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Des films sur le cinéma


Je suis toujours abonné aux Cahiers du Cinéma, et ce depuis 1972, mais je les lis souvent en retard pour me faire ma propre opinion avant de découvrir les élucubrations de leurs chroniqueurs dont je partage rarement l'analyse. Les articles de Télérama sont plus lisibles, mais ses journalistes n'évoquent que les sorties de la semaine et pour moi, comme avec les Cahiers, l'information prime sur la réflexion. Les suggestions et le regard cinéphilique de Jonathan Rosenbaum sur son blog anglophone sont souvent plus incitatifs à la découverte, de même que le picorage sur le site très fermé Karagarga me permet de composer mes propres festivals en choisissant un film qui, tel une pelote de laine, défile une suite en cascade. Comme me l'a enseigné Jean-André Fieschi je privilégie la voix des auteurs à celles des historiens et des journalistes. Lorsque j'étais élève à l'Idhec (ancêtre de la Femis) il me conseillait de livre un livre "de" plutôt qu'un livre "sur". Les entretiens sont donc ce que je trouve de plus précieux dans toutes ces publications. Enfin, dans mes propres articles je fais très attention de ne pas déflorer les films, de ne pas "spoiler" (divulgâcher), un exercice difficile.


En cette fin d'année l'éditeur Carlotta publie plusieurs Blu-Ray ou DVD sur le cinéma. Sur la lancée de la restauration des films de Wim Wenders (Paris Texas, Les ailes du désir, L'ami américain, la trilogie de la route : Alice dans les villes, Faux mouvement, Au fil du temps) apparaît Chambre 666, et sa suite 40 ans plus tard Chambre 999 réalisée par Lubna Playoust. Pendant le Festival de Cannes de 1982, Wenders pose la question de l'avenir du cinéma et de sa mort annoncée à seize cinéastes, et en 2022, la réalisatrice fait de même avec trente nouveaux. Les réponses des seconds m'ont paru plus intéressantes que la première fois où seul Antonioni était cohérent, sentiment partagé par Wenders avec le décalage. Il a pourtant réussi à convaincre Godard, Morrissey, Hellman, Fassbinder, Herzog, Kramer, Spielberg, etc. de se prêter au jeu. Les réactions récentes de Cronenberg, Gray, Farhadi, Winocour, Assayas, Sorrentino, Jaoui, Mungiu, Serra, Chokri, Östlund, Cogitore, Rohrwacher, etc. sont plus personnelles. J'en retiens surtout ce que j'avais expérimenté moi-même et que tous savent : plus gros est le budget plus les pressions de la production sont fortes. Or la plupart d'entre elles et d'entre eux valorisent la liberté de création. Il me semble pourtant que la question est mal posée, enfermant les cinéastes au lieu de les laisser exprimer ce qu'ils cherchent véritablement. Certains, parfaitement conscients du piège ou inconscients de ce qui pourrait s'y jouer, se mettent en scène ou esquissent quelques pas de danse. Les plus lucides comprennent qu'il est logique de bouger avec le temps et que VHS pour les premiers, numérique et plateformes pour les seconds, ce ne sont que de nouveaux outils qui permettent de faire autre chose ou simplement autrement.


Les trois parties de Hello Actors Studio d'Annie Tresgot (L'atelier des acteurs, Une solitude publique, Une communauté de travail), réalisé en 1987, sont riches d'enseignement. Paul Newman, Ellen Burstyn, Sydney Pollack, Shelley Winters, Arthur Penn, Gene Wilder, Eli Wallach et d'autres évoquent "la méthode", également dite Stanislavski, qui a renouvelé le jeu des acteurs américains depuis 1947. Comme celles et ceux qui ont été accepté/e/s après épreuve, on assiste à des cours passionnants. Ils sont gratuits, réservés aux seuls membres. Certains acteurs célèbres y viennent essuyer la critique, d'autres l'évitent soigneusement ! Annie Tresgot faisait partie du jury qui m'a permis d'entrer à l'Idhec en 1971 alors que je n'avais pas encore 18 ans ! Indirectement grâce à elle, j'y ai suivi les cours de direction d'acteurs de Jacques Rivette et Michael Lonsdale au cours de la seconde année de mes études.
Mais c'est La Direction d'acteur par Jean Renoir réalisé en 1968 par et avec Gisèle Braunberger qui m'a le plus marqué. J'avais évoqué ce court métrage dans Casting, le quatorzième chapitre de mon livre Le son sur l'image que je n'ai jamais terminé ! Ce petit film de 27 minutes très instructif figure dans un coffret DVD avec La chienne, On purge Bébé, Tire au flanc


Je cite, extrait de Casting : Jean Renoir [...] dirige la réalisatrice Gisèle Braunberger qui se prête au jeu. [...] Renoir dit utiliser la méthode à l’italienne, comme Molière et Jouvet. Il fait lire le texte comme si c’était l’annuaire du téléphone (Quel pouvait bien être son équivalent du temps de Molière ?), sans aucune intention dramatique, de la manière la plus neutre possible. Toute intention préalable ne produirait que poncifs et banalités. Donner le ton à la première lecture, c’est à coup sûr aboutir à un cliché. À force de répéter le texte, le ton vient tout seul, petit à petit, malgré soi, petits inflexions, gestes imperceptibles, c’est ainsi que naît un rôle… Évidemment, c’est un peu plus complexe, Renoir fait croire à ses acteurs que les idées émanent d’eux-mêmes alors qu’il les leur suggère très discrètement ! Il y a bien d’autres façons de travailler un texte. Gisèle Braunberger aurait souhaité faire le même travail avec Robert Bresson, dommage ! Stanislawski conseillait de ne pas jouer en pensant « je suis tel personnage… » mais en imaginant « si j’étais tel personnage… ». Les acteurs américains qui ont suivi les cours de l’Actor’s Studio s’investissent corps et âme. Certains réalisateurs miment tous les rôles, d’autres dirigent les acteurs pendant les prises avec des oreillettes camouflées ! Il existe mille manières de diriger des comédiens, cela dépend des directeurs comme des acteurs…


Le coffret Jeanne Moreau, cinéaste rassemble les trois films que Jeanne Moreau a réalisés, soit deux longs métrages de fiction, Lumière (1976) et L'adolescente (1979) que je n'ai pas encore vus, ainsi qu'un moyen métrage sur Lilian Gish (1983), comédienne américaine depuis ses débuts cinématographiques en 1913 avec D.W. Griffith jusqu'aux années 80 en passant par La nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton. Les deux comédiennes n'évoquent que la première partie de la carrière de Liliane Gish. C'est la naissance du cinéma. Évidemment très touchant et épatant. Le coffret abonde en suppléments. Pour l'émission Vive le cinéma ! Jacques Rozier filme Jeanne Moreau et Orson Welles dans le salon du Ritz lors d'un échange à bâtons rompus. Si le film avec Gish est en anglais, Welles parle français. À Cannes Jeanne Moreau interviewe Clint Eastwood, réalisateur et comédien comme Renoir, Welles ou Moreau. Le coffret est accompagné d'un livre inédit de 80 pages de Jean-Claude Moireau, illustré de nombreuses photographies.


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