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Fillon or not Fillon ?

Tous Les Cinq Ans, je me réjouis de la perspective des élections présidentielles. Tous les cinq ans, je m’enthousiasme de cette possibilité qui nous est donnée de discuter des problèmes, de rebattre les cartes, de voir surgir de nouvelles ambitions, de tenter de nouvelles recettes. J’adore ces heures et ces heures de débats d’idées, ces contradictions, ces idées venues de nulle part, ces émissions minutées et formatées qui nous laissent sur notre faim ou parfois tellement nous ravissent. Je me régale quand quelques journalistes bousculent les traditions et proposent une autre façon de voir la politique comme ont pu le faire cette année Karine Le Marchand ou Melissa Theuriau.

Fillonniste de la première heure, j’ai été charmée par un programme qui enfin allait tenter d’autres recettes pour sortir du chômage 6 millions de personnes et pour renverser une courbe de l’endettement qui depuis 40 ans n’a pas connu d’inflexion. J’ai été enlevée par des discours qui promettaient de relancer la France pour l’amener au niveau de l’Allemagne en dix ans. J’ai été séduite par un projet qui était construit de longue date et par la colonne vertébrale qu’il dénotait. Et j’ai aimé que la femme du candidat ne soit ni une actrice, ni une chanteuse, ni une journaliste, qu’elle ait embrassé l’ombre plutôt que la lumière comme des millions d’entre nous. Mère de famille nombreuse comme elle, je pouvais enfin m’identifier un peu, un Tout petit peu, à ce monde politique.

Et puis le Penelopegate est arrivé. Tout d’abord estomaquée par la nouvelle, je me suis remémorée comment ma mère, pendant trente ans, avait travaillé dans le commerce de mon père sans être déclarée, et dans son ombre. Mon père ne l’exploitait pas, ils avaient fait leurs calculs, il valait mieux financièrement pour le foyer que ce soit ainsi, même si cette situation interdisait à ma mère son indépendance financière ou de reprendre sa liberté si elle l’avait voulue. Mais elle assurait l’optimisation financière du foyer et permettait à ma mère de consacrer du temps aux trois enfants. C’était commode.

Autres temps, autres mœurs, les Fillon ont trouvé un moyen de donner un assistanat haut-de-gamme à un homme à la carrière politique riche, tout en assurant que les enfants continuent à être pris en main, que Pénélope ait une vie professionnelle « malgré » cinq enfants et qu’elle ait une sécurité financière sinon impossible à gagner. Là encore, ça devait être commode pour tout le monde. Fillon n’embauchait pas d’autres assistants parlementaires, le boulot devait être fait par quelqu’un, il a été fait par l’épouse.

Et puis sont venues les autres « affaires », les déclarations tonitruantes, les effets d’annonce dans les médias, la diligence de la justice. Chaque matin pendant des semaines, j’ai ouvert le journal en tressaillant et en me demandant ce qui allait bien sortir cette fois-ci. Pourtant, une fois ma religion faite sur le Penelopegate, je n’étais pas ébranlée, le programme était toujours là.

Jusqu’à l’affaire des costumes. Là franchement, je n’en suis pas revenue. Le cadeau d’un ami, vraiment ? Depuis quand les hommes s’offrent-ils des costumes en signe d’amitié ? Je comprends vite avec Moscovici que ça semble être une autre de ces pratiques courantes dans le milieu politique. J’imagine que c’est une façon de remercier pour services rendus ou de rémunérer sans soumettre aux impôts et ainsi d’assurer une partie d’un budget « représentation » qui doit peser sur les finances des hommes et femmes politiques. Je dois dire que ce qui me stupéfie le plus, ce n’est finalement même pas tant le geste mais le fait que Fillon n’ait pas pensé une demi-seconde qu’en continuant ces pratiques pendant la campagne présidentielle alors qu’il était déjà sous le feu de toutes les critiques, il risquait de mettre à mal tous ses efforts pour exister malgré tout. Ce manque de sens commun (le « common sense » des anglo-saxons) m’a clouée, tout simplement.

Que reste t-il aujourd’hui à l’électrice qui veut malgré tout glisser un petit papier dans l’urne le 23 avril ? Macron, le « wishy-washy », qui, dans « Au tableau », met les cartes détaillant son programme que lui donnent les enfants ni dans l’urne bleue de droite, ni dans l’urne rouge de gauche, mais qui les laisse au milieu, dans une sorte de no man’s land idéologique ? Macron qui tente de faire le grand écart entre Robert Hue et le très versatile François Bayrou et qui va finir par rallier toute la Hollandie ? Puis-je vraiment voter pour le même homme que celui choisi par Robert Hue, et même s’il n’en est pas responsable ?

Vais-je voter pour Marine, la représentante de la France périphérique ? Je ne fais pas partie de cette France périphérique, j’appelle mes collègues britanniques ou américains tous les jours et je les aime bien mes comparses de la globalisation. Ils me surprennent, ils m’agacent, ils détonnent, mais je les aime bien. Je les vois bien gênés par le Brexit et par Trump, je les vois avec leurs petites victoires, la défaite de Trump face à l’Obamacare, les difficultés de Theresa May à sortir de l’Europe détestée, j’ai de l’affection pour eux, malgré tout.

Hamon, Mélenchon. Over my dead body. Leur ignorance crasse de l’économie et des systèmes qui les nourrissent me soulève le cœur.

Alors quid ? Revenir à Fillon ? Croire qu’il faut dissocier l’homme du programme comme il faut dissocier l’artiste de son œuvre ? Voter malgré tout pour lui pour donner tort à toutes les Christine Angot de la France bien-pensante et inquisitrice ?

Au-delà du 23 avril et du 7 mai, que restera t-il de cette élection présidentielle ? Qui Aura Envie à l’avenir d’embrasser la vie politique quand on a vu ce qu’elle pouvait donner ? Qui aura envie de cette vie de moine que demande l’électeur ? Qui pourra offrir la droiture que semble réclamer la vie politique mais qu’aucun être humain, vraiment aucun, ne saurait offrir ? Qui prendra le risque que soient mis en pièce quelques principes de nos vies qu’on pensait pourtant bien ancrés dans notre ADN : la présomption d’innocence, la confidentialité des sources, le secret des enquêtes ? Qui voudra prendre le risque que sa vie soit décortiquée, triturée, jetée aux lions d’un public avide de sang politique ? Qui prendra le risque d’aller travailler dans le privé avant d’embrasser cette carrière alors que le monde politique a tellement besoin de ces interactions avec le privé ?

Quels que soit les résultats du 7 mai, le vainqueur de la présidentielle le sera par défaut. Chirac avait été élu pour éviter le Pen, Hollande pour éviter Sarkozy, Macron le sera t-il pour éviter un autre le Pen ? Quand la France parviendra t-elle à élire quelqu’un pour ce qu’il ou elle est et non pas pour éviter un mal bien pire ?




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