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Tardigrade et Yellow Horses d'Alexandre Saada


Il faut toujours remettre les choses à leur place, soit rectifier le tir en mettant le point sur les i. Un point c'est trou. Comme celui au centre du disque qui tourne. Même si côte à côte la paire fait masque, à condition de les extirper de leurs enveloppes en carton. Cela ne se voit pas sur mon image, mais cela peut éventuellement s'entendre. Car ma fille ce n'est pas l'usage, de les placer sur son visage... Mieux vaut les servir sur un plateau. On ne peut pourtant s'attendre ni à l'un, ni à l'autre, si jamais on connaissait les antécédents du pianiste. J'ai ici-même chroniqué son We Free, musique improvisée par la trentaine de musiciens/ciennes de The All Band, et les chansons engagées de Madeleine et Salomon que j'écoute régulièrement.
Donc, si Yellow Horses est un disque de chansons pop d'Alexandre Saada accompagné par Martial Bort à la guitare, Thomas Pegorier à la basse et Olivier Hestin à la batterie, Tardigrade est un duo improvisé avec le bandonéoniste Tristan Macé. En écoutant ces dix-sept miniatures où tardigrade est affublé de circonstances à la manière des albums de Martine et de fantaisies satistes (à la plage, dans l'espace, mange de la mousse, résiste à la pression, se déshydrate, dans le pédiluve, survit à tout, se reproduit, se réhydrate, mange son prochain, au Groenland, fait une très longue grasse matinée ou la cryptobiose de tardigrade, supertardigrade, la patience exemplaire de tarnigrade, les carences musculaires de tarnigrade), je ne peux m'empêcher de penser au travail de l'artiste russe Alexandra Dementieva qui il y a quelques années m'avait montré ses tardigrades. Ces minuscules bestioles (Tardigrada), parfois appelés oursons d'eau, peuvent survivre dans des environnements extrêmement hostiles (températures de −272° à +150 °C, des pressions jusqu'à 6 000 bar, sans eau ni nourriture, exposés aux rayonnements ultraviolets ou X, et au vide spatial). C'est dire si le disque de Saada et Macé lorgne une certaine éternité, malgré les aventures abracadabrantes qu'ils font subir à ces panarthropodes ! Y a-t-il un lien de causalité entre les titres et la musique ? Si on commence par là, que penser des Morceaux en forme de poire ou des Préludes flasques pour un chien ? Ce qui est certain, c'est le plaisir qu'ont ressenti les deux improvisateurs à tricoter leurs claviers à touches ou boutons. Saada a toujours ce jeu direct, sans ambages, et Macé en faisant souffler son instrument loin du tango lui octroie cette même franchise.
Avec Yellow Horses, si le jeu de piano d'Alexandre Saada se rapproche de ce que je connaissais de lui, la surprise vient évidemment de ses chansons. Il n'accompagne pas ici Clotilde Rullaud, ni Malia, ni Martha Reeves, puisqu'il s'y colle, paroles et musique, en anglais. La guitare saturée a le tranchant de ses habitudes, mais lui chante en demi-teintes. Pas facile à cerner quand ça frise le free alors que ça sent le rock. Je manque de références. Kevin Ayers ? Syd Barrett ? Nick Drake ? Arto Lindsay ? Au piano, Saada prend souvent le contrepied, il n'illustre jamais, il contrepointe. Yellow Horses est à la fois tendre et volontaire. Ce sont des histoires d'amour qui tournent mal, ou bien, des histoires de soi dans un monde qui tourne de moins en moins rond, un truc bancal juste ce qu'il faut pour que ça existe. On se laisse porter.


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