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Un homme d’intérieur


Nous sommes plusieurs dans un seul corps. Ce n'est ni de la schizophrénie, ni une référence rimbaldienne à l'inconscient, ni le futuriste métaverse, mais l'ambiguïté des situations nous fait nous comporter de manières différentes selon les situations. On a beaucoup glosé ces dernières années sur l'écart possible entre l'artiste et son œuvre. Le petit Jean-Jacques n'est pas Jean-Jacques Birgé, même si l'un cherche à influencer l'autre, et réciproquement, autant que possible ! La même personne peut faire rire dans un certain milieu et apparaître hyper sérieux dans un autre. Tels des acteurs, nous endossons des rôles avec la même sincérité, la même vérité, fut-elle jamais ce qu'elle prétend être.

Alors que j’étais encore jeune adulte, ma compagne m’appelait le fé du logis. Récemment je rétorque à une amie, qui sort tant qu'elle se dit femme d’extérieur, qu’à son opposé je suis un homme d’intérieur. Si bien qu’au jeu du portrait chinois ma maison me ressemble. C’est une caverne où j’ai installé tout ce dont j’ai besoin pour vivre et travailler, comme si les deux termes n’étaient pas synonymes dans ma cosmologie ! J’en sors essentiellement lorsqu’on m’invite, ce qui me fait pourtant toujours plaisir. L’endroit est spacieux, chaque pièce ayant sa fonction, et les deux jardins, devant et derrière, participent à créer un lieu accueillant pour tous mes ami/e/s.
Lorsque je rejoins le centre de la capitale, je ne m’y promène plus qu’en touriste, ne manquant jamais de m’arrêter au milieu des ponts pour admirer la Seine. En dehors de ces rares incartades, attiré par une exposition, un repas exotique ou une balade romantique, je ne retrouve plus les émotions de mon enfance ni de mon adolescence. Le vélo électrique y est devenu mon moyen de locomotion préféré, malgré l’incivilité qui règne sur les pistes, mais je préfère me faire livrer à domicile plutôt que courir les magasins.
Il est certain qu’en centralisant mes activités je gagne un temps considérable. Si je m’extirpe de mon cocon, ma liseuse ne quitte plus ma poche. Pratique pour les transports en commun ou les salles d’attente. La seule discipline que je tolère étant celle que je m’impose, j’aime pouvoir faire de la musique ou écrire à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Depuis la majorité de ma fille je ne connais plus ni week-end ni vacances scolaires, ni grasse matinée hélas. La maison est ouverte sept jours sur sept avec des horaires allant de l’aube au lendemain. Depuis la Covid il m’arrive de faire la sieste à des moments totalement inattendus, si improbables qu’en général le téléphone me réveille aussitôt assoupi !
Comme j’ai toujours préféré les disques aux concerts, les livres aux lectures ou conférences et que ma cinéphilie ne connaît aucune salle capable de m’offrir ce que mes désirs me poussent à projeter sur mon grand écran, je n’ai aucun regret, surtout si je peux inviter des amis à partager ces agapes, audiovisuelles ou culinaires. D’ailleurs je déteste aller dans un restaurant proposant des mets que je sais confectionner moi-même, d’où mon goût pour les plus grands exotismes, qu’ils soient locaux ou planétaires.
J’ai certainement oublié les mauvais moments et c’est tant mieux, ayant l’impression d’avoir eu beaucoup de chance jusqu’ici dans ma vie, qu’elle soit intime ou professionnelle. Je ne comprends pas les camarades qui répètent que "la vieillesse est un naufrage". Merci Victor ! Ils ont oublié les misères d'antan, émotionnelles et physiques. En mûrissant cela ne s'arrange pas, mais on apprend à gérer, si bien que cela va de mieux en mieux. Ne pas s'endormir si l'on veut améliorer cet extra-ordinaire dans les années qui se profilent ! Évidemment cela ne se fait pas tout seul. Il faut y mettre du sien. Les enjeux actuels me préoccupent et j’espère vaincre le marathon tranquille que j’ai récemment entamé, me rappelant que si je suis homme d’intérieur, je suis avant tout un animal social qui ne s’épanouit que dans le collectif, qu’il soit professionnel ou domestique.
Si l'on pouvait extrapoler au reste du monde, ce serait véritablement extraordinaire, mais la plupart d'entre nous, du moins si vous me lisez, sachant que nous sommes minoritaires à l'échelle de la planète, vivons pour l'instant dans un univers privilégié où ce genre de discours peut encore s'entendre. J'ai toujours du mal dès que je prends un peu de recul en sortant de ma bulle. Dehors, dedans. Je suis donc plusieurs, un autre, voire des autres, avec mes contradictions, mon empathie, ma difficulté d'être, mes paradoxes quantiques, mon évasion dans l'imaginaire parce "l'impossible, c'est le réel, tout simplement."


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