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La loi des plaines, chapitre 2

Selon la Loi Des Plaines, Yahneequena était un adulte, mais du haut de ses 15 Révolutions (note, une année yahganite fait 400j terrestres), il était encore très jeune par rapport à ses camarades les plus expérimentés. Il savait que partir en éclaireur seul était une mauvaise idée, mais il ressentait le besoin de prouver à ses camarades qu'il n'était pas un lâche. Au cours de la dernière chasse, un kʉtsʉtoya l'avait chargé au lieu de suivre les rabatteurs et il était resté paralysé par la peur plutôt que de faire ce qui était attendu d'un chasseur, mettant du même coup tout le monde en danger. Il devait sa vie aux réflexes incroyablement rapides de son chef de guerre, Kanaretah [Chevauche les nuages] et depuis ce jour il avait l'impression que tout le monde pensait qu'il n'était pas plus courageux qu'un jeune chiot. Il se trompait, bien sûr: tout chasseur sain d'esprit savait à quel point cela pouvait être terrifiant lorsque une chose avec des crocs de la longueur de votre bras essayait de vous tuer. Depuis cet incident, ll voulait faire quelque chose qui montrerait clairement qu'il était aussi courageux que tout autre chasseur de la tribu. Alors, au lieu de réveiller son ami Kʉtsʉteka, il fit soigneusement le tour du camp, se cachant derrière les tipis, en attendant que sa mère soit endormie. Le fait que transgresser la loi des Plaines n'était peut-être pas la meilleure manière de prouver son courage ne lui traversa malheureusement pas l'esprit. Enfin, il vit sa mère piquer du nez, c'était maintenant ou jamais. Il sauta sur le dos de Wakaree et silencieusement, ils disparurent dans le crépuscule.

Yahneequena aimait la nuit, en dépit de ses nombreux dangers. Les bruits de la plaine étaient différents, étouffés, comme si tous les animaux faisaient de leur mieux pour ne pas se réveiller les uns les autres... Ce qui était probablement le cas. Les prédateurs rôdaient dans l'ombre, silencieux et patients, prêts à bondir sur un animal solitaire et négligent. Leurs proies étaient tout aussi silencieuses, faisant de leur mieux pour rester invisibles dans l'obscurité, toujours vigilantes. Chevaucher de nuit était bien plus dangereux que pendant la journée, pour des raisons évidentes. Il fallait être constamment en alerte, regarder où son cheval mettait les pieds afin d'éviter trous ou terriers tout en balayant la zone du regard afin de détecter les troupeaux de prédateurs qui pourraient être un danger pour la tribu ou tout signe d'un changement des conditions météorologiques qui pourrait présager d'une des redoutables tornades qui balayaient régulièrement les plaines. Mais sa tâche principale était encore plus importante: il devait essayer de repérer le moindre signe de la présence des ennemis mortels de l'humanité, les redoutables pʉetʉyai [lit. fantômes], que les gens de Gond appelaient Morlocks.


Yahnee réprima un frisson en pensant à l'ennemi juré des Tribus. Les chamans chantaient que dans un passé lointain, Tanasipʉetʉyai [le Roi Fantôme], le roi des mauvais esprits, devint jaloux des  Nʉmʉ. Dans sa colère et sa convoitise, il maudit une tribu d'un pays lointain et métamorphosa ses membres en bêtes sauvages, en monstres n'ayant plus que vaguement forme humaine. Alimentée par la rancœur et le dépit, Tanasipʉetʉyai inculqua aux misérables créatures une haine insensée des Nʉmʉ. Il les rendit plus forts, plus rapides et plus vicieux que tout autre prédateur. Puis, lorsque son abject forfait fut commis, il les envoya parcourir le monde et se reproduire dans les étendues sauvages avec un but insensé: dévorer les Nʉmʉ jusqu'au dernier, ainsi que tout autre être humain par la même occasion.


A cause des hordes affamées de morlocks sévissant dans les plaines, le devoir des scouts était d'une importance extrême: la vie même de dizaines de personnes en dépendait. Lorsqu'ils repéraient une horde, ils avertissaient la tribu puis quelques braves partaient mener les monstrueuses créatures sur une fausse piste tandis que les autres levaient le camp et s'enfuyaient dans la direction opposée. Les braves essayaient ensuite de tuer les pʉetʉyai s'ils pouvaient le faire sans danger pour leur vie, mais c'était rarement le cas, leur ennemi étant généralement beaucoup trop nombreux. Les Nʉmʉ étaient des guerriers et des chasseurs courageux, mais ils n'étaient pas stupides.


Yahnee adressa une prière aux esprits, leur demandant de la chance dans sa tâche. Heureusement, le Grand Esprit avait entendu les chants et les prières des Tribus anciennes, faisant cadeau de Dons merveilleux aux Nʉmʉ. Le jeune Yahneequena avait hérité de la fierté de sa lignée, le Don qui avait donné son nom à sa tribu: les Yeux de l'Aigle. Grâce à la faible lumière d'Epimʉa et d'Ebimʉa, les lunes rouges et bleues de Yaghan, il pouvait voir en pleine nuit aussi bien qu'en plein jour. Plus important encore, il pouvait voir étonnamment loin, de nombreuses fois plus loin qu'une personne normale. Ce Don était un véritable trésor pour la survie de sa troupe: elle lui permettait de détecter une horde de pʉetʉyai longtemps avant que les monstres ne l'aperçoivent. C'est pourquoi il avait osé y aller seul: il avait estimé que grâce à son Don, il ne mettait pas en péril la sécurité de son peuple. Il était un peu téméraire, mais pas complètement stupide.


Malgré le risque qu'il avait pris et la gravité de ses responsabilités, ce soir-là Yahneequena chevauchait le coeur empli de joie. Il était jeune et fier, il était heureux d'être en vie, heureux de respirer l'air pur et délicieux des plaines. Plus que tout, il était heureux de partager ce plaisir avec son cheval Wakaree. Le nom de son cheval était une plaisanterie: Wakaree était l'un des meilleurs étalons de la tribu, mais Yahnee aimait le taquiner et l'avait donc appelé «tortue». Wakaree était bien plus qu'un cheval: certains des destriers des tribus étaient également dotés de Dons et parmi eux Wakaree était une vraie merveille: il était en mesure de communiquer avec les humains par télépathie en leur envoyant les images qu'il formait dans son esprit de cheval. Il avait un langage simple qui consistait de quelques centaines de mots-images, mais c'était suffisant. Cela faisait de lui et de Yahnee quelque chose de plus qu'une simple monture et son cavalier: ils étaient aussi proches que des frères.


"Heureux, Wakaree?" dit Yahnee. «C'est une belle nuit, n'est ce pas? Fait attention où tu poses les sabots, mon ami, et espérons ne pas voir de sale pʉetʉyai, hein?"

"Heureux. Bon. Vent. Heureux. Galoper. Frère Yahnee. Heureux." dit le cheval, et Yahnee rit. L'image pour "Heureux" était en fait Wakaree en train de galoper avec Yahnee sur sa croupe et l'image pour «Bon» était un panier de pommes, un plaisir rare pour les chevaux des plaines. C'était en effet une bonne nuit.


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