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Joe Dante filme l'enfer américain


J'allais republier mon article du 6 mai 2011 sur Panic sur Florida Beach (Matinee) de Joe Dante lorsque j'ai retrouvé deux autres articles, datés du 22 mai 2013 et du 5 décembre 2016, sur ce cinéaste (vraiment) indépendant américain, et particulièrement sur Piranhas et Les banlieusards...

Panic sur Florida Beach

Derrière son sens aigu du spectacle Joe Dante est un cinéaste éminemment politique. Je ne connaissais que ses Gremlins (1984), qui ne m'avaient pas emballé outre mesure, avant de suivre film à film la liste des comédies transgressives américaines de Jonathan Rosenbaum. Nous avions commencé par Innerspace (L'aventure intérieure, 1987) et La Seconde Guerre de Sécession (The Second Civil War, 1997) qui provoquèrent l'hilarité générale, saines séances où rire à gorge déployée vaut toutes les vitamines. Le second serait à projeter toutes affaires cessantes en ces périodes de haute manipulation médiatique avec interventions guerrières à la clef ! Le virus Dante nous ayant contaminés, nous avons continué avec Explorers (1985), Les banlieusards (The 'Burbs, 1989), Small Soldiers (1998) et Panic sur Florida Beach (Matinee), sans compter quelques unes de ses participations à des séries télévisées et films collectifs. Hors Gremlins, l'échec commercial relatif de ses films est parfaitement justifié par leur ton politiquement incorrect, car Dante est viscéralement un indépendant. Dans tous il aborde la paranoïa, la peur de l'autre et de l'inconnu engendrant la violence, en faisant basculer le récit dans l'absurde que les films de genre exacerbent. Leur humour se révèle le meilleur antidote au racisme et à l'intolérance.


Carlotta a l'excellente idée de publier le DVD de Matinee, en français Panic sur Florida Beach, un petit bijou d'humour ravageur sur la projection d'un film d'horreur dans une ville de Floride au moment où éclate la crise des missiles de Cuba en 1962. La fascination pour les monstres de série B trouve son explication dans la paranoïa nucléaire de l'anti-communisme d'alors. Cette comédie décapante dessine un portrait de l'Amérique, au travers de ses préjugés et ses phobies, mais fait également figure de parcours initiatique pour des adolescents découvrant l'amour en même temps que l'horreur. Film dans le film à plus d'un titre, Panic sur Florida Beach est aussi une réflexion sur la production cinématographique au travers du truculent John Goodman jouant le rôle du réalisateur invité à projeter son Mant! (L'homme-fourmi) (en Atomo-Vision et Rumble-Rama s'il-vous plaît, court-métrage présenté en bonus à côté d'une passionnante interview de Joe Dante) dans cette petite ville de Key West, juste en face de Cuba ! Les angles d'attaque sont si variés que le film représente un véritable kaléidoscope braqué sur l'époque. Panic sur Florida Beach n'est pas un film mineur, c'est une mine dont l'heure a sonné.

Piranhas, pamphlet mordant anti-US


Pour une fois, le bonus DVD d'un film me permet de me rafraîchir la mémoire sans avoir besoin de le revoir pour écrire ma chronique. Un an est passé depuis la projection de Piranhas (1978) qui nous avait fortement impressionnés, pas seulement pour son suspense gore, mais aussi pour sa charge politique contre le gouvernement américain et son humour noir. En général j'ai du mal avec les entretiens qui citent d'abondants extraits du film que l'on vient de regarder, aussi suis-je ravi d'écouter Joe Dante évoquer le tournage de son second long métrage dans la nouvelle édition publiée par Carlotta. Pour commencer, il rend évidemment hommage à son producteur, le prolifique Roger Corman qui donna leur chance à nombreux réalisateurs prometteurs tels Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Peter Bogdanovich ou Jonathan Demme.


Joe Dante préfère comparer Piranhas à un film de guerre plutôt qu'à Hitchcock, son scénario dénonçant en sous-main les méthodes des États Unis pendant la guerre du Vietnam, chimie criminelle et manipulations génétiques à la clef. Il est probable que personne n'oserait aujourd'hui aller aussi loin dans le "politiquement incorrect", particulièrement dans les scènes où quantité d'enfants se font dévorer par les vilains poissons mutants. Dante insiste d'ailleurs sur la responsabilité du lobby des armes dans la violence qui s'est multipliée dans son pays plutôt que celle que véhicule le cinématographe. Lointain pastiche des Dents de la mer, Piranhas est un film fascinant qui loin de se complaire dans une horreur confortable et spectaculaire dénonce la bêtise humaine avec un humour saignant et ravageur.

Les banlieusards


Après Body Double, L'année du Dragon, Little Big Man et Panique à Needle Park, l'éditeur Carlotta publie un cinquième coffret Ultra Collector consacré au film relativement méconnu de Joe Dante, The 'Burbs (Les banlieusards). Amateur de DVD ou Blu-Ray pour le confort qu'ils apportent lorsqu'on a la chance de posséder chez soi un grand écran, cinéphile suite à mes études de cinéma, j'apprécie les éditions dont les bonus apportent un réel plus au film. Cette fois nous sommes servis : plus que les cinq études analytiques passionnantes de Frank Lafond, Florent Christol, Vincent Baticle, Christian Lauliac et Fabien Gaffez figurant dans le livre de 200 Pages abondamment illustré, apportant quantité d'informations sur l'histoire, le satanisme, le décalage comique, la musique ou les acteurs, j'ai surtout été intéressé par le témoignage de Joe Dante, la copie de travail, la fin alternative, les archives promotionnelles, etc. qui accompagnent cette comédie fantastique réalisée en 1989 avec le jeune Tom Hanks, Bruce Dern, Carrie Fisher, superbement remasterisée.


Comme tous les films de Joe Dante depuis Piranhas, Les banlieusards insinue une critique virulente de la vie américaine. Imitant avec quelques années de retard les dégâts produits par et aux États Unis, nous pouvons malgré tout nous y projeter sans difficulté avec nos manies xénophobes et nos réactions muées par l'émotion qui étouffent la réflexion ! Je reconnais l'amicale complicité de nos voisins contre les horribles sorcières du fond de l'allée et certains replis communautaires caricaturaux. Rien d'étonnant à ce que les Américains ne soient pas fans des films de Dante qui leur en envoie chaque fois plein les gencives, comme récemment Braindead, la série de Michele et Robert King... On peut lui préférer Matinee (Panique sur Florida Beach), Innerspace (L'aventure intérieure), Small Soldiers, The Second Civil War ou les Gremlins, mais The 'Burbs a quelques atouts, à commencer par son décor. Car Mayfield Place deviendra quinze ans plus tard Wisteria Lane, la série Desperate Housewives se passant dans la même rue des studios Universal, une autre histoire de banlieusardes avec ses ragots et ses histoires sordides. Le film de Joe Dante est une comédie pleine d'allusions cinéphiliques et de ressorts comiques liés au cinéma d'épouvante, le film parfait d'un samedi soir.

→ Coffret Les banlieusards (The 'Burbs), coffret ultra collector limité à 2.000 exemplaires numérotés en Blu-ray + DVD + 1 DVD de Bonus + Livre, 49€ / le DVD ou Blu-Ray seul, 14€


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