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La justice au Canada en 1668

La justice au Canada (en Nouvelle-France) en 1668

26 avril 1668: Bigeon n’est pas content

Condamné pour le meurtre de Jean Bernard, Jacques Bigeon se retrouve en prison. Il porte sa cause en appel, car la sentence ne lui plaît pas. Le 20 avril précédent, il a été reconnu coupable d’avoir « assassiné et meurtri le nommé Bernard ».

La sentence était la suivante :

Condamné d’être conduit devant la porte de l’église paroissiale de Cette ville et là, nu ne chemise, la corde au col, la torche au poing et à genoux, demander pardon à Dieu, au roi et à la justice pour ses crimes à avoir le poing de la main droite coupé sur un poteau, être ensuite pendu et étranglé à la potence de la place publique de la haute ville tant que la mort s’ensuive, la tête dudit Bigeon sera séparée de son corps et attachée, avec la main coupée, à un poteau.

Des amendes devaient également être versées, l’une de vingt-cinq Livres pour payer des messes pour le repos de l’âme de la victime; la seconde, de Cinq Cents Livres, à verser aux proches de Bernard.

La cour déboute la requête et « met l’appel en néant ». La sentence initial est maintenue, mais on modifie certains détails. Ce n’est pas la main qu’on coupera, mais bien tout le bras, une fois le décès constaté.

17 Septembre 1668: Deux filles violées

Au début septembre 1668, un dénommé Pierre Pinelle est accusé du viol de deux filles mineures, Ursule Trut et Geneviève Hayot. Reconnu coupable, le 13 septembre 1668, Pierre Pinelle porte sa cause en appel dès le 17 septembre.

Le tribunal consent à analyser l’appel, car Pinelle estime que son procès a été mal fait en raison de vices de procédures. On décide de reprendre l’enquête et les victimes « seront vues et visitées par Jean Madry, maître chirurgien, et la dame Le Wallon », qui produiront leur rapport.

Le pathos de Pinelle fut bien inutile, car la cour en arrive à la même conclusion : il est reconnu coupable « de viol commis en personnes d’Ursule Trut, âgée de dix ans, huit mois, et de Geneviève Hayot, âgée de dix ans ». La sentence tombe :

Ledit Pierre Pinelle d’être rasé et battu de verges jusqu’à effusion de sang, par l’exécuteur de la haute justice, aux carrefours et lieux ordinaires de la haute et basse ville, condamné aux galères pour neuf ans et, pour cet effet, ordonne que les fers lui seront mis aux pieds et qu’il sera conduit sûrement dans le premier vaisseau qui partira pour aller en France.

L’amende est de trente livres, « applicable le tiers aux pauvres de l’hôpital de cette ville et les deux tiers envers lesdites filles ».

Résident de la côte Saint-Ignace, à Sillery, Pierre Pinelle épouse Charlotte Fougerat le 30 novembre 1662, à Québec.

Natif de la Charente, Mathurin Trut épouse Marguerite Gareman le 29 janvier 1652. Ayant huit enfants, le couple habite dans la côte Saint-Ignace. Née en février 1658, Ursule est leur deuxième enfant.

À Sillery, le 17 novembre 1653, Jean Hayot épouse Louise Pelletier; le couple aura dix enfants, dont Geneviève, l’aînée.

1er octobre 1668 : Gaillard insulte le roi

L’illustre intendant Jean Talon n’a pas du tout apprécié certains passages de deux lettres reçues et rédigées par un Montréalais dénommé Gaillard. Selon Talon, l’auteur a utilisé des termes offensant le roi.

La première lettre date du 25 juillet 1668 et la seconde, du 28 août, dans lesquelles « il y avait des termes qui blessaient le respect qu’un sujet devait à son roi ». On questionne l’accusé qui avoue être l’auteur des documents, mais affirme que son intention n’était pas d’offenser qui que ce soit.

Gaillard ne réussit pas à convaincre le tribunal puisqu’on le déclare coupable du méfait dénoncé par Talon. On le condamne à la prison et il devra revenir à la cour pour « reconnaître que témérairement, indiscrètement, contre l’honneur et le respect qu’il devait à Sa Majesté, il a écrit lesdites mots, lui en demander pardon, comme pareillement audit sieur Talon ». La cour exige que ces lettres soient déchirées et brûlées. Une petite amende avec ça? Qui, et la facture est salée : Trois cents livres applicables la moitié aux pauvres de l’hôpital » et le reste à des œuvres religieuses.

Le 2 novembre 1668: Une tentative de viol

François Hébert et sa fille, Jeanne, portent des accusations contre Antoine Gadboury « pour avoir voulu violer ladite Jeanne Hébert et avoir fait tous ses efforts pour y parvenir ».

L’enquête complétée, la cour maintient la culpabilité de Gadboury. Voici la sentence:

Être rasé et batu de verges par les carrefours ordinaires de cette ville et neuf ans de galère et, pour cet effet, sera conduit au premier vaisseau qui partira pour s’en retourner en France dont le capitaine se chargera de le livrer entre les mains de ceux qui sont proposés pour garder les galériens et en rapportera certifcat à son retour.

À cette peine, on ajoute une amende de cent livres « applicable la moitié pour entretenir ladite Jeanne Hébert, pensionnaire aux Ursulines de cette ville, et le reste à l’hôpital ».

Dans son livre sur des biographies d’ancêtres, Michel Langlois indique cependant que ce violeur ne quittera jamais le pays : On est au début de novembre et tous les navires venus cette année-là sont déjà repartis. On est obligé de le garder en prison. Sa peine est donc commuée et il doit servir un maître pendant quelques années. Toutefois, on fait saisir sa terre et ses biens. Son habitation est vendue aux enchères et adjugée, le 8 avril 1669, à Olivier de Boismorice, pour la somme de 650 livres.

À Beaupré, le 8 janvier 1678, Gaboury épouse Jeanne Mignault avec laquelle il aura huit enfants.

Natif de Normandie, François Hébert, dit Lecomte de Roussy, épouse Anne Fauconnier le 5 octobre 1644, à Mont-aux-Malades (France). Arrivé au pays en 1654, le couple possède une terre à L’Ange-Gardien (Côte de Beaupré) au moment du drame. Leur fille Jeanne est leur troisième enfant, âge de dix ans.

Originaire de La Rochelle, Antoine Gaboury arrive au pays en 1659. En 1668, il a vingt-cinq ans; il est célibataire et exploite une terre à l’Ange-Gardien. C’est le voisin des Hébert.

3 novembre 1668: Isabelle aime les hommes

Antoine Antorche Napolitain n’apprécie pas tellement les aventures extraconjugales de sa très charmante épouse, Isabelle Alure, et il dépose une plainte contre elle pour crime d’adultère et contre son amant Louis Tolomy.

Napolitain porte plainte le 27 octobre 1668. Lors de son interrogatoire, Isabelle Allure confirme avoir avoué son crime à son mari. L’enquête dévoile que son aventure avec Tolomy a débuté à La Rochelle, avant le départ pour Québec. Les tourtereaux ont continue « dans le navire pendant le voyage et même depuis ».

Toute une surprise pour le mari quand l’enquête dévoile une seconde aventure, cette fois entre Isabelle et un dénommé Jean Chamot. En l’absence du mari, ce dernier « donna le soir de l’eau-de-vie, avec du sucre, à boire à ladite Isabelle Alure et sur les neuf heures, il fut à sa chambre ». Chamot confirme « qu’il l’avait enivrée et, qu’en l’état où elle était, il fut couché avec elle et eut sa compagnie, ne sachant ce qu’elle faisait.

Revirement de situation quand le mari trompé finit par supplier le tribunal « d’avoir pitié de ladite Isabelle », mais il exige une sévère punition envers ses ardents compétiteurs.

La dragueuse épouse s’en tire finalement bien. On ordonne que « ladite Isabelle Alure soit blâmée en présence dudit Antoine Antorche, auquel elle demandera pardon à genoux et à haute vois ». C’est tout.

Les deux conquistadores de l’amour vont cependant subir les foudres de la cour. Louis Tolomy est « banni à perpétuité du Canada, la cour lui enjoint de garder son ban, à peine de la corde (pendaison), l’a condamné et condamne à rendre et restituer les habits, bagues, joyaux et hardes (vêtements) appartenant audit Antoine Antorche et à sa femme ». Ses biens sont confisqués et l’amende est de deux cents livres.

Chamot récolte une amende de cinq cents livres et « jusqu’au payement desdits dommages, intérêts, amende, dépens et restitution des hardes, lesdits Tolomy et Chamot tiendron prison ».

Le 5 novembre 1668 : Une mutinerie bien arrosée

Dès son arrivée au port de Québec, on imagine facilement apercevoir, sur le quai, Henri Reuse, de Hambourg, le capitaine du navire La Sainte-Anne, se dirigeant au pas de course pour aller déposer une poursuite criminelle contre une bande de joyeux mutins qui ont foutu le bordel durant toute la traversée. Dans sa plainte du 4 septembre 1668, le capitaine incrimine Pierre de Joybert, Claude Cameau, Jacques de Monoury ainsi que nos deux lurons de la précédente cause, Chamot et Tolomy.

Ces hommes sont formellement accusés de « s’être rendus maîtres avec violence et main armée dudit navire y avoir établi des corps de garde, menacé et maltraité les officiers, ouvert par force les coffres, écoutilles, panneaux, soutes ». De plus, ils se sont soûlé la gueule sans privation, car une grande quantité de barriques de vin a été consommée; du vin devant être livré à plusieurs résidents de la Nouvelle-France.

La conclusion n’est pas drôle pour le capitaine Reure qui est condamné à remettre les barriques de vin aux clients lésés dans cette histoire ou, à défaut, à payer le coût des pertes.

Le groupe de mutins est « banni à perpétuité du Canada ». Pour s’assurer de bien informer le public de ce jugement, « le présent arrêt sera publié aux carrefours de cette ville » et des copies supplémentaires seront affichées sur un poteau « au port de l’île Percé aux grands mats de quatre vaisseaux qui sont prêts à partir pour l’ancienne France ».

(Tiré du livre de Guy Giguère, La Scandaleuse Nouvelle-France, histoires scabreuses et peu édifiantes de nos ancêtres.  1958).

Illustration : GrandQuebec.com



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