute beauté d’une merveille de brevet. Il s’agit d’un hydroaéroplane mixte de Charles Marcois équipé d’un train d’atterrissage. Ce train est très spécial car il comporte un flotteur et des roues, mais surtout il est rétractable. Le brevet datant de 1912, ce ne serait pas le premier train rétractable car l’Allemand Wiencziers en avait produit un dès 1911. La même année, l’Américain Glenn Curtiss avait fait un train d’atterrissage rétractable. Les plans du Français Charles Marcois sont d’une grande finesse, tracés sur un papier blanc superbe, d’un aspect textile, et gaufré pour le sceau du brevet ratifié à Bruxelles. Ce système mixte est si particulier qu’il pourrait en soi être une première mondiale. L’assistance contemple les vues du Marcois mais personne n’en avait entendu parler. Pendant ce temps-là, je fais passer dans les rangs des livres concernant le sujet de la conférence comme Gustave Whitehead: First in flight de Susan O’Dwyer Brinchman, M.Ed, History by contract de William J. O’Dwyer et Stella Randolph, Mes 10 000 cerfs-volants de Gabriel Voisin, et enfin Une autre histoire de l’aviation. Je projette ensuite quelques documents trouvés par Patrick Saletes de l’Atelier Malicot à Sablé-sur-Sarthe. Il s’agit de clichés de vieux documents des inventions du pionnier de l’aviation Marcel Leyat. Il était plus connu pour son Hélica, une automobile propulsée par hélice et exposée au CNAM. Sa production dans l’aéronautique était aussi riche qu’étonnante avec entre autres un aéroplane “incapotable” et les plans d’un bombardier d’avant-garde. Pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez me joindre sur la page contact pour que je puisse vous mettre en relation avec ces collectionneurs.

Gustave Whitehead et ses “Trois mousquetaires”

Comme vous le savez, Les trois mousquetaires étaient en fait quatre. Justement, nous sommes quatre passionnés qui échangeons depuis quelques années au-delà des frontières pour faire reconnaître le cas de Gustave Whitehead.

Susan O’Dwyer Brinchman, M. Ed – gustavewhitehead.info

Susan Brinchman, ou plus précisément Susan O’Dwyer Brinchman, M. Ed, est la plus expérimentée d’entre nous dès qu’il s’agit de retrouver la trace des évènements concernant Gustave Whitehead. Elle cherche et enquête depuis 1963 sur l’énigme du relatif anonymat de Gustave Whitehead. Elle est la dernière personne vivante à avoir rencontré tous les témoins oculaires des vols de Whitehead. En fait, elle a longtemps accompagné son père William J. O’Dwyer pendant ses recherches. Il était Commandant d’active comme instructeur pilote puis dans la réserve de l’USAF. Après avoir découvert des photos de Whitehead en 1963, il a réussi à découvrir le contrat signé entre la Smithsonian Institution et les héritiers d’Orville Wright. Ce contrat est toujours en vigueur et stipule que la Smithsonian ne devra reconnaître aucun autre vol d’aérodyne motorisé, antérieur à celui des frères Wright le 17 décembre 1903. En échange, la Smithsonian a pu acquérir pour un dollar symbolique le Flyer I. Avec son père, Susan Brinchman a découvert des centaines d’articles. Son père a même légué six mètres de ses dossiers sur Whitehead au musée de Fairfield, Connecticut. C’est dire l’ampleur des découvertes sur ces 56 dernières années. Susan a publié Gustave Whitehead: First in Flight en 2015. Il est en dédicace sur son site qui rassemble une foule d’informations sur Gustave Whitehead. Les analyses méticuleuses que Susan Brinchman a rédigées sur ce site, ainsi que son expérience sur le sujet, en font la source la plus fiable au monde concernant Gustave Whitehead (Gustav Weisskopf). Sans les découvertes de la famille O’Dwyer Brinchman, nous ne saurions que ce que Stella Randolph nous a laissé dans ses livres.

Karl HEIGOLD and Gustav Weisskopf Nummer 21 B – AERO Friedrichshafen

Karl Heigold est un atout capital pour notre équipe car il est chargé du développement au FFGW (Flughistorische Forschungsgemeinschaft Gustav Weisskopf – la société de recherche sur les vols de Gustav Weisskopf, Gustave Whitehead.) Il a longtemps été pilote. Il a travaillé 20 ans au Canada et parle parfaitement anglais. Il est au courant de tout ce qui se passe concernant Weisskopf (Whitehead) en Allemagne car il est sur place au musée de Leutershausen. Il est l’unique germanophone de notre équipe. Comme Gustave whitehead (Gustav Weisskopf) était Allemand, Karl nous est d’un grand secours. Ses conseils sont toujours très bien avisés. Si nous n’avions pas son point de vue, nous passerions à côté de nombreuses subtilités de l’histoire de Gustave Whitehead.

Le chercheur Charles Lautier arborant le T-shirt Whitehead 1901 – Connecticut

En ce moment, c’est Charles Lautier qui est notre plus précieux chercheur. Il a trouvé plus de 60 articles concernant Gustave Whitehead depuis 2014. Il est le seul de notre équipe à être sur place dans le Connecticut car il vit près de Bridgeport et Fairfield. Ces lieux furent ceux où on recense la plupart des activités aéronautiques de Gustave Whitehead. Charles a de solides connaissances sur l’histoire de l’aviation car il a grandi près de la base de Biggin Hill. Il a aussi été ingénieur motoriste chez AVCO et Lycoming. Ses recherches et son expérience font que ses observations sont toujours pertinentes.

Enfin je me présente et j’indique que la France semble donner des pistes intéressantes, menant vers l’inventeur Whitehead. J’insiste sur le fait que sans mes trois amis, je n’aurais certainement pas pu comprendre l’histoire de Gustave Whitehad qui est on ne peut plus complexe. Nous avons échangé des centaines d’emails sur le cas de Gustave Whitehead. Nous avons échangé peut-être davantage de documents, venant surtout de Susan Brinchman et plus récemment de Charles Lautier et Karl Heigold. Nous n’avons pas encore tous étudié la totalité des documents tant il y en a. Nous avons pensé démarrer une association ou une fondation mais notre statut libre de toute contrainte nous sied à merveilles, pour l’instant. Il y a quelques autres contributeurs dont je vais parler ensuite. Je remercie sincèrement Jean-Yves Lorant, auteur de livres sur l’histoire de l’aviation allemande. Il m’a fait connaître Gustave Whitehead lors de recherches au château de Vincennes début 2015.

Introduction de la conférence sur Gustave Whitehead à l’Aéro-Club de France le lundi 2 décembre 2019

Gustave Whitehead – Une enfance malheureuse suivie d’un destin fabuleux

Gustav Weisskopf – Gustave Whitehead, thanks to FFGW and Karl Heigold – www.weisskopf.de

Pour bien comprendre le destin de Gustave Whitehead, il faut remonter à son enfance. Il voit le jour le premier janvier 1874 à Leutershausen en Bavière du nord, en Franconie.

Tout petit il s’intéresse au vol des oiseaux. Il arrive même à convaincre sa grand-mère de lui confectionner une sorte de combinaison volante (wingsuit) pour tenter un hypothétique vol humain. En octobre 1886, le petit Gustav a 12 ans. Sa mère vient d’accoucher d’un sixième enfant. Cela s’est mal passé. Elle décède dans les bras de son fils Gustav. La tragédie tourne au cauchemar lorsque quatre mois plus tard, en février 1887, son père s’éteint suite à une affection pulmonaire. Gustav a 13 ans. On peut imaginer la douleur atroce, écrasante, de ces lourdes pertes pour l’adolescent. Il part presque aussitôt travailler dans les usines du fameux Rudolph Diesel à Augsbourg. Très vite, Gustav veut tout apprendre des moteurs. L’alimentation, le refroidissement, les carburants, les alliages, les mécanismes et les pannes. Il montre une assiduité exceptionnelle au travail. C’est une constante qu’il gardera tout au long de sa vie. Il deviendra un homme, un ouvrier, un inventeur, un pionnier, qui travaillera nuit et jour, comme pour expurger l’horreur de son destin familial si tragique. (Merci pour la photo de Gustav Weisskopf grâce au FFGW et Karl Heigold www.weisskopf.de)

Au bon endroit, au bon moment

Pendant la conférence, j’insiste sur le fait que les relations de Gustave Whitehead ont certainement beaucoup joué dans son œuvre. Que cela soit par le fruit du hasard ou de sa propre volonté, Whitehead va faire des rencontres déterminantes tout au long de son existence, du moins jusqu’à 1901. De même, il va se trouver dans des endroits propices à l’innovation aéronautique. En fait, les meilleurs endroits possibles. D’abord apprenti chez Diesel, il va apprendre la technologie des moteurs et de la métallurgie. Marin, il va pouvoir observer l’effet du vent, et les oiseaux voiliers (qui n’ont pas toujours besoin de battre des ailes pour voler.) Immigré allemand en Amérique dès la fin du XIXe siècle, il va se retrouver à Boston, où il va rencontrer les plus grands noms de l’aéronautique. Il va même avoir la chance de travailler avec eux en entrant à la BAS (Boston Aeronautical Society). Il va rencontrer l’Australien Hargrave dont les cerfs-volants sont à la pointe du progrès. En travaillant sur ses cerfs-volants à la BAS, il va recevoir les premiers enseignements du vol captif des plus lourds que l’air. Chanute va jusqu’à lui financer son premier projet de planeur. Octave Chanute qui est alors un des meilleurs ingénieurs aux États-Unis, sera stupéfait des progrès de Whitehead. Il rencontrera même Lilienthal avec lequel il va pouvoir apprendre de ses voilures et essais de vol plané. D’autres grands noms comme Langley, Phillips et Maxim viennent à la même époque à Boston pour travailler avec la BAS. Il n’est donc pas étonnant que Gustave Whitehead puisse réaliser ensuite autant d’inventions volantes. Il a sans doute étudié les travaux de d’Esterno et Mouillard en échangeant avec Octave Chanute qui partage volontiers son savoir immense. Bref, en cette fin de XIXe siècle, Gustave Whitehead a tous les ingrédients et toutes les conditions pour devenir un pionnier de l’aviation.

Étude aérodynamique des machines volantes de Gustave Whitehead à l’Aéro-Club de France

De nombreux pionniers avant les Wright

Depuis deux ou trois décennies, l’histoire de l’aviation a tendance à vouloir tout gommer de ce qui a précédé décembre 1903. Or, d’autres pionniers avaient déjà mené de nombreux travaux sur les aérodynes. Il est regrettable qu’on oublie trop souvent ces valeureux aviateurs. J’ai cité plusieurs noms mais j’aurais pu en citer une vingtaine. Ces pionniers, inventeurs, casse-cous, avaient déjà découvert, ou dessiné, ou projeté, voire conçu, le gauchissement de l’aile, ou les commandes de vol qui permettaient un vol contrôlé. Parmi eux le comte d’Esterno qui avait très clairement observé, dès 1863 et même avant, l’inclinaison des ailes qu’il considère déterminante dans le virage. Penaud avait déjà projeté et dessiné des commandes de vol… électriques! (Non, vous ne rêvez pas!) L’Américain Octave Chanute avait appris du Français Mouillard l’importance du gauchissement de l’aile. L’Anglais Cayley aussi avait pratiquement tout énoncé du vol contrôlé. Pendant la conférence, Dénys Karakaya mentionne fort à propos la différence de vitesse des moteurs imaginée par Ader pour diriger une machine volante. C’est une technique que Whitehead affectait aussi aux virages. D’une certaine façon, l’histoire des débuts de l’aviation est une source d’inspiration pour les ingénieurs, voire pour les situations d’urgence car on est amené à explorer les limites de l’enveloppe de vol. Par exemple, le plan canard a refait son apparition dans les années 1980. Autre exemple, certains pilotes ont pu en dernier recours diriger leur appareil en ajustant les vitesses des moteurs. Comme quoi, il est possible de tourner en pivotant autour de l’axe de lacet (bien sûr, ce n’est pas ce que l’on enseigne en école de pilotage, et heureusement). Pour preuve, Ferber prenait des virages en actionnant des volets latéraux en forme de triangle pour pivoter autour de l’axe de lacet. Malheureusement, l’assertion que les Wright auraient inventé l’aviation a si souvent été brandie comme un point de repère, un étalon, que maintenant tout le monde l’admet, oblitérant la partie sans doute la plus intéressante de l’histoire de l’aviation. On ne le dira jamais assez: il y a beaucoup d’autres pionniers qui ont exploré les commandes de vol des plus-lourds-que-l’air avant 1903.

Whitehead, un motoriste hors pair:

Gustave Whitehead et un moteur équipé de barbules de refroidissement – Thanks to Susan Brinchman, M. Ed

Gustave Whitehead ne laisse rien au hasard. Comme le montrent les livres Gustave Whitehead: First in flight et History by contract, le pionnier de l’aviation étudie avec soin les hélices disponibles de l’époque. Il connaît les défauts et qualités de chacune. Avec tous ses contacts dans le monde de l’aéronautique, il doit en savoir beaucoup sur les surfaces alaires et profils d’ailes. Bien avant Léon Levavasseur, l’atout majeur de Whitehead est son expertise dans l’ingénierie des moteurs légers, si utiles pour les ballons dirigeables et autres machines volantes. Cela restera par la suite son point fort car Chanute lui-même recommanda les moteurs Whitehead aux frères Wright. On trouve ensuite des traces de ses travaux dans des archives. Elles indiquent régulièrement que les moteurs Whitehead sont recherchés des aéronautes et pionniers de l’aviation. Je ne vais pas tous les énumérer ici, mais il est clair que Gustave Whitehead a sans doute été le meilleur en la matière pendant quelques années. Le public peut donc admirer les créations motoristes qui étonnent par leur diversité: moteurs à essence, moteurs à vapeur, moteurs à kérosène, moteurs à poudre, moteurs à acétylène (très puissants mais dangereux), moteurs diesel. Enfin, il aurait même mis au point des moteurs avec des mélanges dont lui seul aurait le secret. Whitehead connaît toutes sortes de techniques pour le refroidissement. Aussi, il choisit avec grand soin les fonderies auxquelles il adresse ses commandes. Il veut les meilleurs alliages pour le meilleur emploi. On relève parfois dans les archives un étrange moteur à “air liquide” aussi. Bref, sur une période de quelques années, étant donné les performances et les poids de certains de ses moteurs, Whitehead a peut-être bien été le meilleur motoriste au monde en ce qui concerne les moteurs d’avion.

Paul Jackson confirme sa position sur Gustave Whitehead:

C’est un moment fort de la soirée: suite à une correspondance avec Paul Jackson, Fellow FRAeS (le plus haut grade de la Royal Aeronautical Society), le rédacteur-en-chef de Jane’s all the world’s aircraft (JAWA), je communique au public la position de cet expert réputé de l’histoire de l’aéronautique. Elle est claire et précise. Paul Jackson confirme et soutient que Gustave Whitehead fut vraisemblablement le premier à avoir accompli un vol contrôlé sur aérodyne. C’est une annonce importante car certains médias interprètent parfois ses propos comme une sorte de désaveu, mais cette récente confirmation prouve qu’il n’en est rien. D’autre part, Jane’s ne reconnaît nulle part la primauté du vol des frères Wright. Cela va à l’encontre de ce qui est généralement admis, mais Jane’s est une institution centenaire qui a bâti sa réputation sur le sérieux de son travail. Jane’s publie son encyclopédie renommée qui est tout de même plus que centenaire. L’institution Smithsonian n’est pas de cet avis, mais cela ne change rien. La position ferme de Paul Jackson est suffisamment sérieuse pour retenir l’attention.

Interview avec Paul Jackson – Rédacteur en chef de Jane’s All the World’s Aircraft – IHS Markit

L’affaire Whitehead-Wright, un volcan en sommeil:

C’est surtout vers la fin de la conférence que je démontre vraiment tout le talent de Gustave Whitehead. Grâce à des images et des parties de texte des livres Gustave Whitehead: First in flight de Susan Brinchman, M. Ed, et de son père le Commandant William J. O’Dwyer, co-auteur avec Stella Randolph de History by contract. Je ne m’appesantis pas trop sur tous les conflits qui jalonnent l’histoire de Whitehead car il aurait fallu rajouter deux heures. Toutefois, je ne peux pas faire l’impasse, sur son sponsor Linde, calamiteux, et sur cette fameuse affaire du contrat Wright-Smithsonian précédemment évoquée dans le paragraphe consacré à Susan Brinchman. William O’Dwyer a prouvé grâce à l’aide du Sénateur Lowell Weicker qu’il y a bien un contrat qui déforme objectivement la réalité historique du premier vol humain sur aérodyne.

1948 Wright-Smithsonian document

Voici ce qu’on peut trouver dans un des paragraphes de ce contrat. Lisez bien la traduction ci-dessous, c’est édifiant:

La Smithsonian Institution ou ses successeurs, ou tout musée ou autre agence, bureau ou installations administrés par la Smithsonian Institution ou ses successeurs pour les États-Unis d’Amérique, ne publieront ou ne permettront que l’on déclare ou que l’on affiche quoi que ce soit ayant rapport avec un avion, un modèle ou un dessin d’une date antérieure à l’Aéroplane Wright de 1903, revendiquant d’avoir effectué un vol contrôlé et motorisé en transportant un homme.

Vue du N°21 Condor de Gustave Whitehead, découverte en France par l’association Anciens Aérodromes (2A) parmi les films d’Alfred Carlier

C’est en silence et avec stupéfaction que l’assistance découvre ce texte qui a de quoi laisser incrédule. C’est une chose inimaginable que l’histoire puisse s’écrire sous contrat, surtout de cette façon. J’ajoute alors que ce contrat reste public depuis l’intervention en 1976 du Sénateur Lowell Weicker et du Commandant William J. O’Dwyer grâce à la loi américaine pour la liberté d’information. Ce n’est pas le seul texte qui a de quoi surprendre. En effet, je présente ensuite la teneur d’un communiqué du service d’information de l’ambassade des États-Unis en Allemagne en 1983. D’après le texte, on comprend clairement que l’ambassade des États-Unis reconnaissait la primauté du vol à Gustav Weisskopf. Mais s’il n’y avait que cela! Le Readers Digest, un des plus gros tirages dans le monde évoque aussi cette grande première de Gustave Whitehead dans un numéro publié en juillet 1945. C’est à la suite de cet article qu’Orville Wright rédige un pamphlet visant à décridibiliser l’œuvre de Gustave Whitehead. Paul Jackson publiera plus tard sa position sur ce sujet, en 2013. Ce sera un tremblement de terre dans la communauté des historiens car plusieurs grands médias évoquent ensuite cette redécouverte. Je dois dire après avoir lu et regardé, tous ces articles et vidéos, que les journalistes ont fait leur travail en toute impartialité. Peut-être que les spectateurs de cette soirée à l’Aéro-Club de France en sont toujours abasourdis. Toujours est-il que la Smithsonian continue de clamer la primauté du vol des frères Wright. Jusqu’à quand? L’histoire de Gustave Whitehead ressemble à un volcan jamais éteint qui entre parfois en éruption quand on s’y attend le moins. Plus récemment, c’est l’association Anciens Aérodromes (2A) qui découvre dans de vieux films d’Alfred Carlier une annonce assez intrigante publiée en France. Une image de l’aéroplane Numéro 21 de Gustave Whitehead y figure en évoquant un vol effectué le 25 septembre 1901. Après avoir communiqué ces informations à mes amis, Susan Brinchman s’est immédiatement rappelée de la foire d’Atlantic City car la date correspond à peu près à la présence de Whitehead lors de cette grande exposition. Il est surprenant de lire que des journalistes français en savaient beaucoup sur Whitehead. Nous travaillons toujours sur ce sujet. Vous trouverez les informations détaillées ici.

Reportage sur Gustave Whitehead avec Susan del Bianco, la famille Kusterer et Andrew Kosch (photo ci-dessous)

D’après les calculs, Whitehead aurait bien volé!

Andrew Kosch, professeur de sciences, qui a volé plusieurs fois sur une des répliques du #21 de Gustave Whitehead dans le Connecticut

Il fallait bien, en cette fin de conférence, apporter des arguments de poids pour convaincre. Charles, Karl et Susan sont à ce moment les seuls au courant. Je me lance alors dans une longue démonstration mathématique et physique concernant la navigabilité du Numéro 21 Condor de Whitehead. Je savais qu’il y aurait plusieurs ingénieurs en aéronautique dans l’assistance, des pilotes chevronnés, et je ne pouvais donc pas louper cet exercice. Je suis parti des éléments connus de la FFGW, grâce à Karl Heigold, concernant les répliques du Numéro 21 qui ont vraiment volé. Susan Brinchman m’avait aussi fourni de nombreux éléments concernant les répliques ayant volé au Canada et aux États-Unis. Charles Lautier, ancien motoriste, a apporté ses conseils aussi. Avec Susan, ils m’ont donné tous les chiffres disponibles concernant le #21 de Whitehead. Je dois remercier au passage Andrew Kosch qui nous a fourni des précisions sur ses essais de vol réussis sur une réplique du Numéro 21. Il est en photo ci-contre. Ce professeur qui enseigne les sciences dans le Connecticut n’a plus beaucoup de temps à nous accorder tant il travaille. Néanmoins, ils nous a donné de précieuses informations. Encore un grand merci à Andrew Kosch pour cela. Enfin, Karl Heigold a retrouvé tout un ensemble de chiffres plus précis sur les essais qui se sont produits en Allemagne. Ce fut un moment important car ces données ont permis de faire des calculs avec précision. En rassemblant tous ces éléments du puzzle, j’ai pu constituer une base pour me lancer dans un problème mathématique, long mais relativement simple. Il s’agissait de ne pas perdre le fil et je devais commenter et faire des rappels sur les éléments et formules énoncées. Au résultat, j’ai pu démontrer à l’assistance que le Numéro 21 de Gustave Whitehead avait très probablement volé, en tout cas les chiffres que nous avons de la structure le montrent après ces calculs. Sachant que le point fort de Whitehead était la motorisation des aéronefs, le doute n’a plus beaucoup de place dans cette démonstration. Je ne sais pas si Whitehead a volé car je n’étais pas né et ne l’ai pas vu de mes propres yeux. Cependant, la démonstration que je développe tient la route car je vois les personnes présentes qui acquiescent sur le raisonnement. Je souligne d’autre part que si le vol du Flyer des Wright n’était pas totalement impossible selon mes calculs, il avait des capacités de navigabilité aériennes très inférieures à celle du N° 21 de Whitehead. Chiffres à l’appui! Le tableau ci-dessous tiré du livre Une autre histoire de l’aviation donne un aperçu de quelques éléments. La démonstration complète qui demande encore des développements complémentaires sera rendue publique cette année, avec l’accord de notre équipe.

Extrait du livre Une autre histoire de l’aviation, page 254

Karl Jatho, lui aussi, aurait volé avant décembre 1903:

20h45, la conférence se termine après que je presse le pas tant j’avais d’informations à faire passer. J’avais prévenu: avec Whitehead, je ne pouvais faire passer que peut-être 20% de toute son histoire dans une seule conférence! C’est ensuite le temps des questions. Toutes intéressantes, une d’entre elles retient tout particulièrement mon attention. Jean Molveau m’interroge sur Jatho. Je ne comprends pas tout de suite ou je crois comprendre, car je croyais qu’il parlait de JATO (les fusées utilisées comme appoint pour le décollage). En effet, le journaliste a très bien fait. Je l’avais oublié cet autre Allemand! Il aurait vraisemblablement décollé plusieurs mois avant le premier vol du Flyer des Wright. Comme pour Gustav Weisskopf, les termes du contrat Wright-Smithsonian frappent également Karl Jatho d’anonymat. Nous sommes en 2020 et ce n’est plus acceptable. Si un professeur, ou un docteur ou un journaliste essaye un jour de vous vendre que Jatho était un charlot ou que Whitehead était un incapable, demandez-vous d’abord si le locuteur a des liens avec la Smithsonian. Car si Jatho a fait des “bonds”, il est tout de même difficile de nier qu’il ait pu décoller. Une chose est certaine: toutes les archives s’accordent à citer ces décollages à l’été 1903. Quant à Whitehead, il y a tellement d’arguments en sa faveur, une cinquantaine de témoins oculaires dont plusieurs sous serment, que ce n’est plus qu’une question de temps. De toute façon, la fable des frères Wright ne pourra pas durer indéfiniment. Il n’y a qu’à lire la position de Gabriel Voisin, un des plus grands constructeurs d’aéroplanes au monde. Pour préparer le terrain de la conférence, j’avais d’abord fait passer dans les rangs son livre Mes 10 000 cerfs-volants ouvert au chapitre XII auquel il a donné le titre “Un des plus grands bobards de l’histoire de l’aviation“, c’est dire. Mais de quoi s’agit-il? Il raconte, avec de nombreux arguments et témoignages, l’histoire de la méprise sur les vols des frères Wright. Gabriel Voisin ne nie pas tout en bloc. Cependant il mesure avec justesse ces performances car il sait très bien de quoi il parle. Il qualifie ces aérodynes de planeurs qu’on n’aurait pas suffisamment motorisés. Qui plus est, ces planeurs motorisés ne peuvent décoller que par une catapulte! En citant ces témoignages, et les longues absences incompréhensibles des Wright, il en conclut que leurs appareils n’étaient pas vraiment des aéroplanes. L’auteur américain Joe Bullmer démontre aussi que les fameuses photos du Flyer ne prouvent absolument rien de tangible. Jamais des commissaires n’ont constaté ou validé les vols de 1903. A l’inverse, des commissaires ont validé le vol d’Alberto Santos-Dumont le 23 octobre 1906. Ils ont également validé la première boucle du vol d’Henri Farman le 13 janvier 1908. Quelle est la date d’un premier vol officiel des frères Wright? On comprend d’autant mieux la position de Paul Taylor. Comment rester sérieux et crédible en reconnaissant la primauté du vol aux Wright? Si des milliers s’en accommodent, il n’est peut-être pas nécessaire ni souhaitable de persister dans la voie des Wright. De plus, si aucun commissaire n’a validé les vols de Whitehead, Susan Brinchman, M. Ed, et son père, le Commandant William J. O’Dwyer, ont tout de même réuni 50 témoignages dont la moitié sont des affidavits. Par conséquent, à partir de maintenant, surveillez bien le nom de Gustave Whitehead ou Gustav Weisskopf, ou l’affaire du contrat Wright-Smithsonian, car comme un “volcan” éteint, elle pourrait bien sortir une nouvelle fois de son sommeil un de ces jours.

Extrait du livre de Gabriel Voisin Mes 10000 cerfs-volants – Tout un chapitre est consacré aux premiers vols des frères Wright. Il y démontre pourquoi il peut les qualifier de bobards.

Fin de soirée mémorable

Musée de Gustave Whitehead à Leutershausen en Bavière – Thanks to FFGW and Karl Heigold – www.weisskopf.de

Jean-Claude Bourdeaud’hui clôt les débats et nous invite vers le vin d’honneur pour ter



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