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J'arrête

Ça y est, la décision est prise, j'arrête ce foutu médicament qu'est le dasatinib.

Je vous résume l'histoire. Le dasatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase, un médicament qui cible spécifiquement le mode d'action de la leucémie qui me touche et qui empêche les cellules malades de se reproduire. C'est un médicament absolument révolutionnaire, qui a complètement changé le pronostic des malades atteint de la même maladie que moi (leucémie aiguë lymphoblastique.

J'ai reçu ce médicament avant la transplantation, puis j'ai été intégré à un protocole de recherche où l'on donne ce médicament après la transplantation pour voir s'il diminue le risque de rechute de la leucémie. Ce protocole spécifiait que je devais continuer à prendre ce médicament pendant 5 ans après la transplantation. Ce chiffre de 5 ans étant arbitraire et probablement du au fait qu'en général on considère les gens comme tirés d'affaire au bout de 5 ans.

J'ai donc pris, comme un bon petit soldat, ce médicament pendant plusieurs années. Au début, sans problème, puis les mois passant, j'ai commencé à avoir de plus en plus d'effets secondaires, en particulier des oedèmes, une fatigue chronique absolument terrible, et surtout des douleurs chroniques dans toutes les articulations et les muscles qui n'ont fait que s'amplifier au cours des années.

Durant l'année qui vient de s'écouler, je suis passé de 5mg de morphine par jour à plus de 100, pour vous donner une idée de l'escalade de la douleur, qui n'a fait que s'amplifier (bon il faut aussi prendre en compte que je suis devenu progressivement plus tolérant à la morphine). Je vais peut-être vous surprendre, mais je suis plus faible physiquement aujourd'hui que je ne l'étais l'année dernière le même jour: la douleur m'a sédentarisé, m'a empêcher de m’entraîner autant que je le faisais, j'ai grossi (bon j'ai de la marge hein, mais c'est la première fois de ma vie que je grossi), j'ai mal partout, je suis essoufflé, mes jambes me tuent...

Depuis quelques mois, les médecins essayent de me convaincre d'arrêter dasatinib avant la fin du protocole. Tout simplement parce que on ne sait absolument pas si c'est véritablement utile que je prenne ce médicament, et que je souffre peut-être pour rien. Mais je résiste: entre souffrir et le risque de rechute, je préfère souffrir: si jamais ce médicament à un pouvoir protecteur, je veux en profiter: mieux vaut cette existence de souffrance, où je suis malgré tout heureux, grâce notamment à l'amour de ma femme, le soutient de ma famille et de mes amis, ma passion pour l'écriture et la musique, et les chat, que de rechuter et de mourir.

J'ai tenu 1 an comme cela, cette existence de torture permanente. Avec en filigrane quelque chose que vous ne pouvez pas voir, qui est la lutte constante contre la dépendance à la morphine, l'équilibre précaire qu'il y a entre usage sain contre la douleur, et usage malsain du à la dépendance extrêmement forte. J'en suis parfois venu à souhaiter avoir mal pour pouvoir avoir plus de morphine, si vous arrivez à imaginer le paradoxe de ce genre de situation complètement merdique.

Pendant un an, j'ai pesé le pour et le contre: risque de rechute, contre douleur et sur-médication de l'autre coté.

Et puis samedi, nous avons participé à une marche contre la leucémie avec des amis. J'ai mis 1h30 pour finir mes 5km, complètement épuisé, ayant mal partout, ayant du mal à sourire tellement j'avais mal, me forçant à sourire à l'organisatrice qui me connait parce que cela fait 3 ans que nous participons, mais alors qu'au fond je souffrais le martyr.


Et puis le lendemain, je me suis retrouvé avec les jambes super gonflées, qui me faisaient un mal de chien. Je vous laisse vous rendre compte par vous même
notez l'espèce de pente abrupte au niveau de la marque de la chaussette...


Depuis quelques temps, j'avais pris la décision d’arrêter dasatinib. J'avais décidé d'arrêter le 1er mars, et puis le jour venu, je n'avais pas réussi à m'y résoudre. Et si la maladie revenait?

Mais dimanche, quand j'ai vu mes pieds défigurés, déformés par l’œdème, quand j'ai crié de douleur en enlevant mes chaussettes, j'ai décidé que j'en avais assez. J'ai enduré sagement, patiemment, pendant 2 ans. J'ai souffert tous les jours de ces deux dernières années comme vous n'imaginez probablement pas. Je me suis levé tous les matins en ayant des douleurs qui pour la plupart des gens sont du domaine de l'insupportable. J'ai souri tristement, un jour, alors que Celia s'était gravement blessée et qu'elle me disait qu'elle avait très mal... En lui disant que je comprenais, que pour moi c'était pareil mais tous les jours.

Mais c'est fini. J'en ai marre. J'arrête.

Depuis dimanche, j'ai arrêté le dasatinib. C'est l'heure de la renaissance.


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