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Barbe-Bleue de Bartók par Michael Powell


Michael Powell est un de mes cinéastes préférés. Épaté par tous ses films, je le considère l'équivalent anglais de Jean Renoir, à l'égal de Jacques Becker ou Jean Grémillon. J'ai écrit des articles sur Les chaussons rouges, Colonel Blimp et classé I Know Where I'm going parmi mes 20 films résonnants, mais j'aurais pu aussi bien m'étendre sur Peeping Tom (Le voyeur), Black Narcissus, A Matter of Life and Death, Le voleur de Bagdad, 49th Parallel, A Canterbury Tale, The Edge of the World et bien d'autres. Je croyais les avoir tous vus, lorsque je découvre que Powell a filmé l'unique opéra de Béla Bartók, en Allemagne, après le scandale de Peeping Tom, un diamant noir qui l'obligea à s'exiler. Plus tard Coppola lui offrira même de diriger les Studios Zoetrope et il épousera à la fin de sa vie Thelma Schoonmaker, monteuse notamment des films de Scorsese. Son autobiographie en deux tomes, Une vie dans le cinéma et Million Dollar Movie, est carrément sensationnelle.


Son adaptation du Château de Barbe Bleue est une merveille, rêve ou cauchemar en couleurs, c'est peu de le dire tant la couleur et l'abstraction des décors nous entraînent dans les profondeurs de deux névroses, Barbe-Bleue évidemment qui ne peut se détacher de ses précédentes femmes, et Judith, jalouse qui le forcera à ouvrir la septième porte, quitte à s'y condamner. Le livret original de Bela Balazs était en hongrois, mais la version interprétée par le baryton-basse Norman Foster (qui a produit le film) et la soprano Ana Raquel Satre (qui ressemble aux autres héroïnes de Powell) est chantée en allemand. Une seconde piste, forcément désynchronisée, peut s'écouter en anglais, et Powell a choisi de résumer plutôt que de tout traduire pour les sous-titres anglais. Je possédais une version vidéo récente de cet opéra d'une heure, qui figure parmi mes préférés également, mis en scène par Krzysztof Warlikowski avec John Relya et Ekaterina Gubanova sous la direction d'Esa-Pekka Salonen. Celle de Powell, tournée en 1964, bénéficie des décors néoprimitifs de Hein Heckroth qui avait réalisé, du temps des Archers où Powell cosignait tous ses films en duo avec Emeric Pressburger, ceux de Une question de vie ou de mort, Le narcisse noir, Les Chaussons rouges, The Small Back Room, The Elusive Pimpernel, Gone To Earth, Oh ! Rosalinda ! et les Contes d'Hoffman.


Or justement, Bertrand Tavernier, grand admirateur de Michael Powell, considère ce film réalisé pour la télévision allemande comme le lien manquant entre les Contes d'Hoffman et Peeping Tom. Pour lui "il combine l'incroyable inventivité visuelle, les décors surréalistes du premier et la rigueur morale, le ton péremptoire, inéluctable et pourtant profondément compatissant du second. Barbe-Bleue est le frère jumeau de Mark. Tous deux vivent dans un univers de mort et de désolation, hantés par les souvenirs terrifiants de leurs crimes et de leurs rêves brisés. Les fleurs et les nuages sont teintés de sang comme les images filmées par Karl Boehm ou les bandes magnétiques sur lesquelles il enregistrait les cris de ses victimes et ses propres cris d'effroi. Dans ce monde funèbre, les victimes semblent attendre leur destin ou le mettre en scène."
Ma seule réserve tient à la langue allemande qui fait perdre les intonations hongroises sur lesquelles Bartók appuie sa composition. Cela comptait énormément pour lui. Il voulait faire chanter la langue parlée, comme Debussy le fit avec Pelléas et Mélisande pour le français. Bernard Vitet travaillait ainsi lorsque nous composions des chansons. Il s'agissait d'augmenter légèrement les intervalles du parlé. J'ai toujours pensé que Demy et Legrand avait procédé également ainsi pour Les parapluies de Cherbourg...


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