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[Interview] – Patrick Mbeko : « Il ne faut pas s’étonner de voir les richissimes frères Soriano faire main basse sur l’opposition congolaise »

Patrick Mbeko, au Théâtre de la Main d’or à Paris. (12/02/2017)

Patrick Mbeko ne laisse pas indifférent. Auteur de plusieurs ouvrages de géopolitique dont le denier est « Objectif Kadhafi », il ne laisse personne indiffèrent. Chacune de ces publications sur Facebook est sujet à débat. Dans cette interview accordé à Oeil d’Afrique, il décrypte l’actualité congolaise et n’hexite pas à insister sur les insuffisances manifestes en République Démocratique du Congo [RDC]

Oeil d’Afrique: Vous êtes un des observateurs de la politique congolaise qui a continuellement dénoncé les choix politiques du leader de l’opposition congolaise, Etienne Tshisekedi. Aujourd’hui décédé, qu’allez-vous retenir de son action politique ?

Patrick Mbeko : Je tiens, avant de répondre à cette question, à présenter mes condoléances les plus attristées à la famille biologique et politique de M. Étienne Tshisekedi. Pour ce qui est de son héritage politique, je retiens ses discours sur l’État de droit et la démocratie. À part ça, je ne vois pas grand-chose puisque sur le plan idéologique, je pense qu’il y avait un certain vide.

Que pensez-vous du qualificatif « Père de la Démocratie » congolaise attribué à Etienne Tshisekedi ?

Pour moi, il s’agit d’une absurdité. Reconnaître qu’il est le « Père de la démocratie » suppose qu’il y a une démocratie dans ce pays. Or lui-même qualifiait les régimes Kabila Père et fils de dictatoriaux. Sous Mobutu aussi, nous avions une dictature. Comment peut-on dans ces conditions qualifier un opposant qui n’a jamais pris le pouvoir de « Père de la démocratie » ? Ou on reconnaît que la RD Congo est une démocratie ou elle ne l’est pas. Les mots n’ont plus aucun sens dans ce pays.

Nous sommes un mois après la mort d’Etienne Tshisekedi, sa dépouille est toujours confinée en Belgique. L’UDPS et ses partisans exigent la construction d’un mausolée. Dans un de vos posts sur Facebook, vous avez parlé de « festivals de mausolées » dans les années à venir.

Je pense que dans cette affaire, l’UDPS a fait montre d’un amateurisme politique incroyable. Ce parti aurait dû simplement organiser les obsèques de Monsieur Tshisekedi dans la dignité et sans exiger quoi que ce soit de ce pouvoir qu’Étienne Tshisekedi, lui-même de son vivant, qualifiait d’illégitime. Elle n’avait pas à offrir au monde entier un spectacle si désolant. On peut ne pas être d’accord avec la vision d’Étienne Tshisekedi, mais je crois que sa dépouille ne mérite pas un tel traitement. C’est triste et affligeant. Je me garde d’utiliser d’autres mots…

La disparition d’Etienne Tshisekedi semble avoir ébranlé son parti l’UDPS et le Rassemblement, ce regroupement d’opposants lancé en 2016. Quel est l’avenir de l’opposition congolaise, selon vous ?

Le fait que vous souligniez — et vous n’êtes d’ailleurs pas le seul à faire cette observation— que la disparition du patriarche Étienne Tshisekedi semble avoir ébranlé son parti et le Rassemblement est la preuve qu’il n’y avait pas de leadership éclairé et visionnaire dans ce parti. La relève, ça se prépare. Ce qui n’est pas le cas avec l’UDPS. Quant à l’opposition congolaise, je crois qu’elle est à l’image même de la classe politique congolaise dans son ensemble, c’est-à-dire médiocre. Son avenir est donc hypothétique…

Vos publications sur le Président de l’UDPS suscitent beaucoup de réactions. Comprenez-vous que certaines de vos affirmations puissent choquer ? En quoi vos attaques contre les « Tshisekedistes » aideront à l’avènement d’un Congo meilleur ?

Ceux qui Sont souvent choqués par mes propos sont les « Tshisekedistes. D’autres réagissent raisonnablement, sans passion. Même ceux qui ne sont pas d’accord avec moi. Le problème est que chez la plupart de nos compatriotes, l’émotion prend souvent le dessus sur la raison. Aussi le Congolais n’a pas vraiment la culture du débat. Je ne prétends avoir la science infuse ; j’essaie de susciter le débat. Car du choc des idées jaillit la lumière, dit-on. Mais cela n’est pas évident avec certains de nos compatriotes. Permettez-moi de vous corriger sur un point : mes posts sur Étienne Tshisekedi ne sont pas des attaques, comme vous l’affirmez. Ce sont des réflexions. Elles peuvent être critiques, mais c’est avant tout des réflexions. Si quelqu’un se montre critique à mon endroit, cela ne veut pas dire qu’il m’attaque ou qu’il est contre moi. Nous devons nous départir de cette manière de voir et d’aborder les choses. Je crois que si nous débattions sans passion sur des sujets importants concernant notre pays, les choses évolueront. La lumière qui sortira notre beau et grand pays de la grande noirceur, disais-je, ne pourra jaillir que du choc de nos opinions, si opposées soient-elles.

Il vous est reproché de la suffisance et de l’autosatisfaction lorsque vous débâtez avec vos lecteurs.

Non. Je pense que je suis quand même quelqu’un d’assez humble. Ceux qui me connaissent vous le diront (Sourire). En revanche, je suis très sûr de moi, et cette assurance peut être interprétée comme de la suffisance, voire de l’orgueil. Je ne débats pas pour avoir raison, mais pour faire avancer l’état des connaissances, et donc quand celui qui est en face de moi fait montre de légèreté dans le raisonnement, je ne me prive pas de le lui faire savoir. Ça fait aussi partie du débat. Autre chose : Je suis un homme de rigueur et je ne fais pas de place à la médiocrité. Nous devons reconnaître que dans notre communauté, on fait souvent l’apologie de la médiocrité à tel point que ceux qui refusent de s’y conformer et se montrent intraitables sur cette question sont perçus comme des gens prétentieux. On confond souvent rigueur à orgueil et médiocrité à humilité. La situation de notre pays exige de nous beaucoup de sérieux et de rigueur. Si l’être équivaut à de la prétention ou de l’orgueil, alors je l’assume.

Moïse Katumbi et son grand-frère Katebe Katoto semblent avoir fait main basse sur le leadership de l’opposition. Comment expliquez-vous ce succès familial ?

Cela est dû au fait qu’il n’existe pas de leadership véritable au sein de l’opposition. La plupart de ces gens se battent pour avoir droit au chapitre, se positionner. Ils sont facilement achetables. Il ne faut donc pas s’étonner de voir les richissimes frères Soriano faire Main Basse Sur cette opposition.

Selon vous, la principale raison qui a conduit à la signature de l’accord de la Saint-Sylvestre (éviter un bain de sang) ne se justifie pas.

Pas du tout. Ceux qui l’ont signé prétendent l’avoir fait pour éviter au pays un bain de sang. Je me demande bien où étaient-ils quand les hommes de Kagame et Museveni pillaient, violaient et tuaient à l’Est du Congo ? Où se trouvaient-ils quand les hommes de Kabila massacraient nos compatriotes du Bas-Congo entre 2007 et 2010 ? Où étaient-ils quand les « Kagameboys » du CNDP et du M23 (qui sont par ailleurs de retour) semaient la mort et la désolation à Béni ? Ces gens se sont rendu compte, en décembre 2016, qu’on pouvait éviter à ce pays des morts ! Chose étonnante, la signature de ce fameux accord n’a pas mis fin au carnage. En témoignent la situation au Kasaï, à l’Est ainsi que dans d’autres coins de la République. Petit détail non sans importance : certains membres de ce Rassemblement, notamment le G7, étaient alliés à Kabila et au CNDP— au moment où ceux-ci faisaient mourir les Congolais à l’Est— au sein de la Majorité. C’est dire. Bref, s’ils ont signé ces accords, c’est pour avoir droit, comme on dit chez nous, à la mangeoire.

Le Président de la CENI, Corneille Nangaa, a annoncé que 15 millions de Congolais ont déjà été enrôlés. Les élections auront donc lieu comme prévu en 2017 ?

Supposons qu’il a raison. Avec quel argent va-t-on organiser ces élections ? Puisqu’on parle de près de deux milliards de dollars, dans un pays qui dispose d’un budget de quatre milliards de dollars. Pendant cinq ans, le pouvoir s’est arrangé pour ne pas organiser les élections. Et là, on nous apprend qu’il les organisera en décembre 2017 ! Avec quel argent ? Je pense qu’il n’y aura pas d’élections en 2017. À moins d’un revirement majeur…

La question ethnique revient de plus en plus. On a Budu Dia Kongo au Congo Central, le cas de la milice de Kamuina Nsapu dans le Kasaï, les pygmées, les Banyamulenge, etc. L’unité nationale est-elle en danger ?

Pour l’instant, je dirai NON. Mais si on continue à instrumentaliser le fait ethnique, alors tout pourrait arriver. C’est l’objectif non avoué des forces du mal qui opèrent dans l’ombre.

Les pays africains menacent de se retirer de la Cours Pénale Internationale (CPI) pour des raisons que vous savez. Pensez-vous qu’une CPI sans les Africains est-elle possible ?

Beaucoup d’États n’ont pas ratifié le protocole de Rome. Côté africain, une trentaine d’États seulement l’ont fait. Le problème n’est pas de savoir si la Cour peut se passer des pays africain ou pas. C’est plutôt une question de crédibilité. Si les pays africains se retirent, c’est la crédibilité de la Cour qui sera sérieusement entachée. C’est tout un continent qui sera absent.

Une forte mobilisation contre le Franc CFA a également vu le jour. Des manifestations sont organisées dans une vingtaine de pays. Quelle lecture faites-vous de ces événements ? Le Franc CFA a-t-elle encore sa place ?

On ne peut que soutenir le mouvement anti-CFA. Je pense que c’est aux pays africains de décider de leur monnaie et de leur politique monétaire. Ce franc français pour Africains (c’est comme ça que l’appelle) n’a pas sa place en Afrique. Que la France garde sa monnaie coloniale. Les Africains n’en veulent plus.

Propos recueillis par Roger Musandji Nzanza pour Œil d’Afrique



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