Où l'on découvre qu'un grand réalisateur peut cacher un excellent chimiste.
Georges Méliès photographié vers 1890
En décembre 1895, Georges Méliès assiste à une séance test du cinématographe. Enthousiasmé, il veut l'acheter aux inventeurs du procédé, les frères Lumière. Devant leur refus catégorique, il se bricole sa propre caméra et débute ainsi l'exploration passionnée et créative des innombrables chemins ouverts par le cinéma. Car Méliès ne va pas suivre l’exemple des Lumière. Filmer le monde ne l’intéresse pas. Ce qu’il veut, c’est mettre son imagination en images pour faire rêver les spectateurs !
Prestidigitateur professionnel, il pense ses films comme des tours de magie… Autrement dit, il les "truque" avec les premiers effets spéciaux. C’est ainsi que dans Le Mélomane, le public médusé le voit se détacher la tête puis la propulser sur une partition de musique. Quel est son truc ?
Georges Méliès, Le Mélomane, 1903, détail du film (cliquez pour le voir en intégralité)
Georges Méliès, Le Mélomane, 1903, fragments 35 mm d'une copie safety
Une excellente maîtrise de la chimie cinématographique ! Couverte d’atomes d’argent et de bromure cristallisés (halogénures d’argent), la pellicule réagit à la lumière. Lorsque les atomes de bromure (ou plutôt les ions Br-) sont frappés par les particules de lumière (photons), un électron est arraché à chacun. Ces électrons libérés se regroupent dans un défaut du cristal, puis attirent les ions argent (Ag+), qui forment alors un dépôt métallique sur la pellicule.
L’image se crée ainsi en une multitude de points d’argent dont la densité dépend de la quantité de photons reçue. Plus un objet est sombre, moins il renvoie de photons. C’est là l’astuce de Méliès pour multiplier sa tête sur la partition. Lors du tournage, il place des morceaux de velours noir dans son décor, aux emplacements prévus pour les têtes. De cette façon, pendant qu’il filme la scène principale, les zones réservées aux six têtes-notes restent intactes.
Commence alors une succession de rembobinages méticuleusement minutés de la pellicule, afin de tourner individuellement chaque tête-note. Sur la caméra, un système de cache limite le passage de la lumière à la seule zone prévue pour la tête, pour ne pas surexposer le reste du film.
Facile ? Vraiment pas, car la pellicule exposée ne peut plus être corrigée. La moindre erreur oblige à recommencer toute la séquence, dont certaines demandent 7 passages du film dans la caméra. Méliès se souvenait donc de tout ce qu’il avait déjà filmé et gardait constamment un œil sur les repères placés dans son décor. Enfin, tant qu’il ne portait pas sa cagoule noire qui, pour donner l’illusion qu’il n’avait plus de tête, limitait grandement son champ de vision !
Georges Méliès, Un Homme de Têtes, 1898
En savoir plus
Pour aller sur la billetterie du Musée Méliès
Vous voulez découvrir tous les trucages de ce magicien du cinéma et de ses successeurs ? Le Musée Méliès embarque ses visiteurs dans une traversée de l’histoire du cinéma à travers ses techniques, des premiers appareils aux effets spéciaux.
Et pour aller plus loin, la Cinémathèque française propose un cycle de conférences organisé par le Conservatoire des techniques cinématographiques.
Ce rendez-vous régulier a pour vocation de découvrir et transmettre l'histoire technique du cinéma un vendredi par mois, lors d’une conférence assurée par des spécialistes du domaine.
Racontée en partenariat avec
Jeu concours
Que voit-on au-dessus du tracteur de cette photo ?
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