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La barbe


C'est l'été. Je n'ai que ça à faire. Pas vraiment, mais les sorties sont plus rares ces derniers temps. Il pleut. Les amis partent en vacances. Le silence envahit la rue, si ce n'est quelques solos de batterie qui arrosent régulièrement les vitres. Je suis dans l'expectative. Et puis chez moi ça miaule et ça décibêle. Comme des moutons électriques. Peut-être ferai-je bientôt comme tout le monde, du moins ceux qui prennent la poudre d'escampette, mais j'ai peut-être un nouveau Pique-nique au labo la semaine prochaine. Alors, lorsque je ne m'occupe pas des prochaines sorties discographiques, un CD avec une vingtaine d'invités et un vinyle de rock déglingué avec le groupe Poudingue, lorsque je n'aménage pas la maison ou ne m'occupe pas des plantes du jardin qui me narguent à concourir à qui poussera le plus vite, sans compter écrire, toujours écrire, des mots, de la musique, des images, cela m'a semblé une idée amusante de me laisser pousser la barbe. J'y ai souvent pensé, parfois commencé, et puis je m'étais dégonflé. Cela ne prend pourtant pas de temps, au contraire on en gagne même un petit peu. Cette tâche quotidienne, répétitive, particulièrement rasante me semble enfin plus légère. Comme beaucoup de barbus, je tripote de temps en temps cette bande Velcro en poils noirs et blancs. C'est doux. Je joue. Comme lorsqu'enfant je me déguisais, ce que mon père appelait la chienlit. Paradoxalement je continue à me raser les joues, peut-être pour affirmer le geste qui n'a rien de négligé. En fait je reproduis explicitement la barbe que j'avais eue à vingt ans.


Fraîchement sorti de l'Idhec, j'étais allé demander du boulot à l'un des patrons de Gaumont. Il m'avait répondu que j'avais l'air d'avoir quinze ans et que personne ne me prendrait au sérieux. Cela lui rappelait ses débuts où il s'était laissé pousser la barbe pour faire plus vieux. Je suivis son conseil et me retrouvai à travailler sur des films de René Clément ou Jean Rollin ! J'attachais mes cheveux en catogan, ce que personne ne faisait encore. Ma passion pour Frank Zappa, dont j'écoute justement en ce moment le triple Funky Nothingness exhumé de 1970, y était aussi pour quelque chose. Sept ans plus tard, en 1981, je coupai mes cheveux, rasai ma barbe, cette fois pour me rajeunir ! En me regardant dans le miroir de la salle de bain, je sautai littéralement de joie. Je m'étais reconnu. Mes cheveux courts s'étaient étonnamment mis à friser, mais cela n'a pas duré. J'ai depuis laissé tranquille mon système pileux. De son côté il a pris ses aises en me gratifiant d'une petite tonsure. Entre temps, sur les conseils de mon ami Bernard, j'avais tout de même tenté de me teindre, mais j'ai vite abandonné, préférant assumer la nouvelle mue. En cherchant une photo des années 70, je me suis aperçu que je réalisais déjà des selfies. Les cheveux longs et la barbe sont aussi devenus à la mode. Je l'ai toujours fuie, mais à écouter ma musique ou regarder mes films je me demande si je ne devrais pas parfois essayer de m'en rapprocher ? J'en suis très probablement incapable, préférant l'inédit, les chemins de traverse et l'indépendance. Je fais donc une exception, c'est la barbe !


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