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L’urbanisme civique de Montréal au XIXe siècle

L’urbanisme civique et le milieu civique à Montréal au cours du XIXe siècle

L’un des principaux objets du gouvernement municipal, le plus important sans doute, est l’urbanisme Civique, soit le bel arrangement des rues, des maisons, la disposition et l’entretien des parcs; en un mot la parfaite ordonnance du milieu où vivent les citoyens. Tous les autres services publics sont en fonction du milieu civique, organisme fondamental, essentiel au bien être de tous et de chacun des habitants d’une ville. L’espace libre, l’air pur, le soleil, l’hygiène de l’habitacle familial et des centres de travail sont aussi nécessaires à la vie humaine que le boire et le manger.

Malheureusement, depuis toujours, aucune administration n’a su comprendre la nécessité absolue d’une politique d’urbanisme civique, se développant, d’après un plan d’ensemble, en correspondance intime avec les progrès
matériels et l’augmentation de la population.

Par manque de plan d’ensemble, on a laissé pousser, comme champignons autour d’une souche, ces affreux faubourgs, commencés du temps des Français, et continués depuis avec leurs rues étroites, leurs trottoirs encombrés de hideux poteaux chargés de fils métalliques. En bordure de ces artères brûlées de soleil, on a construit des maisons-cages, en série continue d’un coin de rue à l’autre, où cinq ou six pièces en enfilade donnent sur un couloir de deux pieds et demi à trois pieds. Tout ça est éclairé par une porte et une fenêtre à l’avant et à l’arrière. Du soleil, de la lumière, il y en a très peu dans ces « flats » superposés, enlignés sur des rues sans arbres, sans verdure et bloqués à l’arrière par de vieilles masures croulantes dans le fond de cour.

Il en tient pour une bonne part à l’agglomération rapide, exagérée, à l’entassement inévitable des familles sur un territoire nécessairement peu étendu en proportion de la population. Il est non moins certain qu’une étude sérieuse du problème eut conduit le gouvernement municipal à deviser de moyens pour atténuer le mal. Cela n’a jamais été entrepris par personne, et Montréal s’est bâti au hasard des circonstances, et selon le caprice ou la fantaisie de chacun.

Certes tout Montréal n’est pas affligé de ces taudis de misère. Westmount, Outremont, Notre-Dame-de-Grâces, Hampstead, Mont-Royal sont des centres d’habitations, où se révèlent le culte de l’esthétique, le souci du bien-être et de la bonne vie. Mais le vieux Montréal et la plupart de ses faubourgs annexés, où vit, au milieu des usines et du petit commerce, la grande masse du peuple ouvrier, a conservé ce caractère de misère et de pauvreté que lui ont légué ses ancêtres et qu’il n’a guère su améliorer.

Ce qu’on appelle faussement la partie est de la ville, en réalité c’est le nord, a toujours été négligée. En affaires municipales, comme en bien d’autres, on n’a pas compris que chaque citoyen, fût-il ouvrier ou manœuvre, porte en lui une valeur inestimable pour la communauté, qu’il fait partie du capital humain, le seul qui soit absolument nécessaire à la société. On a trop oublié que cet homme ne peut donner le plein rendement de ces activités que si les conditions de vie lui permettent le libre jeu de ses facultés physiques et mentales. L’homme, entouré de laideurs et de misères, encagé au logis, à l’atelier, à l’usine, au bureau, est beaucoup plus près de l’animal en captivité que de l’homme libre. Et malgré son apparente soumission, toutes les mauvaises influences physiques, morales ou intellectuelles auront sur lui quelque jour une incontestable puissance de déformation et d’irrésistible entraînement dans la lutte des classes. Le soleil, l’air sain, l’espace libre, l’ambiance de la beauté, le milieu de bien-être ont un sens profond dans l’existence humaine, une répercussion de vie intense dans toutes ses activités. On l’oublie trop. « On laisse la déraison s’introduire dans la vie urbaine. Les édiles ne voient bien que l’accessoire: police, feu, égout, aqueduc, et non l’essentiel, l’urbanisme civique.

Ils ne voient pas le soleil, mais seulement son reflet. (Alia Raçhmanova: La fabrique des hommes nouveaux)

L’historien ne blâme pas les édiles de cette carence de l’esthétique dans l’ordonnance des rues, la construction et la disposition des maisons, l’arrangement du milieu civique, dont ils ont charge pourtant. Il constate surtout un mal qui, pour exister ailleurs, n’en reste pas moins un mal qu’il faut déplorer, en attendant que l’homme cultivé, supérieur vienne un jour y apporter remède. Certes le tableau ci-dessus n’est pas une charge fantaisiste. Il correspond à la réalité des choses. Et les conséquences de ce milieu de misère et de pauvreté, l’histoire ne peut les ignorer. A tous les points de vue l’homme des villes, de Montréal en particulier, est trop souvent un être diminué, qui ne commande pas l’attention au même degré que l’homme de la campagne. La société l’ignore dans une très large mesure. Je parle de l’homme du peuple, du petit salarié, de l’homme de peine. N’est-il pas étrange que pour toute l’Ile de Montréal, où réside presque la moitié de la population totale de la province, l’on ne compte que quinze députés sur soixante-cinq au fédéral, et treize sur quatre-vingt-dix au provincial ? Cinq Montréalais ne valent donc pas un campagnard ? Et pourtant c’est à Montréal qu’existent les meilleurs centres éducatifs qui soient dans la province.

Sans doute cette baisse des valeurs individuelles est due en grande partie à l’agglomération d’un grand nombre sur un territoire trop restreint, ce qui obligeait à les superposer en étages; mais cela est dû aussi aux milieux d’habitations détestables qu’on a laissé se multiplier et qui ne permettent pas à l’homme d’apporter à l’œuvre commune de la vie politique, économique, sociale et religieuse l’apport d’un homme libre comme dans la cité antique. L’homme de la ville a perdu contact avec le sol, l’air pur, le soleil, la vie naturelle enfin. Il est devenu comme une sorte de denrée en conserve. Il en a tout juste la valeur.

Église de Marie-Reine du Monde. Photo de GrandQuebec.com.


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