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Anouk Grinberg, peintre de Mon cœur


Chère Anouk,

Je me permets de vous appeler par votre prénom, comme nous nous sommes brièvement croisés plusieurs fois autour d'autres prénoms, d'abord Michel grâce à Jean-André, puis Barbara où Simon avait appelé sa poupée de celui de ma fille Elsa, enfin Raymond et Dominique chez qui vous exposiez vos broderies. Les films, et même les pièces, ce n'était pas vous, mais les rôles que vous endossiez.
Or chaque matin je me réjouissais de contempler l'une de vos encres sur FaceBook. Et puis voilà que je découvre un recueil de vos bouleversantes images. Contrairement à mes habitudes je l'ai acheté de seconde main, comme s'il fallait qu'il ait vécu, que d'autres yeux aient caressé ces pages, ou, puisqu'un autre ou une autre ne voulait plus les voir, il me semblait juste de leur redonner vie. Je l'ai d'abord survolé, affolé d'autant d'émotions produites à chaque tourne. Je suis allé faire un peu de musique dans le studio. Cela avait à voir. J'y reviendrai. Quelques heures plus tard, je me suis allongé, conscient que je ne pourrais profiter de chaque dessin, peinture, broderie, qu'en en choisissant une seule à la fois. Mais j'ai tout lu. Mon insatiable appétit, et ma curiosité, transforment trop souvent le gourmet en gourmand. Ils coexistent. Nous sommes plusieurs. Ce survol a conforté la très forte impression ressentie devant mon petit écran. L'abîme crée le vertige. De reconnaître aussi mes propres gestes, la recherche infinie de l'innocence, la force de ne pas savoir, la nécessité d'inventer. Celles et ceux qui vous évoquent citent ceux qui m'ont fait. Certains du moins, qui me sont si chers. Goya, Hugo, Michaux, Vercors et tous les inconnus qui ont glissé leurs œuvres sous le lit de l'institution que les hébergeait.

Dans vos paroles je reconnais le besoin d'amateurisme, étymologiquement du verbe aimer, loin des calculs égoïstes de la profession. Tout ce qui vous anime me rappelle comment je ne fais que ce que je peux en musique. Cocteau critiquait ceux qui s'amusent sans arrière-pensée. Derrière notre tête se cache un coquin marionnettiste qui guide nos mains et canalise nos pensées rebelles. Personne n'en parle dans les beaux textes qui accompagnent vos œuvres, mais j'ai toujours été épaté par votre technique. Vous me répondrez peut-être que vous n'en avez pas. C'est justement. Quels que soient le support et les outils je suis sidéré par votre maîtrise. C'est probablement qu'on n'a pas le choix. Il faut le faire. Je ne peux m'empêcher de penser que si animisme vient de l'âme, tout vibre, que nous soyons animaux dénaturés ou d'autres bestioles, l'encre et le papier, comme l'air quand je joue. En vous regardant j'ai entendu plus d'une musique que j'avais enregistrée, ou sa cousine. Quelqu'un de la famille. De celle que l'on se crée.

Ainsi j'imagine que je pourrais m'inspirer de quelques unes de vos encres ou de vos pastels pour improviser, je les appelle des compositions instantanées, avec d'autres musiciennes et musiciens. C'est pour moi l'intérêt de la musique, car j'aime plus que tout le partage dans l'acte créatif comme dans le quotidien. C'est plus compliqué dans les arts plastiques ou en littérature. Le cinéma ou le théâtre peuvent s'y prêter également. Musiciens et comédiens sont les seuls à continuer à jouer, préservant leur part d'enfance. Je vous enverrai quelques témoignages sonores qui, j'espère, expliqueront mieux que ces lignes pourquoi j'ai eu envie de vous faire signe.

Un grand merci. Continuez comme ça !
Jean-Jacques

→ Anouk Grinberg, Mon cœur, Actes Sud, 55,90€


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