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VIEILLESSE ET DEPENDANCE : Comment faire face à la perte d’autonomie de nos parents ?

(Cette question nous interroge sur l’avenir de nos parents, mais nous renvoie en même temps à notre propre vieillissement.)

Dans une société fondée sur le culte de la performance, sur la maîtrise et le contrôle de sa vie, la vulnérabilité fait peur. La dépendance encore plus.
Accepter de devenir fragile et de lâcher-prise est tout un art.



 Imaginer sa vieillesse et surtout sa perte d’autonomie reste un sujet tabou. Il semblerait que l’on ait moins de mal à anticiper et organiser son décès, ses obsèques que la prise en charge de sa dépendance.

Nul ne sait à quoi va ressembler notre fin de vie. Et c’est bien là toute la difficulté. C’est même la raison pour laquelle cette question, comme toutes celles pour lesquelles nous n’avons pas de réponse suscite de l’angoisse. Donc tant que l’on est encore jeune et en pleine forme, on a tendance à repousser le sujet le plus loin possible. En tant qu’enfant, il nous est parfois difficile aussi d’imaginer nos parents, ceux-là mêmes sensés nous protéger, incapables de se débrouiller seuls.

La logique veut que nous soyons confrontés à notre propre vieillesse avant celle de nos enfants. Nous avons pour la plupart, le souci de faire en sorte, le moment venu, de ne pas trop « peser » sur leur vie. Or, le tabou qui pèse sur le lieu où l’on ira quand on sera vieux, est à la source de bien des souffrances.
 Pour se faire léger, il y a donc urgence à sortir du non-dit, du déni et des tabous. Alors si on commençait pour se faire,  par oser aborder, parents et enfants, cette question ensemble ?

Penchons-nous un peu sur l’évolution de notre société au cours de ces deux derniers siècles. On constate non seulement que, le contexte économique et sociologique a beaucoup évolué, mais surtout, que les modèles culturels ont changé.

Ce qui pouvait sembler une évidence autrefois : accueillir chez soi ses parents vieillissants (Il n’est pas rare que nous ayons nous-même vécu enfant, avec l’un de nos grands-parents) ne l’est plus du tout aujourd’hui. Dans la plupart des familles, les deux conjoints travaillent à l’extérieur (et il leur est déjà souvent difficile de concilier travail et vie de famille), les logements sont devenus plus exigus, les familles se sont éparpillées sur le plan géographique, éclatées du point de vue de la cellule familiale (familles monoparentales, familles recomposées), etc. Ces multiples facteurs semblent à première vue, guère compatibles avec l’accueil chez soi de personnes âgées dépendantes.

N’oublions pas non plus, que l’espérance de vie étant de plus en plus élevée, les enfants sont eux-mêmes de plus en plus âgés au moment où la question de faire face à la perte d’autonomie de leurs parents se pose. Et ils éprouvent parfois eux-mêmes des difficultés.
Le rapport à la vieillesse diffère cependant en fonction des cultures. Les personnes âgées n’occupent pas la même place en effet, en Chine ou en Afrique, ou encore en Occident  où la culture est davantage centrée sur l’individu plutôt que sur la famille ou le groupe. Les valeurs développées en Occident sont plutôt portées sur la réussite et l’intérêt individuel, l’épanouissement personnel, la liberté, l’autonomie.

La vieillesse ne surgit  pas par surprise, elle s’installe progressivement. Les facultés baissent peu à peu et l’autonomie devient de plus en plus restreinte. C’est la raison pour laquelle il nous est parfois difficile de discerner à partir de quel moment on n’est plus en mesure d’assurer seul notre sécurité.

On remarque d’ailleurs que cette question pose souvent plus de problèmes aux enfants qu’aux parents eux-mêmes. Pour les enfants, imaginer que ses parents ne sont plus en sécurité chez eux suscite de l’angoisse, à l’idée notamment qu’ils pourraient tomber et se blesser. Cette situation engendre  alors un sentiment de culpabilité. D'autant que derrière l’angoisse du risque, c’est l’angoisse de la mort qui se cache…

Cette perte d’autonomie qui s’installe progressivement nécessite une présence de plus en plus soutenue auprès des parents ; présence assurée généralement dans un premier temps par les enfants  (considérant qu’il s’agit le plus souvent pour eux d’un juste retour des choses). Chacun des enfants n’étant pas en mesure d’accorder la même disponibilité (selon l’âge, l’état de santé, l’éloignement géographique, l’activité professionnelle, ou tout simplement l’envie...), cette prise en charge est parfois source de conflit dans la fratrie.
Mais au fur et à mesure que la dépendance s’installe, l’aide familiale n’est parfois plus suffisante. On n’a pas toujours conscience à quel point c’est épuisant en effet, de s’occuper chaque jour d’une personne âgée de plus en plus dépendante. Quand les rôles s’inversent, on réalise aussi à quel point il n’est pas facile de devoir prendre en charge les soins intimes de ses parents. Cet accompagnement exige de la part des aidants familiaux, non seulement disponibilité en termes de temps mais aussi sur le plan émotionnel. Conscients que l’état de santé de nos parents ne s’améliorera pas avec le temps, il est aussi important pour nous enfants, de pouvoir respecter nos propres limites en sachant passer le relai sans culpabilité avant que la relation ne se transforme chaque jour un peu plus en relation de type « soignant-soigné » et avant d’arriver à un état d’épuisement, parfois source d’exaspération et de violence. C’est alors faire preuve de sagesse que d’accepter de passer la main.

Notre société s’est organisée pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en mettant en place une assistance qui peut revêtir différents formes, allant de la prise en charge du ménage, des courses, du portage de repas, des soins à domicile, de la toilette, etc. Tous ces services d’aides à la personne sont en fait le prolongement de la prise en charge assurée autrefois par la famille. Pour les parents aussi, il s’agit de lâcher-prise : d’accepter de faire confiance au personnel qui va à présent les prendre en charge et surtout accepter de confier son corps à d’autres mains. Du point de vue des enfants, cela permet de se rendre plus disponible et de préserver la qualité du lien, plutôt que de s’épuiser à des tâches ingrates et épuisantes, tant sur le plan physique que psychique.
Mais accepter de vieillir chez soi, c’est souvent accepter de vieillir seul, voire traverser de longues périodes de solitude. Les proches ne peuvent pas être là continuellement. Leur vie est souvent très remplie. Mais c’est le prix que certaines personnes âgées sont prêtes à payer pour vieillir chez elle.

Ce choix leur appartient et il est important de le respecter. A nous de travailler le cas échéant sur les angoisses que cela peut susciter chez nous.

Chaque situation familiale est tout à fait singulière et unique. A chacun sa façon d’aborder cette question de la prise en charge de ses parents dépendants. Qu’il s’agisse de l’accueil du parent chez soi, du maintien à domicile avec l’aide des enfants, du maintien à domicile en faisant appel à du personnel extérieur ou de l’admission en maison de retraite, il n’existe pas une solution meilleure qu’une autre. Chacune présente des avantages et des inconvénients. Par ailleurs, une option peut convenir un moment donné puis trouver ses limites et nécessiter un autre relai au bout d’un certain temps.  L’important est, et reste toujours, de pouvoir parler de ce que ces différentes situations peuvent nous amener à vivre chacun. Une fois de plus, si ces discussions ont été abordées bien en amont, cela facilite les choses.

Malheureusement, s’agissant du placement en institution, l’admission se fait souvent en situation d’urgence et à l’insu de la personne elle-même, soit après un séjour en hôpital, soit pour des raisons de sécurité physique ou morale, ou par épuisement des aidants familiaux. La majorité des enfants qui placent leurs parents en maison de retraite attendent d’être arrivés « au bout du rouleau… ».
 Or entrer en maison de retraite implique un changement de vie et d'environnement qui n'est jamais facile, surtout si cette décision ne fait pas l’objet d’un choix librement consenti.  Elle est même parfois vécue comme un échec de la part des aidants familiaux, obligés de reconnaitre leurs limites.  Conscients que la perte d’autonomie va aller s’accroissant, ce choix signe une fin inéluctable que l’on a peine à imaginer et surtout à admettre. Les enfants font parfois croire à un placement temporaire et réversible pour supporter le sentiment de culpabilité que cela leur renvoie. Or, l’admission en maison de retraite n’est pas un abandon à condition d’avoir pris le temps de bien préparer cette étape et si l’on est en accord avec ce choix.

Si ce placement n’est pas préparé, la rupture risque en effet d’être douloureuse. Par contre, si elle est anticipée et surtout, s’il y a adhésion de la personne âgée à ce choix, l’adaptation a toutes les chances de se faire dans de bonnes conditions. Il est primordial en outre, qu’une relation de confiance s’établisse entre le résidant, sa famille et le personnel. Le deuil du domicile pourra ainsi être compensé par la rupture de l’isolement et l’instauration d’un lien social avec les autres pensionnaires.

Déchargé des tâches ingrates, cela permet à la famille d’être plus disponible pour se concentrer sur l’essentiel, à savoir : le lien intergénérationnel ; lien de qualité s’entend car on peut être entouré de beaucoup de personnes et vieillir seul. Il est donc essentiel, non seulement de s’assurer de l’adhésion du résident à ce nouveau projet de vie mais aussi d’évaluer les qualités humaines véhiculées dans ce lieu. C’est pourquoi, il est toujours préférable de prendre le temps de visiter plusieurs structures afin de jauger dans quel lieu on va pouvoir se projeter. Rappelons que cette décision appartient en dernier ressort, au  résident.

Malheureusement, les enfants ont souvent tendance à imposer leur propre choix en fonction de leurs propres angoisses ou par confort (cout, proximité, etc). Attention toutefois à ne pas obtenir du parent, son assentiment de manière déguisée en mettant en avant son devoir de soutien sous forme de reproche ou en cherchant à obtenir son accord au moyen de la culpabilité.
Remarquez que cette culpabilité peut s’exercer dans les deux sens. Il arrive que le parent âgé qui n’accepte pas sa dépendance culpabilise à son tour les enfants en mettant en avant leur devoir filial.
Concernant l’hébergement des personnes âgées, de nouvelles prises en charge sont en marche, sous la forme notamment d’habitat partagé ou collaboratif. Ces colocations intergénérationnelles reposent sur un échange de services et ont pour objet de fédérer les besoins et les moyens entre les occupants.

Quel que soit le mode d’hébergement pour lequel on opte, le plus important est de pouvoir permettre à nos parents de vieillir dans un environnement respectueux de leurs besoins profonds d’échange et de considération, dans l’endroit qu’ils auront choisi.
Du point de vue de la personne âgée, l’entrée dans la vieillesse et dans la dépendance se fait de manière très insidieuse et progressive. La vie est jalonnée de deuils et de renoncements. Plutôt que de subir cet état de fait en refusant de vieillir, si bien vieillir commençait par accepter de faire le deuil des capacités que l’on n’aura plus, accepter cette évolution irrémédiable du cours de la vie : lâcher prise en acceptant de dépendre des autres, sans rancœur ni désespoir ?  Pour les enfants, il s’agit de faire le deuil des  parents que l’on a connus avec des capacités qu’ils n’ont plus aujourd’hui, tout en sachant reconnaitre ses propres limites dans la prise en charge de leur dépendance.
Que ce soit à domicile ou en institution, vieillir peut être une expérience heureuse à condition de rester en lien avec la vie et avec l’entourage. Le plus important est donc bien la qualité du lien que l’on va continuer à entretenir avec eux.

Mais ce qui est souvent le plus difficile pour les personnes âgées n’est-ce pas au fond, l’image que leur renvoient parfois la société et l’entourage : ce sentiment diffus qu’elles n’ont plus leur place et qu’elles pèsent sur les autres.

On a tendance à associer dans notre société, perte d’autonomie et perte de dignité. Citons à ce propos le philosophe E. KANT : « Toute personne est digne, quel que soit l’état dans lequel elle se trouve » et rappelons-nous que tous nos droits de l’homme sont fondés sur cet impératif. Privées d’autonomie, les personnes âgées peuvent donner et recevoir autre chose et autrement. Elles ont beaucoup à nous apprendre et la force du lien intergénérationnel est un bien précieux à préserver. Comme le dirait Marie de Hennezel, Psychologue, « Il est une manière de vivre son avancée en âge comme une ouverture et non comme une fermeture, quel que soit l’état dans lequel on se trouve. ». Le moment est peut-être venu alors, de laisser place à l’homme intérieur au profit de l’homme extérieur, autrement dit : gagner en dedans ce que l’on perd en dehors.

« Accepter ce que les personnes âgées nous donnent au-delà des mots et des gestes, accepter de découvrir que ceux que l’on croit aider sont ceux qui nous aident et ceux que l’on croit autonomiser nous autonomisent » telle est la teneur du message que nous livre Sophie Fontanel dans son  témoignage émouvant : « Grandir ». Le récit de Sophie Fontanel fait sauter toutes les fausses idées que nous nous faisons de la dépendance.

Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

  •  « Grandir » de Sophie Fontanel -  Robert Laffont– 2010 – 157 p – 17,50 € (Format Poche : 4,20 €)
  •  « Qu’allons-nous faire de vous ? » - Marie de Hennezel et Edouard de Hennezel – Carnets Nord – 2011 – 361 p – 19 € (Format Poche : 6,50 €)
  •  « La cause des aînés : pour vieillir autrement et mieux » - Catherine Bergeret-Amselek – Desclée de Brouwer – 2010 – 403 p – 20 €
  •  « Prendre soin de nos aînés, c’est déjà prendre soin de nous » - Pascal Champvert – Carnets Nord – 2012 – 144 p – 12 €



Documentaire : « Que faire de nos parents ? » -  Diffusé Mardi 2 décembre 2014 à 20 h 40 sur ARTE – Durée : 50 mn : cliquez ici pour plus d'informations concernant ce documentaire

Mercredi 21 janvier 2015 à 18 H 30 : Bibliothèque Teisseire-Malherbe à GRENOBLE 
Projection suivie d'un débat sur le thème :  Comment accompagner nos aînés à l'échelle d'un quartier de la ville ? Comment développer la communication entre les générations et les professionnels pour un mieux-être de chacun dans sa relation à l'autre ? (Aidants familiaux, acteurs associatifs, culturels et sociaux)  
Ouvert à tous dans la limite des places disponibles.



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
www.conseillere-conjugale-et-familiale.fr
[email protected]
06 14 76 05 48




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